Il est tôt.
T'as encore les idées bâtardes de la veille, le sang sur les mains et les yeux dans le vide. Ariel Redsea n'est pas prêt de revenir se trémousser devant toi - sous peine de trépas.

Assis à ton bureau, c'est que personne a encore osé venir te déranger de la journée. Pas même Judas, encore moins Selene. La nuit avec Electra tu l'as encore dans la peau - tu te rappelles avoir marqué la sienne pour te calmer.
Ces images dans la tête, c'est trop dur à oublier. La boule dans la gorge t'as encore du mal à avaler.
Mais pourquoi t'es tendu comme ça Alastor ?
Pas une once de culpabilité seulement un peu de vanité égarée.

— « ...?! »

Un poids tombe sur tes cuisses alors que tu t'accroches aux accoudoirs pour pas que le siège bascule vers l'arrière.
Tes yeux s'écarquillent lorsque qu'ils plongent dans ceux d'Opal. Tu mets quelques secondes avant que les informations ne montent au cerveau, ne te font réaliser qu'il est là. Sur toi. À te sourire comme si vous partagiez encore ce genre de choses.

Alors qu'il te coince contre le dossier, tu tressailles presque, et un frisson de dégoût te paralyse tout entier. Pour la première fois le croquemitaine est effrayé. Les traits déformés par l'horreur avant de s'apaiser finalement. Ça n'a duré qu'une seconde avant que tu te reprennes - que tu te disciplines.

— « Opal. Écarte toi immédiatement si tu ne veux pas le regretter. Je te laisse une chance. »

Ne me touche pas.
Ne me touche pas, abomination.
NE ME TOUCHE PAS !

— « Extrêmement plaisante. Et ce début de journée également. Et j'aimerai qu'elle continue sans avoir à nettoyer le cadavre d'un lapin blanc sur mon bureau. »

T'as le sourire mauvais.
Mauvais car t'es si amer, Alastor.
Peut être que sa prochaine réincarnation serait plus agréable à regarder.
Tu serres les dents, son immortalité te scie les nerfs.

— « Et écarte toi, veux-tu ?! »

Non.
Comment ça, non ?
Tu fronces les sourcils Alastor, tu te fais plus menaçant - et tes yeux noirs le toisent d'un air mauvais. T'es connu pour pas répéter une seconde fois et Opal abuse de ta patience.
Tu le sens comme un serpent, et sa proximité te met mal à l'aise. Tu l'aurais tué ; mais tu sais que le lapin blanc reviendra toujours te hanter.
Différents aspects, différents visages, différents voix. Mais chacune reste gravée dans ton esprit.

— « Bouge de la, sinon... »

Mais t'as pas le temps de prononcer la menace.
Ni d'exécuter la sentence.
Il sort sa la lame et l'enfonce dans ta main - dans l'accoudoir juste en dessous.
T'as poussé un râle de douleur que tu t'es empressé d'étouffer. Les lèvres serrées et le regard en alerte, de plus en plus sombre - dévastateur presque dévasté.

— « Qu'est-ce que .. ?! »

Le souffle se coupe et tu te forces à intérioriser la douleur malgré le fait qu'il tourne encore et encore le couteau dans la plaie.
Ça fait un mal de chien putain.

Malgré la sueur au tempe et le vomi dans la gorge ... ton corps est en alerte alors que son genou appuie sur l'entrejambe. Tu vas tourner de l'œil Alastor - tu dois faire quelque chose.
Tu comprends vaguement de quoi il retourne mais ça t'intéresse pas.
T'as la rage.

Tes yeux s'écarquillent et tu repenses à ce qu'il dit.
Lui ? Tolère ta présence ?

— « Halloween City est à moi... à moi ! »

Tu maugrées, dents serrées et le goût du sang dans la bouche t'es pas en état de t'en délecter.
C'est assez, sa bouche qui touche la tienne. Tu vas vraiment vomir, t'évanouir.
D'un mouvement violent tu viens écraser ton front contre son nez pour lui éclater et le forcer à reculer.
Prêt à te casser le tien pour l'entendre se briser.

— « Alors ta petite pute est venue pleurer ? Tu me les envoies me narguer maintenant ? Surveille tes jouets plutôt que de venir te la ramener. »

Tu es le croquemitaine.

— « Écrase moi et nous t'écraserons. »

Et tu as peur Alastor.

Quelque chose ne va pas.
C'est la première fois que tu le vois comme ça ; qu'il enlève son masque, revête son vrai visage. C'est lui (c'est ça), c'est lui Opal et tu t'en rends compte que maintenant.
Toute cette mascarade pour le rouquin ? Non, impossible.
Il y a quelque chose d'enfouis, de plus profond. Invisible (ignoré) jusqu'à aujourd'hui.

Tu te sens stupide Alastor, vulnérable de n'avoir pas su identifier ton principal adversaire.
Tu le pensais allié alors qu'il avait fait de toi sa poupée - une marionnette désarticulée qu'il se persuade de pouvoir contrôler.
Mais personne n'en est réellement capable.
S'il est inarrêtable, tu es insaisissable.

Tu te mures dans le silence, les yeux braqués dans les siens. Tu le regardes rire, et plisses les paupières d'un air sombre.
La main toujours clouée dans l'accoudoir, tu ne bouges pas tout de suite. Tu attends de voir ce qu'il va faire. Qu'il ose tout faire s'effondrer, et seulement danser sur des décombres.

Et tu t'enfermes dans une spirale infernale, où la vue de ces bouts d'hommes, de ces morceaux de cadavres, te fait à peine tressaillir.
Choquée de son audace mais pas de la violence.
(Tu en es devenu malheureusement insensible au fil des années).
Tu les comptes au sol comme des dommages collatéraux, comme des objets cassés perdus à jamais. Tu te fais la promesse que tu l'anéantirais pour ça.
Que tu ne laisserai jamais plus personne te faire sentir aussi faible.

C'est le rire de trop, la menace de trop.
L'insulte qui ne passe pas.
Tu comprends que depuis le début il se joue de toi.

— « Opal, tu... »
Tu es mort.

Tu vois rouge, tu broies du noir.
Et c'est que tu l'aurais presque blanchi, ce putain de traitre.
Que voient-ils tous en toi ? N'apprennent-ils jamais...

Que toi non plus tu ne te répètes pas.

D'un mouvement rapide, et de ta main libre, tu attrapes le manche du poignard et l'extirpes de ta main.
Lui frappe le visage pour le faire s'écraser contre le bureau, donne un coup de pied dans un bras - manque de glisser sur le sang mais le surplombes.

Tes yeux fous fixent un instant ses lèvres, teintées du rouge s'écoulant toujours de son nez cassé.
Tu jettes le couteau par terre, et lui assènes (poings serrés) plusieurs coups dans sa blessure.
Frappes aussi ses joues, son cou pour l'empêcher de respirer.
Tu t'accroches à son col, te mordant l'intérieur de la joue pour supporter la douleur de ta main écorchée.

S'il utilise son portail, il t'emmène avec lui. Parce que t'es pas prêt de le lâcher.
T'as bien envie de le tuer maintenant, lui rappeler que tu le boufferais sous toutes ses formes.
Autant de fois qu'il reviendrait te hanter.

Tu lui craches à la gueule, prise d'une hystérie qui égale la sienne.

— « T'as signé ton arrêt de mort. »
La cause, c'est toi Alastor.
Que te disait Judas.

— « Tu peux tous les tuer Opal. Hahaha, tu peux tous les tuer ! »

Tu les sacrifierais tous jusqu'au dernier.

— « Tu peux couper les pattes, mais tant que la tête reste, l'idée subsiste. Tant que je respire, je m'assurerai de venir casser tes affaires une à une. »

Tu mens comme tu respires, parce que t'es malhonnête.

— « Personne ne me manquera, à moi. »

Il rit aux éclats quand tu lui passes un tabac.
Ça te déstabilise un peu mais ça nourrit surtout ta haine, encense ta force et légitime ta colère. Tu voudrais que tes mains aient le cran de le tuer, ici et maintenant.
Mais tu veux tellement le faire souffrir que la torture prend les devants.

Il enroule ses cuisses autour de ta taille, te crie des inepties qui te font monter en pression. Le sang ne fait qu'un tour alors que tu serres sa gorge un peu plus fort.
Obéissant presque à son ordre.

— « Crève, crève, crève. »

Le sang froid s'évapore en sueurs aux tempes. Il te rend tes coups, tu tombes en arrière dans un râle de douleur alors qu'il appuie sur ta plaie.
Tu percutes la chaise de bureau et ta tête cogne le parquet.
T'as pas utilisé ton pouvoir, Alastor.
Et tu t'en rends compte quand il parle de cauchemar. Quel piète croquemitaine tu fais.

Ou est passé Opal, celle qui t'avait guidé en ces lieux, celle qui embrasait les reins et faisait battre le coeur. Atrophié, mutilé, devenu un organe malade contaminé par l'égo avare.
Ou est passé Opal, lapine complice drapée de dentelles et de soie ; elle était devenu ce monstre de folie - celui qui avait quitté les draps pour se planquer sous le lit.

Enfer ! Qu'il quitte les lieux s'il ne veut pas finir en terrine.
La main intacte tente de t'aider à te redresser mais t'as peut-être une cote brisée, tellement ça fait mal.

Son putain de pion, ça te fout la rage.
Parce qu'au fond de toi, sa petite voix sème le doute et te fait croire qu'il a raison.

— « Retourne d'où tu viens. Mais n'oublie pas... »

La voix siffle avant que le portail ne se referme et tu lui hurles finalement.

— « JE TE RETROUVERAI OPAL ! »

Et tu n'auras pas fini d'entendre parler de moi.