Manoir désert, silence conquérant. Tu te délectes de ce calme rare Alastor, jubile d'avance d'avoir sûrement échappé à un piège grossier de la part de Juliette de Crims.
Il est vrai que tu aurais sûrement voulu profiter de votre alliance nouvelle pour retourner la situation à ton avantage, anéantir les grandes têtes de ce monde une bonne fois pour toutes.
Mais la prudence est de mise - et la lâcheté aussi.
Et tes hommes comprennent peut-être, le pourquoi du comment tu te terres encore une fois ici lorsque l'action est à jouer ailleurs. Les années t'ont flétri, ont noyé tes ambitions du terrain, à mesure que tu as su glorifier ton éloquence. Pourquoi le faire toi-même quand tes adorable pions s'en chargent à ta place, et ce de bonne volonté ?

Tu descends les marches, mains dans les poches et fronces les sourcils alors que ton regard se pose sur une silhouette aussi impudente que parasitaire.
Ambre, Ambre, Ambre.
Tu le toises d'un air mauvais, le rejoint d'un pas aussi déterminé qu'inquisiteur.
Tu vas finir par le tuer, de haine ou de chagrin. Ou peut-être que c'est lui qui finira par avoir ta peau, à force de te taper sur les nerfs.

— « Tu es encore ici. »

Que tu balances sèchement en attrapant le verre.
Tes yeux se posent sur la mixture, et finalement tu reposes à peine tu y as trempé tes lèvres.

— « Ce qui me tenterait, raclure, c'est que tu obéisses pour de bon. »

Tu soupires.

— « Tu sais très bien ce qui t'attend, et pourtant tu n'en as rien à faire. Je me demande ce qui ne tourne pas rond chez toi. »

Tu détestes ça, l'insolence qu'il arbore en prenant tout son temps pour te répondre - comme si rien ne pressait, encore moins tes ordres.
Tu tapes du pied, dans une crise d'impatience et le foudroie du regard à plusieurs reprises, plissant les yeux et te pinçant la lèvre. Ce gosse est insupportable, notamment car tu sais que les siècles ont fait de lui un homme mûr. Il sait très bien ce qu'il fait, pèse chacun de ses mots pour ne pas qu'il soit de trop, mais juste assez pour tendre ton corps dans un agacement que tu peines à conjuguer.

— « Ne joue pas au jeu des devinettes avec moi. »

Avec lui il n'y a que l'impératif, tant les questions se retrouvent constamment sans réponse.
Mais Ambre prend de nouveau ses aises, se délecte de son cocktail pour finalement formuler une autre question en guise de répartie.
Celle qui te cloue sur place, alors que tu affiches un air hébété.

— « Je... »

Tu hausses un sourcil.
Depuis quand s'improvise t-il maitre de ce manoir, depuis quand a t-il seulement besoin d'un gardien ? Cette forteresse est infranchissable.

La colère gronde et les ombres dansent sur les murs, les recouvrent et les dévorent pour vous plonger dans une pénombre ou seule la lampe tombante au dessus du bar subsiste, éclairant à peine vos deux visages.

Tu t'imposes finalement le calme, et laisses les ténèbres glisser lentement pour répondre d'un ton lourd.

— « J'ai décidé de ne pas y aller. Un piège grossier. »

La vérité Alastor, c'est que tu n'étais pas sûr de gagner.

La dernière chose dont tu as envie Alastor, c'est d'écouter ce morveux te faire la morale. Mais tu prends sur toi, bien condamné au fait de ne pas pouvoir aller ailleurs - tu n'es pas celui qui doit fuir Alastor, et Ambre le sait que de vous deux, seule ta présence demeure.

Tu t'es calmé mais pourtant la colère secoue encore le coeur. Tu le toises pendant de longues secondes, serrant ta prise sur ton verre, avant de le poser brusquement sur le bar de la cuisine. Tu fais claquer ta langue sur ton palais et soupires bruyamment.

— « J'ai prévu de rencontrer la Reine après le jour dansant. J'ai dans l'intuition que je n'avais rien à y faire maintenant. Je me serais exposé. »

Où est l'époque où tu n'avais pas peur de l'être... exposé.
Où tu n'avais pas peur de grand chose, hormis de ce monde que tu t'étais juré de détruire.
Ce rêve te parait aujourd'hui aussi inateingnable qu'à portée de mains.

— « Et je ne veux pas de cette victoire. J'anéantirais Daphnis sur son terrain, je saccagerai Neverland jusqu'à la dernière maison. »

Cette fois, tu brises la distance de sécurité entre vous deux pour t'approcher du bar, t'y coller pour lui faire face.
Tu lui assènes une gifle plus rapide que douloureuse. Abusif Alastor, alors que tu chopes le haut de sa chevelure. Le regard écarquillé d'une folie que tu n'aurais pas su prévenir toi même.

— « Attends attends... Je rêve ou tu te permets de me faire la morale ? »

Lâche-moi.
Non. Tu ressers ta prise même. Tant pis si tu crèves comme ça...
Et lentement alors que la lassitude s'installe dans le fond de tes yeux, tu capitules face à son air déterminé. Tes doigts lâchent ses cheveux. Tu inspires du nez, entrouvres les lèvres pour répondre mais rien ne sort. Tu fulmines Alastor, vexé d'avoir peur de son don et des conséquences irréversibles qu'un accident pourrait causer.

Combien de temps s'est écoulé depuis la dernière fois que tu as osé le toucher ? Ambre a le même regard que les pestiférés - ceux qui ne sont pas désolés de tuer car ils meurent un peu plus eux-même, à chaque fois.

— « Je n'ai pas besoin de conseiller. »

Tu as déjà Judas en bras droit.
Tu détournes le regard, agacé par le fait qu'il puisse taper dans le mille à chaque fois qu'il ouvre la bouche. Serres les dents en grimaçant.

— « Très bien. Vu que tu sembles si ouvert et force de proposition. Dis-moi ce que je devrais faire. »

Et tu as mal de l'admettre, mais tu es disposé à l'écouter pour une fois.
Le toises de haut, comme un père ni déçu ni vraiment en colère - simplement curieux de prouver à son fils qu'il est vain de le remettre en question.
Tu portes la boisson à tes lèvres et en bois quelques gorgées avant de le reposer sur le bar.

— « J'ose espérer que ce dernier siècle au placard t'a donné le temps d'y penser. »

Acerbe jusqu'au bout.
A lui rappeler que sans toi il serait encore dans son trou.

Ecouter Judas.
Tes yeux s'écarquillent de stupeur Alastor. C'est bien le dernier conseil auquel tu t'attendais ; surtout venant de la part d'Ambre. Tu te renfermes un peu, grimaces alors qu'il a encore une fois touché assez juste. Si tu accordes ta maigre confiance à quelqu'un, c'est bien à Judas.
Maintenant, l'écouter et suivre ses directives est encore une autre problématique.

— « Judas n'a aucune ambition. C'est une personne pratique que j'ai engagé pour son sérieux et son organisation. Chose dont on manque cruellement dans ce cartel, bien que j'ai essayé d'en imposer une structure. »

Tu te penches en avant, pour le surplomber de toute ta carrure - surtout de ton visage dont l'air menaçant n'est pas à but décoratif.

— « Je suis entouré de cafards... tu sais ceux qui n'arrivent pas à comprendre quand on leur répète de déguerpir d'ici. »

Sous-entendu à peine subtil, mentionnant la condition d'Ambre de squatteur professionnel.
Mais tu soupires quand même pour rebondir sur son avertissement concernant la reine rouge.

— « Donc tu pars du principe que je vais y aller ? Mhm... Je m'en méfie de base. J'ai bien conscience que cette pseudo alliance ne repose sur rien. A la première occasion de me décapiter, elle le fera. »

Avons-nous besoin de cette alliance ?
Tu le fusilles du regard un instant, et puis les paupières tombent lourdement. Tu fixes ton verre, le remuant faiblement entre tes doigts. La vérité c'est que tu ne sais pas Alastor tu ne sais plus trop dans quelle direction aller. Il s'agit de peut-être caresser des doigts ton rêve le plus cher - le chaos, la destruction de ce monde fou et inutile. Peut-être que tu es devenu toi-même ce que tu cherches par dessus tout à annihiler.

Tu te racles la gorge, entames une réponse que tu veux sincèrement réaliste et réfléchie.

— « Je n'ai pas l'intention de lui faire confiance. Je n'ai pas l'intention d'y aller sans aucun plan. Ça serait mal me connaitre Ambre, que de croire que je place mes interêts personnels avant ceux de l'organisation. Si Juliette de Crims peut aller s'entretuer avec sa soeur plutôt que de la menacer comme elle le fait depuis plus d'un siècle, ça m'arrangerait bien. »

Te pinces l'arrête du nez en tiquant nerveusement.
Mais le regard s'écarquille une nouvelle fois à la mention de Klaus et Belgrade. Tu tournes lentement la tête vers lui et éclates ton verre dans ta main, t'enfonçant plusieurs morceaux dans la main. Le sang coule le long de ton poignet alors que tu ne détournes pas le regard du principal intéressé.

Inspires.
Prend du souffle pour crier, une fois le choc retombé.

— « NE ME PARLE PAS DE KLAUS ! »

Respire, Alastor, respire.
Tu n'as pas oublié la vilaine cicatrice qu'il t'a fait sur la joue en t'y écrasant ton propre mégot. Tu pètes un cable, à fleur de peau, à bout de nerfs.
Balaies les préparations d'un revers de main sur le sol. Tu te prends la tête dans les mains Alastor, tâchant les tempes de rouge alors que les éclats du verre glissent lentement sur ton costume.

— « Jamais. Jamais. La prochaine fois que je croise ce clochard de Père Noël, c'est pour le crucifier vivant à sa caserne. »

Eclates de rire.
Complètement fou, pour changer.

— « Haha, les voir ramper pendant que je foutrais le feu à sa ville ! » Tu prends une voix fluette, pour imiter (certainement) un lutin désemparé. « Oh non Santa, Santa ne mourrez pas nous avons besoin de vous ! »

Tu tapes du poing sur la table, aggravant tes blessures.

— « Crève, crève, crève ! »