Susan.
Susan dis.
Est-ce que tu m'entends ?
Dis, Susan -je hurle si fort est-ce que tu entends ?
J'ai mal.
Je suis fatigué.
Dis Susan, où es-tu.
Où es-tu j'ai-
Je suis un peu perdu je crois. Qu'est-ce qu'il m'arrive ?
J'ai tellement mal.
À l'aide.

Le coeur qui hurle.
J'étouffe.

L'homme qui s'écroule.
Devant chez toi, Susan.
Il n'a pas eu le temps de frapper -pas ce soir non.

Ce soir il n'a plus la force.
De rien.

Où es-tu Susan.
J'ai besoin d-
Je n'arrive plus à respirer.

Il meurt, Jabberwocky.
Effondré au pied de la Tour du Temps
Le corps défoncé du sang partout, libéré enfin !
Enfin ?

L i b é r é.
Il meurt.

(inconscience)

Bon retour parmi les vivants, Jabberwocky.

Il fait si sombre ici, tout est si noir. Il n'y a pas d'odeurs, pas de bruits rien à voir. Il n'y a que ce néant immense, ce vide et la douleur immense. Intense. L'impression de mourir à chaque inspiration, chaque expiration. Jabberwocky est inconscient, à demi et il ne se rend pas compte que tu es penché au-dessus de lui, que vous passez la porte, que tu es là, Susan. Simplement. Il en a rêvé des nuits entières mais à cet instant il ne voit plus rien -c'est douloureux.

Alors les secondes passent sans qu'il ne réagisse, son corps inerte ne laisse échapper qu'une respiration faible, difficile et quelques gémissements malgré toutes les précautions que tu prends pour ne pas plus le blesser. Il fait peine à voir le dragon. S'il n'avait pas perdu conscience il se serait senti lamentable, et peut-être qu'il le ressent malgré tout mais tout est si noir et à cause de cette douleur atroce il se perd. Si loin si fort. Il ne sait plus -qui est-il ? Que se passe-t-il ? Juliette. Les mots durs, les terreurs, les coups les horreurs en flash soudain. Hurle de rage l'animal hurle hurle hurle HURLE SI FORT ! Mais il fait toujours si noir -Pourquoi il n'y a personne ?!
Pourquoi il fait si noir !
Jabberwocky n'aime pas le noir, il en a horreur !
Tout fait si mal quand tout est si noir !
Bandersnatch.
Cet enfoiré -AH!
La douleur qui l'éveille, la bête se relève quand les mots lui reviennent alors comme des piques en pleine poitrine. Le voilà qui saigne oh ! Dans ce noir si noir noir noir le voilà qui saigne qui meurt qui s'énerve S'ENRAGE MAIS ????? Il ne se passe rien.

Rien d'autre que lui qui hurle.
Encore encore encore encore ENCORE.
Il a mal tellement mal.

(de l'eau qu'il ressent sur le corps soudain)
Il n'est pas mouillé pourtant mais ?
Se regarde lui-même -sent encore l'eau contre sa peau dans ce noir si noir. La tête lui tourne un peu, à travers la douleur des sensations nouvelles qui lui reviennent peu à peu. Lentement. Ça commence par cette eau et puis il y a de la chaleur derrière sa tête c'est- Doux. Les hurlements qui se taisent alors, il suffoque -se surprend à ne pas en mourir c'est si étrange si-
Oh.

Cette voix il la connaît.
Elle semble si lointaine mais il la connaît.
Susan ?

Susan.

Les sens qui reviennent lentement.
Ton odeur tout autour de lui, le bruit de l'eau dans la bassine, du chat qui miaule. Sensation de ses caresses contre son bras. O u v r e l e s y e u x . . . Gémis encore, il essaie -fronce les sourcils et grimace de douleur à la place. F i x e l e s a blier. De l'eau contre sa joue. Panse panse panse. Ta voix. Le chat. Le tissu qui frotte. L'eau. Miaulements. Douleur. Grimace. Gémissements.
Ses doigts qui bougent à peine pour tenter de se refermer -la voix qui brûle la gorge quand il essaie de parler.

Essaie.
Essaie.
Essaie encore.

— Su. -san.

Essaie.
Essaie.
Essaie encore.
Ouvre les yeux -lumière aveuglante, flou perturbant.
Il discerne le sablier difficilement.
Ferme les yeux. Gémis encore. Les rouvre. Fixe le sablier, pas certain d'y voir quelque chose réellement.

Murmure ton nom, encore.
Bouge ses doigts.

— Su. -san. J-je.
Je suis revenu.

Tais-toi.
Hm.. Les mots si bas sonnent mélodie, un poème enchanté quoiqu'un peu brisé. Il ne peut pas te contredire alors, l'homme gémit un peu mais de dit plus rien. Il n'a plus la force de quoique ce soit Jabberwocky, il aimerait simplement pouvoir s'endormir et ne plus souffrir. Alors le regard flou observe les grains de sable glisser dans le sablier un instant. Une petite seconde, deux petites secondes quand tout doucement, bercé pas le son de ta voix, la chaleur de ton corps et la douceur de l'eau contre lui, ses paupières finissent par se fermer.

Sombre dans l'inconscience à nouveau.
Dans ce noir noir noir si noir qui cette fois ne s'évadera pas. C'est son cerveau qui abandonne, son corps qui lâche -il n'en peut plus. Alors l'animal hurle hurle hurle encore encore ! Est-ce que tu l'entends ? Il a si mal.

Faites que ça s'arrête.
Par pitié.

Il n'en peut plus.

• • •
O u v r e l e s y e u x...
O u v r e..
Lointain écho qui résonne dans la pénombre -Jabberwocky recroquevillé relève la tête lentement alors. Tiens ? Depuis quand est-t-il dans cette position ? Il ne se souvient pas, de rien si ce n'est des hurlements qui résonnent encore. De la sensation de l'eau. De cette voix en écho -un souvenir. O u v r e l es y e ux.. Aller. Les ouvre alors lentement. Découvre les ombres dans la nuit -la nuit ? La lumière est étrange pour la nuit alors.. Conscience.

Il s'est écoulé du temps.
Combien ?
Comment.

Où-est-il ?
Susan.. il est chez Susan.
Douceur sur le corps, un lit ? Des draps.
Alors. Ouvre. Ouvre les yeux Jabberwocky.

Et la lumière du jour est aveuglante -grimace agacée, douloureuse quand par instinct l'homme tente de bouger son bras. Tire sur son corps, aïe. Mauvaise idée.

— Hmpf.

Repose son bras pour prendre le temps de s'habituer.
À la lumière, aux sons, aux odeurs.
Est-ce que tu es là, Susan ?

Encrer vos regards l'un dans l'autre, en silence se reconnaître pour s'apprivoiser encore encore encore -comme un besoin vital, l'impression alors de se sentir en sécurité. Tu es sur ce pas de porte qui n'existe pas et tu est grand Susan, si grand si beau, il te trouve magnifique de là où tu l'as allongé. Alors il te regarde, en silence te laisse approcher, te poser sur les draps là, tout près de lui.

Il y a tellement de choses qu'il aimerait te dire et t'expliquer mais il n'y en a aucune qui ne parvient à franchir ses lèvres. Il n'a pas la force de parler, de découvrir le son de sa voix rauque sans doute, aussi défoncée que ne l'est son corps tuméfié. Il n'en a pas envie alors à la place tes doigts en caresse sur sa joue. Un maigre sourire, les yeux qui se ferment un instant pour mieux sentir ta chaleur contre lui. Jabberwocky se souvient un peu d'avant le noir si douloureux, il y avait ta voix.

Est-ce que c'est toi qui l'a sauvé Susan ?
Un demi-sourire qui s'étire, il ne serait pas ici autrement.
Alors... Merci d'avoir prit soin de lui. De l'avoir aidé à chasser les mauvais rêves pour lui apporter un peu de sérénité.

Tes doigts qui dévoilent les bandages. Il les regarde simplement, sans émotion particulière, sans peur ni haine. Se redresse lentement, grimace si fort sous la douleur soudaine -un gémissement qui s'échappe mais peu importe, il faut que tu les changes pas vrai ? Alors peu importe la douleur. Il parvient à se tenir le plus assit possible dans les draps, même en silence sans savoir par où commencer il est content que tu sois là.

Jabberwocky lève son bras lentement, vient glisser comme tu l'as fais un peu plus tôt ses doigts sur ta joue. Tente un sourire, c'est un peu maladroit.
Ne fera rien d'autre finalement, rien d'autre que te regarder.
Tu lui as tellement manqué.

C'est la première fois. C'est vrai. Tu lui manquais tellement. Tellement Susan, qu'il n'a pas su faire autre chose que de venir te voir dans son état. Il fallait arrêter le supplice, vivre ou mourir peu importe, les douleurs, les hurlements, les peurs, tout peu importe. Il fallait venir te voir, te sentir, t'écouter, toi, ta chaleur, ta douceur tout tout tout il te fallait toi. C'était une nécessité. Est-ce que tu es en colère, Susan ? Dis, est-ce que tu lui en veux ? Tes mots comme des reproches et, pour la première fois sans doute d'une très longue vie, il détourne son regard. Ne baisse pas les yeux, se contente simplement de fuir. Fuir pour de vrai cette fois, toi et tes vérités. Il est trop fatigué pour entendre ça, ne réalise pas que ce n'est pas contre lui, tout ça. Tu t'es inquiété, pas vrai ? Tu t'inquiètes encore -et lui n'a pas le courage de rétorquer quoique ce soit.

Son bras qui glisse alors, quitte ta joue pour retomber dans les draps. Le corps qui ne répond plus. C'est que, tu sais, le poids des choses est bien trop lourd à porter. Il n'a pas la force de te répondre, ouvre la bouche pour le faire pourtant. Une inspiration -expiration bloquée au plus profond de lui. Comment on fait dans ces cas-là Susan. La marche à suivre, dis-lui. Il a besoin de savoir, besoin de t'entendre toi ne pas le rejeter. Quoique. Si tu lui demandes de s'en aller, il le fera tu sais. Difficilement mais sans hésiter.

Il n'a pas comprit que tu lui demandais simplement de se ménager.
Pour ne pas que se réouvrent ses plaies.

Couche-toi.
Marionnette laissée à tes doigts tendres, Jabberwocky s'exécute alors. Il ne te regarde plus si souvent, à peine à l'envolée -détourne les yeux de ses plaies car il n'a pas la force de les regarder. Il n'a plus la force de s'assumer Jabberwocky, il est fatigué. Épuisé. Alors Susan ta délicatesse est une mélodie qui l'invite au laisser-aller. Sombrer dans les bras de Morphée, le temps en sablier. Compte, décompte, les secondes, les grains de sable. Le temps qui passe comme un repère dans l'espoir peut-être que les mots reviennent et que les autres disparaissent. Les maux horribles, les maux suicide.

Il ne veut pas que tu disparaisses. Pourtant tu n'es plus là. Les rideaux ouverts, la pièce bien remplie mais tes allers manquent Susan, l'ombre de ta présence si grande pourtant -où es-tu ? Il se redresse, encore. Ne supporte pas de rester allonger alors, il tente. Bouger une jambe pour venir te chercher, ça ne fonctionne pas si bien. Douleur douleur si forte qui tire partout, il se ravise aussitôt.

Une légère inspiration tandis qu'il tente alors de t'appeler.

— ...
Susan. Susan. Susan !

Rien ne sort.
Serre les poings l'homme dévasté, si fort si fort si fort ! Ça fait mal. Assez mal pour qu'un léger gémissement s'échappe -n'est audible qu'à ses oreilles car tu dois être si loin mais, tu sais, c'est rassurant. Rassurant de savoir qu'il peut encore parler.

Finalement te voir revenir, les iris soudain dardés sur toi. Ne te quitte plus des yeux, la peur insensée que tu t'envoles encore puis ne reviennes plus. Ses doigts qui se glissent dans les tiens lorsque tu t'installes de nouveau près de lui.

— Je suis là.

Un sourire alors et puis.
Une larme.

Roule sur la joue, glisse sur son torse jusqu'à se perdre dans les tissus qui le bandent. Il se sent soulagé, soulagé et pourtant tellement effondré. Le poids du monde Susan, tu t'en souviens ? Les orages, les univers. Il ne veut pas s'y perdre.

Essuie alors sa joue d'un revers de main, l'autre toujours dans la tienne. Seulement il ne s'attendait pas à ce que d'autres surviennent. Des sillons salés qui inondent sa peau tout à coup, le laisse pantois, surprit, ahuri. Il ne comprend pas. Alors il reste là, la bouche ouverte à tenter d'essuyer ces larmes qui ne cessent de revenir. Encore. Encore. Encore.

Susan. Si tu savais, Susan -les mots s'embrouillent et les larmes coulent mais le coeur y est. Susan. Susan Susan Susan. Est-ce que tu l'entends ce coeur qui te murmure malgré le silence de sa voix ? Les douleurs trop profondes restent désespérément accrochées mais il t'entend comme tu l'entends. Vous n'aviez jamais eu besoin de la parole pour communiquer, vous deux. Seulement de vos coeurs, de vos âmes et tout semble étrangement en phase aujourd'hui. Dans la peine, la douleur et l'horreur, vous êtes ensembles pas vrai ?

Alors Susan, ne lâche pas sa main s'il te plaît. Continue de sécher ses larmes, souris. Souris ! Tu es si beau Susan. Si tendre Susan.

Doucement ses doigts qui glissent le long de ton bras, remontent ton épaule pour se nicher dans le creux de ta nuque. Le geste fébrile d'un souffle branlant et de blessures trop récentes pour être totalement guéries, il t'attire contre lui. Vos mains toujours liées, ses larmes toujours qui coulent à en inonder les draps. Un sourire. Un sourire parce qu'il ne comprend pas encore tout à fait à quel point il avait mal depuis tant d'années. Un sourire dévasté avant de te serrer tout contre lui. Les sanglots sont chaotiques mais tu es là. Alors ça ira. Autour de lui ce ne sont pas les murs-prison du palais ni la geôle-torture, c'est simplement ton chez toi. Un nid douillet, un repère, un refuge. Tu es là.

Contre lui.
Avec lui.

— Aide-moi...
Sauve-moi.

Les premiers mots glissés en murmures à ton oreille.
Il ne veut plus de tout ça le Jabberwocky.