CARACTÈRE

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Mère-grand souriait grand.
Mère-grand avait les lèvres galbées, qui s’étiraient comme les commissures massacrantes d’une mère déferlante.
Mère-grand avait aussi, le dos voûté et l’amour des chairs dans le creux du torse et le plexus solaire toujours amoureusement lascif.
Mère-grand avait la peau hiémale mais laissait roustir les corps contre le bétoire de son ossature.

Mère-grand était malsaine. Elle laissait les mots glisser le long de ses lèvres et admirait les ravages qu’elle causait. Mère-grand appréciait les rires cyniques qu’elle se permettait aux petites épaves qu’elle trouvait sur le bord de la route. Serpentants, ses poignets gesticulaient comme des vipères insatiables et, leurs muscles se contractaient toujours pour briser le peu qu’il en restait. Mère-grand disait souvent « mon enfant » de sa voix mielleuse et sirupeuse. Elle se nourrissait des craquements, des tintements des os des colonnes sur les draps maculés.

Mère-grand aimait les nymphes perchées contre son étreinte, minaudant son intention, aimait même les pupilles dilatées de ses sirènes préférées. Aimait la carnation rosée sous le sable des nuits d’ivresse. Les ridicules jouvenceaux qu’elle cueillait comme des fleurs sans épines, à qui elle offrait son regard méphistophélique. Elle aimait la fluidité des péchés, et quelle vergogne de s’en délecter ainsi.
Mère-grand était une belle enveloppe au contenu souillé. Extatique femme égoïste qui se nourrissait des larmes et arrachait les coeurs, son intérieur était saumâtre. Indélicat comme ce qu’elle prenait, elle avait le regard infatué des lamentations des nymphes et le visage toujours souriant des sorcières dans Macbeth.
Mère-grand dépeçait les hommes, Adonis de son hétéronyme délétère, et leur insufflait les pires doctrines pour ne faire d’eux que des chimères au sang chaud qui pulsait dans leurs veines. Elle avait l’élucubration pleine et l’esprit à faire mourir les vivants.


On voit ici que de jeunes enfants, 

Surtout de jeunes filles Belles, bien faites, et gentilles, 

Font très mal d'écouter toute sorte de gens, 

Et que ce n'est pas chose étrange, 

S'il en est tant que le Loup mange.

Je dis le Loup, car tous les Loups ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d'une humeur accorte, 

Sans bruit, sans fiel et sans courroux, 

Qui privés, complaisants et doux, 

Suivent les jeunes Demoiselles jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ; 
Mais hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux, 

De tous les loups sont les plus dangereux.