ode aux fous ★
j'aime les rebelles, les imprudents, ceux qui disent le mot qu'il ne faut pas, un soupçon sauvage, la claque verbale qui s'échappe du bord des lèvres, les malpolis sous prétexte d'insolence, les sages pas très sages, les brûlés vifs emprisonnés d'intelligence sociale, les retardataires, les trop pensants, les contre-courants. les gens vivants.


Le temps a filé.
Comme toujours.
Il te glisse entre les doigts, Opal.
Et tu ne sais combien de temps s’est écoulé dans cette crypte.
Combien de minutes, d’heures, peut-être même de jours (mais pas assez pour mourir de déshydratation, visiblement) avant que tu ne sortes retrouver le soleil.
Toujours sur cette plage.
Comme un rappel maudit de la réalité.
De cette vérité.

Tu soupire.
Les mains rouges de sang.
Tu sais que l’on t’attends, Opal.
Parce qu’on t’attends toujours quelque part.
Pendant longtemps, cela t’as rassuré.
Aujourd’hui ça t’épuise.
Et alors que tu aurais pu ouvrir un portail.
Tu choisis de marcher.
Toi qui exècre de te déplacer.
Galérant dans le sable fin.
Te stabilisant sur le sol de terre.

Le regard qui papillonne.
Observe les arbres de la forêt.
As-tu seulement déjà regardé ainsi ?
Tu es presque certain que non, Opal.
Quand en aurais-tu eu le temps ?
Aujourd’hui non plus tu ne l’as pas.
La différence est que tu le prends.
Marre de courir après quelque chose que tu ne pourras jamais rattraper.
Et une fois à la Porte, tu t’arrêtes.

Elle est là.
Alice.
LA Alice.
Tu sais que c’est elle.
Cela ne peut être qu’elle.
Et tu te sens presque idiot, Opal.
Idiot de l’avoir confondu avec Anne.
Tu te sens fébrile à l’idée d’avancer.
Pourtant, malgré tes genoux moues, tu viens te positionner à côté d’elle.
Il te faut prendre une seconde.
Puis deux, trois, quatre, cinq…
Avant que ton regard ne se pose sur elle.

Palpitant qui chavire.
Putain…
Tu jures dans ton fort intérieur.
Et malgré tout, tu étires un sourire.
Ta risette la plus triste et la plus belle à la fois.
Un nouveau soupir t’échappe, Opal.
Le regard venant fixer l’arche en pierre.
Tu te souviens quand vous l’avez traversé.
Visiblement tu as ouvert un portail ce jour-là.
Et maintenant, tu te dois de le refermer.

▬ Pourquoi es-tu là, Alice ?

Ce n’est qu’une fois la question lancée, que tu as compris ne pas vouloir entendre sa réponse, Opal.
Mais c’était certainement déjà trop tard.
Comme toujours, Lapin en retard.

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j'aime les rebelles, les imprudents, ceux qui disent le mot qu'il ne faut pas, un soupçon sauvage, la claque verbale qui s'échappe du bord des lèvres, les malpolis sous prétexte d'insolence, les sages pas très sages, les brûlés vifs emprisonnés d'intelligence sociale, les retardataires, les trop pensants, les contre-courants. les gens vivants.


Elle te donne l’évidence.
Vous étiez ensemble à l’ouverture.
Autant se tenir la main pour la fermer.
Enfin… maintenant tu comprends.
Pourquoi tu étais le meilleurs à ça.
Récupérer les alices.
Si c’est ton portail, inconsciemment tu sais, Opal, tu sais que quelqu’un le traverse.

Elle est là, Alice.
Sur la pointe de ses pieds.
Son visage trop près du tien.
Et tu pinces les lèvres, Opal.
Te mords l’intérieur de la joue.
Parce que ton cœur palpite.
Bien trop fort.
Mais Alice lâche sa bombe.

Tu ne m’aimes pas.
Ta mâchoire inférieure t’abandonne.
Son rire t’achèves et elle poursuit.
Enfonce le clous.
Tu la regarde, Opal, comme si elle avait définitivement perdu la raison.
C’est peut-être le cas, à force de traîner avec tes créateurs, surtout Mad.

Assise dans l’herbe.
Tu la domine de ta taille.
Et tu déglutis, Opal.
Blessé et en colère malgré toi.
Perturbé par sa dernière phrase.
Tu serres et desserre les poings.
Finissant par faire un pas en avant.
Posant une main sur l’arche en pierre.

▬ Ne joue pas avec moi. Tu sais très bien ce que j’éprouve pour toi ! Tu l’as toujours su, Alice. Ce que tu dis, ce n’est pas moi. C’est toi.

Tu la fusilles du regard, Opal.
Finissant par soupirer.
T’adossant à la Porte d’Entrée.

▬ T’es devenue aussi cinglée que ce foutu Chapelier… pourquoi il serait trop tard pour-

Et tu as peur de comprendre.
Ta respiration se fait sifflante, Opal.
Pupilles dilatées, tu hésites.

▬ Qu-Quand je vais fermer, tu… tu vas disparaître ?

Panique dans tes mots.
Panique qui fait frissonner ta peau.
Non pas toi, tout mais pas toi.

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j'aime les rebelles, les imprudents, ceux qui disent le mot qu'il ne faut pas, un soupçon sauvage, la claque verbale qui s'échappe du bord des lèvres, les malpolis sous prétexte d'insolence, les sages pas très sages, les brûlés vifs emprisonnés d'intelligence sociale, les retardataires, les trop pensants, les contre-courants. les gens vivants.


Alice dit que ce n’est pas de l’amour.
C’est une obsession.
Et peut-être qu’elle a raison.
La suite te fais grincer des dents, Opal.
Parce que tu sais que c’est vrai.
Et à la fois si faux.
Ça t’as pris du temps, bien trop.
Mais tu sais aimer aujourd’hui.

Tu l’observes se redresser.
Venir pour s’approcher.
Et tu la laisses te prendre dans ses bras.
Toi qui crains de la perdre.
L’enlaçant à ton tour, Opal.
Le nez dans ses cheveux blonds.
Le palpitant qui cogne fort.
Alors qu’elle parle.

S’écarte et continue de déblatérer.
Sans jamais répondre à ta question.
A celle qui te terrorise.
Et Alice te dis ce que tu vas faire.
Elle est le Destin, ta Destiné.
Tu le comprends, Opal.
Quand elle te demande « Par amour ? ».
Quand elle s’éloigne vers la Porte.

▬ Je ne-

Tu prends une seconde
Levant le regard vers elle.
Elle que tu dois laisser partir.
Est-ce que tu es prêts pour cela, Opal ?
Tu n’en sais encore rien.
Et Alice poursuit, encore et toujours.
Le chemin de son destin tout tracé.
Lentement, tu avances.

▬ Oui, par amour. C’est une bonne raison pour vouloir naître une dernière fois, non ? Et tu viens saisir une de ses mains, enlaçant ses doigts aux tiens. Commençons.

Tu prends une grande inspiration.
Ta main libre passe au travers de la Porte.
Et là, tu le sens, ton portail, Opal.
Cette sensation qui vibre dans tes entrailles.
Paupières qui tombent devant tes yeux.
Et tu retires tes doigts.
Un battement de cil et voilà.
Tu soupire, longuement.

Vide intérieur qui semble se combler.
Ça te laisses perplexe plusieurs secondes.
Finalement, tu lâches sa main.
Passe sous l’arche et… il n’y a plus rien.
Tes orbes roses percutent le bleu des siennes.
Un « c’est fini » qui brille à l’unisson.
Et cette risette mélancolique qui s’étire.
Tu avances vers elle.

▬ Le temps des alices est révolu… c’est Anne qui va prendre ta relève, n’est-ce pas ?

Tu n’as pas besoin de mots, Opal.
Au fond de toi, tu le sais déjà.
Et Alice le sais encore plus.
Sûrement pour cela qu’elle a eu ce sourire.
Juste avant de tourner les talons.
Comme s’il n’y avait rien à ajouter.
Et tu es resté là, seul.
Observant sa robe bleue s’enfuir à travers les fourrés, comme si elle te courrait après.