La journée avait été un peu mouvementée. Te voilà à faire une clé de bras à un homme ayant eu des propos menaçants à l'encontre d'une belle fleur du moulin. Couché sur le ventre, tu lui maintiens le bras dans le dos, appuyant sur deux doigts pour l'empêcher totalement de bouger. On t'appelle (te convoques) et tu tournes lentement la tête pour écouter ce qu'on a à te dire.

Aslan. L'adjoint a besoin de vous dans son bureau. Une affaire d'agression, parait-il.

Tu fronces les sourcils. Te penches à l'oreille du mauvais client, lui murmures d'une douceur froide. Tu es en colère Aslan - un peu inquiet aussi. Alec aurait-il eu le cran de parler ?

— « Revenez ici et vous ne reverrez plus jamais la lumière du soleil, soyez-en assuré. »

Tu le lâches et la jolie fleur se jette à tes bras. Tu aimes bien, passer pour le héros. Quel escroc, t'as rien fait d'exceptionnel. Quand tu sais où toucher, tu peux immobiliser le plus fort des hommes ; même si tu n'as aucune particularité physique.
Tu souris et caresses la tête de la jeune fille, passes tes doigts dans ses longs cheveux lisses et mimes une petite révérence.

— « Veuillez m'excuser les filles, le devoir m'appelle. »

Juste avant d'entrer, tu -
Inspires. Expires. T'espère qu'il a fermé sa grande gueule. T'aurais du lui coudre la bouche.
Merde.

Aslan, je t'en prie entre.
Tu t'exécutes, pousses la porte et observes d'abord droit devant toi. Le regard braqué dans l'Adjoint et le sourire vissé aux lèvres, tu tournes lentement la tête vers Alec à mesure que tu avances. Tu le détailles silencieusement, et restes debout.
Tu gardes tes mains derrière ton dos.

— « Un problème, monsieur ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une agression. »

Tu ne sais pas comment tu fais pour rester aussi calme.
Qu'on te donne un putain d'oscar. C'est quoi déjà un oscar ?
Tu te tournes finalement vers Alec.
Actives ton pouvoir sur l'Adjoint.

— « Il est possible que ça ait échappé à ma vigilance. Comme vous le savez, je ne travaille pas de nuit. Que s'est-il passé, messieurs ? »

Oui, que s'est-il passé, Alec ?

Tu attends qu'Alec en vienne aux explications, qu'il détaille ce qu'il a vu. Tu l'observes du coin de l'oeil, le surveille alors qu'il s'agite. Mais il reste flou, il ment délibérément pour te couvrir.
Intéressant.
Tu comprends que tu as été assez persuasif, et malgré les sous-entendus accusateurs, tu ne perds pas ton sourire confiant. Tu te veux rassurant, compréhensif, presque dans l'empathie !
Après tout, c'est ce qu'on attend de toi non ?

Tu le sens que ses yeux brulent, à mesure qu'il fait exprès de ne pas te regarder. ça t'enrage Aslan, t'aimerais qu'Alec affronte ton air victorieux, celui que tu affiches avec fierté en ce moment même. T'aimerai que ton impunité (qu'il crédibilise avec un faux témoignage) le détruise encore plus. Qu'il se rappelle encore des siècles qu'il ne peut rien contre toi.

— « Je vois. C'est bien fâcheux. Je pense qu'en effet, nous devrions être plus vigilants. Je n'ai rien vu de particulier. Surement un professionnel qui comptait s'y prendre à Monsieur Gray depuis un moment. Ces vicieux se cachent dans les ombres. »

Tu te tournes cette fois vers Alec, marches jusqu'à lui et t'abaisses à sa hauteur. Restes accroupi en équilibre et cherches son regard.

— « Tu ne te souviens de rien qui pourrait m'aider à l'identifier ? »

Grand sourire, le regard écarquillé.
Il n'y a que lui qui peut te voir, l'Adjoint étant assis de l'autre côté, dans ton angle mort. Tu tournes finalement la tête vers celui-ci.

— « Il serait préjudiciable que des malades s'autorisent le droit de souiller les employés du moulin. Ce sont des marchandises précieuses. »

T'as compris Alec ? T'es que du bétail.
Tu te relèves Aslan, fléchit les cuisses pour remettre tes mains dans ton dos.

— « Comment puis-je vous aider davantage ? »

Quoiqu'il arrive, tu seras toujours gagnant.

Il ne te regarde pas. C'est insupportable... cède. Qu'il ouvre ses putains de yeux. Tu veux qu'il affronte la dure réalité, celle de la cage qui se referme sur lui à mesure qu'il s'enfonce dans ses mensonges. Ses sous-entendus te font sourire, les insultes déguisées aussi. Mais devant l'Adjoint tu dois te montrer l'air grave, doit faire semblant de compatir. Alors tu ...

Quoi ?
Il soulève son t-shirt. Tu frémis Aslan, à deux doigts du haut le coeur à la vue de ce travail gâché. Au début t'as eu peur qu'il te dénonce devant l'Adjoint, qu'il montre les lettres qui t'auraient incriminé rapidement. Mais elles n'y sont plus. T'es en colère Aslan.
La frustration qui te prend les tripes même si ça t'évite les emmerdes. Tu sais pas si tu dois le remercier ou le punir. Ce dont t'es certain c'est que tu crèves d'envie d'un mélange des deux.

Son sourire est un affront.
Tu serres les poings quand tu te redresses et lui répond d'un air grave. L'air de dire qu'il ne s'en sortira pas aussi facilement.
Mais alors que tu réfléchis à une solution, le manager propose une option qui n'aurait pu te ravir davantage. Cependant il y a un hic.

— « Je ne peux assurer la nuit si je travaille en journée. Convenons d'une alternance. Engagez un soldat de la garde en complément. Ça ne devrait pas vous coûter trop cher. »

Tu te retournes devant le bureau, mains dans le dos.
Tournes la tête vers Alec après une mure réflexion.

— « L'état de monsieur Gray m'inquiète. Au vu de ses cicatrices, il semble avoir vécu l'enfer. Je peux m'assurer de le surveiller et de le protéger dans les prochaines semaines. Au cas où ce malfrat aurait dans l'idée de recommencer. »

Je ne te lâcherai pas d'une semelle Alec.
Tu m'as dans la peau, je t'ai dis.

— « Je ne le quitterai pas des yeux. Qu'en dites-vous ? Vous pouvez me faire confiance. »

Vous ai-je une seule fois déçu ?

Tu ne fais qu'énoncer des propositions et sentir Alec se crisper de désespoir te suffit. Tu te doutais bien du fait que ce serait l'Adjoint qui trancherait. Alors tu reçois les ordres, hoches la tête, l'expression cette fois figée, la tête froide.
Tu le sens essayer vainement de se débattre de la toile qui se tisse tout autour de lui - quand il conteste les directives, tu te permets d'intervenir personnellement.

— « Alec. Je sais que la situation n'est pas optimale mais c'est dans ton intérêt tout ça. Je serais davantage rassuré de te savoir en sécurité. »

Sourire faux alors que tu plaques ton poing au niveau de ton coeur, te baisses légèrement vers l'avant pour prouver ta bonne foi et ton engagement envers les directives.
Tu lui ferais payer personnellement - non pas en combat corps à corps - mais en lui pourrissant la vie comme tu sais si bien le faire.

— « Monsieur. J'accepte ces nouvelles responsabilités. C'est un honneur pour moi que de pouvoir monter en compétences. »

Mon cul. Tout ce que tu veux c'est pouvoir écraser Alec dans sa merde un peu plus. Lui rappeler que chaque jour de son existence, tu ne laisseras pas respirer en paix.
Pas vivre en paix.
Pas e x i s t e r sans que tu ne sois derrière lui pour le juger.

— « Sur ce. Je vais reprendre mon poste, si cela vous sied. Alec, n'hésitez pas à nettoyer votre chambre avant d'en changer. »

Car ça schlingue là-bas.
Et tu le sens sur lui - cette odeur de mort.

— « On se retrouve très vite, n'est-ce pas ? »


Tu sors de la pièce, te colles à la porte.
Inspires. Expires.

Tu retournes dans le salon et demandes du regard à une des filles de te servir un verre. Elle s'exécute et tu entends l'Adjoint sortir, suivi d'Alec qui passe en furie.
Surement sa vieille clope.

Tu attends un peu, poses le verre et te lèves pour le rejoindre.
Tu restes dans l'encadrement de la porte de l'arrière cour. Ne dis rien. Le fixes en silence.
Le sourire parle à ta place.

Tu es de retour - la tempête est passée. Tu redeviens aussi lisse que lissé. Tu n'as plus aucune expression sur le visage hormis celle à laquelle tu l'as habitué. La folie passagère semble s'être évacué alors que tu le fixes d'une douceur moite. Il souffle la fumée de sa cigarette, qu'il déguste un peu trop pour un condamné. Tu analyses ses expressions, ses tics et en conclus que le traumatisme de cette nuit là est encore bien marqué dans sa chair.

Et pourtant, il t'impressionne.
Il garde ses provocations puériles et insensées au bout de ses lèvres - celles qui se teintaient de son sang et de sa bave encore hier.

— « Tu as l'air en forme. »

C'est la première chose que tu dis, pour lui rappeler qu'il a beau essayer de garder la face tu le vois comme il est vraiment aujourd'hui.
Déconstruit, en état lancinant de décomposition.

— « Pourquoi tu m'as pas dénoncé à l'Adjoint ? J'aurai été dans les ennuis. Encore plus si ça avait été Mère-Grand. »

Tu avances d'un pas.

— « Tu viens de te condamner. Je vais pas te lâcher et tu sortiras plus d'ici comme tu le voudrais. »

Cruelle vérité de la bouche du prince.
Pas très charmante.

Est-ce que tu as peur ?
Non pas vraiment, les conséquences ne sont que des épreuves à encaisser. Et puis au pire, tu as d'autres personnes à protéger - même si tu aimes bien le moulin rouge. Tu aimes bien être admiré comme un héros, tu aimes bien comment les filles de joie te regardent - l'impression d'être désiré, convoité. Mais personne à qui se donner et c'est parfait (comme ça).

Il suinte encore une fois l'arrogance, dissimule ses faiblesses comme si elles n'existaient pas. Tu remarques bien que son bras tremble derrière son dos, et penches légèrement le corps pour mieux observer derrière lui, les jambes toujours vissées au sol.
Sourire distordu face à toutes ses questions. Ça n'a aucun sens pour toi, et tu avais été très clair la première fois.

— « Arrête, où je vais finir par croire que c'est toi qui rêve de me sucer. Je suis pas de ce bord là je t'ai déjà dis. »

Tu glousses, passes une main devant ta bouche dans un geste de fausse pudeur.

— « J'ai vraiment l'impression que c'est toi qui en redemande. Hier soir ne t'a pas suffit ? »

Tires la langue.

— « Tu miaulais de plaisir. Tu voulais juste me faire croire que t'avais mal mais pour un être aussi contre nature que toi, peut-être que tu associes la douleur à la jouissance ? »

Tu as du mal à retenir l'éclat de tes mots Aslan. Ils sont vifs, presque vulgaires même dans ta bouche. Tu avances encore et d'un mouvement brusque mais précis tu plaques ta main sur son torse pour le forcer à reculer et à heurter le mur.
Tu joues de sa faible condition physique, en convalescence... Pas besoin de forcer.

— « T'as cru que je t'avais donné le droit de souiller mon oeuvre ? »

Vrai visage, déformé par la haine. Pendant
1
 2
    3
secondes.
Et tu souris.

— « Ça ne va pas se passer comme ça. »

Et voilà le retour des joyeux sobriquets. Ça t'énerve au plus au point qu'il se permette à ce point de faire le dingue avec toi alors qu'il chiait dans son froc la veille.
Comment le faire se la fermer (le faire plier) pour de bon ? C'est dans ce moment là que tu regrettes de pas l'avoir tué ... et en même temps non. Car ce jeu entre vous, c'est devenu une drogue, une obsession qui tourne en boucle dans la tête et dont tu n'arrives pas à te défaire. Ça te plait et tu le hais.

Il continue de faire le malin, il se permet un fou rire déplacé qui ne t'empêche pas de sourire mais qui te crispe au plus au point. Comment ose t-il seulement rire de ça ?

— « Oui. Je suis en colère. »

Tu l'avoues sur un ton calme. Sourcils qui se froncent alors que c'est la provocation de trop. Tu glousses, ricanes comme un diablotin.

— « Décidément Alec, tu es vraiment trop bête. J'ai gagné hier, j'ai gagné tout à l'heure. Tu ne sembles pas le réaliser ? Tu m'as dans la peau et t'es mon chien. »

Lèves le doigt.

— « J'ai dis. Aboie pour moi. »

Tu lui chopes sa cigarette avec vivacité, soulève son t-shirt et lui écrase sur le ventre avant de jeter ce qu'il reste du mégot à l'autre bout.
Tu t'empresses de le coller, sur la pointe des pieds.

— « Tu vas me frapper avec ton bras cassé ?! Tu menaces beaucoup je trouve mais t'es capable de rien faire ! Si je recommence, alors tu me puniras... La bonne blague. Je t'ai battu hier et tu le supportes pas. ALORS ABOIE, SALE CLEBARD ! »

Mais bordel ce qu'il te rend fou.