Balthazar est épuisé, vidé. Romane l’a ramené par la peau du coup peu de temps auparavant. Son corps entier est encore douloureux, il ne cesse de rentrer et sortir ses griffes comme pour vérifier qu’elles sont bien là. Le sentiment d’impuissance qui s’est saisi de lui face à Opal est terrifiant.

Plus jamais il ne veut vivre ça.

Ça vibre dans sa tête, ça explose dans son cerveau. Il grince des dents (elles aussi sont encore là). Il est allongé sur son lit, à peine vêtu d’un pantalon, le regard vague. Dans un coin de son champ de vision, Anaël s’agite. Balthazar n’a accepté que lui, il a envoyé paître tous les autres, tous les bien-pensants. Il n’est même pas allé voir Susan.

Pour une simple et bonne raison, il a peur de ne pas se contrôler. Il a peur qu’en parlant, qu’en racontant, la colère (la haine) prenne le dessus et qu’il ne puisse pas se retenir, tout monstrueux qu’il est. Anaël est différent, Anaël est solide, c’est un soldat, mais surtout, Anaël ne sent rien. Si griffure il y a, il s’en tirera, il n’y aura pas de hurlement pour déchirer les oreilles du Bandersnatch.

Balthazar se demande s’il sait, s’il est au courant. Tout le monde sait que le toutou de la reine s’est enfui, peu savent pourquoi et comment. Mais Anaël est parfois tellement dans un autre monde (son ancien monde) qu’on se demande s’il est vraiment totalement mort.

- Tu m'as déjà expliqué cent fois ce qu'est un poster gros con, tu te répètes.

Balth est méchant, amer et acide, trop de goûts dissonants, Balth est en colère et toi, tu es là, inconscient (ou trop conscient) de la bête qui gronde à côté de toi. Il tourne la tête vers lui. Un instant et leurs yeux se croisent, perdus dans la fumée d'une clope. Balth tend les doigts et vient récupérer la nicotine aux lèvres du soldat avant de la glisser entre les siennes. Il ricane et sans lâcher les yeux, un sourire étire salement ses lèvres (drôle de reflet) il est sombre et fou, il est ravagé.

- J'ai jamais autant vu rouge. J'ai jamais autant eu envie de le repeindre en rouge.

Il gronde et provoque. Il est tueur haineux en roue libre. La fumée qui s'échappe de sa bouche n'est que le mince témoin du brasier de haine qui l'anime.

À plat ventre sur le lit, les yeux dans les tiens. C'est fou, Anaël à quel point rien ne semble t'atteindre, à quel point le monde est un jeu. C'est fou Anaël que tu ne sois pas déjà plus fou qu'à ton arrivée.

Il y a un monstre à bout de nerfs à côté de toi et pourtant rien ne change dans ton attitude. C'est ça qui est bon. Loin de yeux trop doux de Susan, loin des bras de Ciriel ou de Blanche. Seuls comptent Anaël et sa détente. La clope passe de main en main mais Balthazar ne lâche pas les yeux.

Il gronde en l'entendant. Trop détendu qu'il est, trop confiant qu'il est. Mais on aime ça, on aime qu'il pique là où il faut, qu'il retourne les sentiments, qu'il rende vivant cette éternelle carcasse.

Il se redresse et bondit par dessus le corps étendu sur le sol. Clope coincée entre les lèvres, les mains de part et d'autre du visage souriant du soldat. Balthazar sourit, mauvais et malsain.

- J'aurai pu, si l'autre pute de Romane n'avait pas voulu faire sa meilleure gorge profonde à Juliette.

Ça se consume, bientôt la cendre (la braise) tombera sur ta peau. Balth le sait et le regarde du coin de l'oeil, l'idée de faire mal (pour de faux) le fait vriller, il voit Opal sous cette braise. Ses yeux luisent de folie, luisent de vengeance.

Il sait qu'Anaël aime bien Romane. Et purement égoïstement, ce soir, il veut qu'ils la détestent ensemble. Il veut lui arracher son protégé à défaut de lui arracher les yeux. Il veut la haine et la colère.

Rattrape le soldat, rattrape le et encaisse ou c'est ta gorge qu'il tranchera.

- Putain t'imagines pas comment ça me démange.

Les griffes ont tracé des marques, des creux dans le plancher alors qu'il se redresse, assis sur ton bassin et tire une longue taffe de sa clope avant de l'écraser sur le sol (on a failli la coller sur ta joue).

Anaël sourit, comme un miroir déformé, un miroir plus détendu. Un miroir encore humain. Tout fou qu'il est, tout idiot qu'il est, elle est là son humanité, ancrée dans sa chair encore vivante.

Rappelle toi Anaël, par pitié rappelle toi et pars.

Ça, on y pense tout le temps, toujours mais là, on songe juste au sang qui bat dans tes veines, à l'adrénaline qui court les siennes. Les yeux dans les yeux et le sourire tranquille, la fureur qui obscurci tout.

Il gronde en entendant le nom de Romane, il regrette de l'avoir mentionnée. Il repousse son image. Elle aurait mieux fait de continuer à ramper au bas de l'échelle, elle a trop vite oublié les chaines à ses poignets, persuadée d'être libre alors qu'elle est si prisonnière, si enfermée. C'en est risible. Elle est pathétique, elle en mourra. C'est ainsi. Balthazar se fait propriétaire de sa vie désormais.

- Je joue encore l'esclave, je le joue tellement bien que parfois, j'y crois.

Les derniers mots du soldat achèvent de l'embraser. Achèvent de mettre fin à ses dernières hésitations. À califourchon sur Anaël, il l'attrape par le col et fond sur ses lèvres. Ce n'est pas un baiser, c'est une bataille et il en est maitre, ses dents (crocs) écorchent ta peau et leur conflit a déjà gout de sang.

Il te ramène contre lui, les mains passent sous la veste rouge rouge rouge rouge et déchirent le tee-shirt au dessous. On a laissé la dernière part de lucidité pour épargner ton vêtement fétiche. Grondement satisfait, presque un ronronnement quand les griffes lacèrent la peau du dos. Immaculée se couvre de rouge rouge rouge rouge.

On le sent couler entre les doigts, le long des bras. Son odeur dans toute la pièce mêlée à celle, aigre, du poison. Il n'a pas disparu putain. On est encore le Bandersnatch.

Lâcher les lèvres, mordre le cou, la nuque, l'épaule.

Y laisser mille marques sanglantes.

- Dis moi quand ça te paralyse.

Avertissement murmuré au creux de la peau abimée.
Parfait connaisseur du poison qui roule dans tes veines, tu ne le sens pas mais il vole ta vie peu à peu.

On l'arrêtera à temps.
On essaiera.

C'est dangereux.
C'est jouissif.

Le corps alangui entre ses bras n'oppose aucune résistance. On se déchire les lèvres en souriant. On le sent ton rire fou coincé dans ta gorge. Balth gronde, la bête perdue dans le rouge. 

Une main sauvage se perd entre les mèches bleues, tire un peu. Ronronnement satisfait. C'est beau de te croire incassable Anaël, poupée de chair, réceptacle des passions amères et violentes. 

Oui, bientôt, il ne saura plus qui il est et c'est ça qui le terrifie. C'est ça qui le tend, c'est ça qui le fait exploser, qui le fait vriller plus que tout. Il se perd dans lui-même. Il se tord et se meurt au dedans. On ne tue pas un immortel, c'est son esprit qu'on brise.

Le jour où la Reine Rouge aura achevé son œuvre et où il rampera à ses pieds, monstre violent qu'il est. Alors, la guerre des deux roses prendra une tout autre tournure. On tient encore, sur un fil si fin, si fragile.

Et toi, Anaël, tu fais l'équilibre de la violence.
D'autres détiennent la douceur, toi uniquement les pulsions au creux de ton corps et de tes nerfs intouchables.

Le sang sur les lèvres, dans la gorge, les mains d'Anaël encadrent le visage de la bête. Un bref instant, un flou, retour à la réalité. Tu l'as vu cette pulsion de mort dans ses yeux Anaël ? Tu l'as vu jeter ton cadavre exsangue au dehors de la cabane ?

Évidemment non.

Alors il sourit et vient à nouveau chercher ses lèvres, les embrasser (les déchirer), plaquer au sol, une main sur ta gorge.

- T'as pas peur de crever ? Que je te tue là, maintenant ? 

Réponds Anaël. Comment peut-on être aussi éphémère, aussi fragile et contempler dans les yeux le Bandersnatch ? Accueillir ses griffures comme on reçoit les suçons goulus d'une amante ?

- À quel point ça te fait kiffer l'adrénaline Anaël ?

Raconte moi comment tu es fou. 
Raconte moi comment je serai si j'avais une fin.

Il est fou, il est tellement fou. Et tellement beau dans cette folie. Putain oui.

Beau et cette aisance à être fou, le seul chez qui la démence est belle parce qu'il l'accepte totalement, se fond dans Wonderland sans se perdre. Anaël, putain d'ovni, anomalie dégoulinante de sang.

Odeur métallique dans la cabane et s'y mêle celle, plus aigre, plus sournoise du poison. Balthazar sait à quel point son action est atroce. Il se souvient avec précision de ses propres griffes dans sa gorge. De ce suicide désespéré face à la Reine. Il se rappelle de la douleur de la souffrance absolue qui avait rugi dans ses veines.

Mais il avait le contrôle, le contrôle absolu sur cette douleur alors qu'Anaël s'y abandonne, épongeant les pulsions d'une bête. Il laisse le contrôle, embrasse la mort comme une vieille amie.

Ô comme Balthazar aimerait la connaître cette amie.

Ricanement sombre aux imitations du soldat. Oui avoir une vie entre les mains, juste à portée de griffe, c'est grisant, c'est terrible, c'est fabuleux. Parce que c'est une histoire de

c o n t r ô l e.

Que Balthazar n'a aucun droit sur sa propre vie. Alors il arrache celle des autres.

- J'adore qu'on me supplie.

Mais toi, Ana, tu ris. Et c'est tellement mieux. C'est tellement kiffant. Ris et abandonne toi à moi.

Grondement sourire qui vient bouffer tes lèvres à nouveau les écorcher et aspirer le sang. La langue qui passe sur les plaies, délicate excuse.

i feel as fuck

Ouais putain. Sourire démon alors qu'il retourne Anaël, entrechoque leur bassin et jette au loin la veste rouge. Il se débarrasse des lambeaux du tee-shirt et dévoile les terribles griffures. Sanguinolentes, suintantes, on distingue les reflets moirés du poison.

Balthazar, une main dans les boucles noires, plaque le crâne sur le sol, s'allonge contre le dos, murmure rauque contre son oreille.

- Ça me ferait chier de perdre mon jouet. Je suis un chien possessif faut croire.

Trace du bout de la langue l'une des griffures, celle qui part de la nuque.

(savoure ton sang qui s'abandonne)

Il contemple sur le dos qu'il lèche, les vestiges de leur précédentes folies. Il en garde des cicatrices aiguës sur le dos le soldat. Il doit kiffer, ça lui donne un look destroy.

Il kiffe, évidemment.

C'est Anaël.

- Ça t'irait pas les supplications de toutes façons.

Grondement ricanement arrogant alors qu'on se gorge de ton sang. Couché sur ton dos, les dents qui mordent la nuque, ajoutant des marques aux marques.

Ses mains viennent empoigner le torse du soldat, ses griffes dessinant sur la peau sans la déchirer. On en rêve pourtant, exorciser les pulsions, te tuer en imaginant tuer Opal. Tuer. Non.

- Les autres sont trop fragiles ...

Glissent les doigts contre le torse, glissent les mains jusqu'au nombril et s'arrêtent. Moue moqueuse contre ton oreille.

- Pas déjà quand même ...

(tu veux pas qu'on baise avant de crever ?)
Et la main s'arrête sur l'entrejambe, moqueuse douceur aguicheuse.