Cette assurance, tu ne sais pas d'ou tu la sors. Tu as l'impression que ce n'était pas ton caractère d'avant, que quelque chose a changé et que c'est Wonderland qui l'a enclenché. Tu es devenu le prince charmant, tu es devenu tout ce qu'elles ont toujours voulu avoir dans l'autre monde mais que tu ne savais pas être, avant. Tu t'es construit une façade pour mieux tromper, pour mieux voler, pour toujours plus obtenir.

— « Je vois. »

Silence.

— « Je ne supporterai pas d'être un objet en échange d'argent. Je ne sais pas comment tu faisais. Pour moi il n'y avait rien de plus rabaissant. C'est comme si vous me donniez une raison de vous mépriser, et je ne tolérerais plus que tu t'offres comme un jeu, aussi puissant cela te faisait sentir. Fin de la discussion. »

Il est vrai qu'il a du encaisser beaucoup aujourd'hui, et pourtant ça ne t'empêche pas de le trouver toujours aussi beau. C'est écoeurant de l'être autant, en vérité tu es jaloux Aslan. Jaloux de sa puissance, de sa liberté, de sa magnificence. Si tu n'as peur de rien, à proprement parler, tu as tout de même peur de perdre ou d'avoir tort. Lui n'arrête jamais de se battre.

— « Que veux-tu que je te dise ? Que tu es beau ? Tu l'es. Que tu es intelligent ? Cela reste à voir. Peut-être veux-tu que je te suce ? »

Tu fronces les sourcils, et grogne quand il se compare, te forces à te projeter à sa place.
Que ferais-tu, si c'était l'inverse ?

— « Je te punirais sévèrement. Et je le tuerai. »

Merde.
Tu fuis, lâche. Changes de sujet.

— « Un camion c'est un véhicule de transport. On pouvait se déplacer dans des engins à moteur, et c'était très rapide. »

Pourquoi tu la suivais, Aslan ?
Oui, pourquoi
pour quoi
Le secret au bout de la langue, ça ne te revient pas, c'est pourtant là, dans un coin proche de ton esprit, tu es à ça d'ouvrir le tiroir.

— « Je crois que j'avais une obsession pour elle... Je voulais qu'elle me voit, j'en avais assez d'être dans son ombre. »

Et lui seul sait désormais que chez toi ça ne fait pas bon ménage.
ça ne fait que te détraquer, davantage.

Tu lèves les yeux au ciel, décidément il est bien trop à l'aise. Tu fronces les sourcils et lui donnes un coup de fesses dans son bassin, alors qu'il t'enlace. Te retiens de ne pas perdre ton sérieux légendaire alors que tu articules.

— « Dans tes rêves. »

Et vous voilà reparti dans la boucle infinie du cycle de vengeance. Tu sais qu'il y prendra plaisir, à se venger, et tu jubileras de prévoir tout un plan pour le remettre à sa place - il y répondra avec les dents, toi avec le fouet. Dessineras en lettres de sang ta signature, quand il se déchainera de nouveau comme une ordure.
Et tu vas aimer ça ; lui aussi. Jusqu'à ce que ce petit jeu soit remplacé par un autre.

— « Aujourd'hui tout cela m'est égal. Je suis à l'égal d'un prince pour tout ceux qui me regardent. Tu es le seul à avoir compris mon vrai visage, en dehors de Lior. Mais il est ce qu'on appelle un ami, je crois, c'est normal. »

Tu n'as plus aucun complexe, en particulier sur ce que tu es vraiment.
Confesses, comme si le dire avec légèreté atténue tes crimes.

— « J'aime regarder. »

Hausses les épaules.

— « J'aime faire céder. »

Alors cède Alec, continue de céder.
Mais résiste aussi, car il est si bon de te faire plier.

Alec questionne un point intéressant. Tu ne t'es jamais imaginé quoi que ce soit, encore moins de provenir de son époque. Tu lèves les yeux pour réfléchir, frémissant des paupières.

— « Non je n'étais pas marié, ni fiancé. Je n'avais pas de petite copine. Et... de quelle époque proviens-tu ? Il est vrai que tu n'as jamais connu mon présent, le futur pour toi. C'est amusant. Dis toi que nous avions la technologie. Mais j'aurai pu vivre sans, je suppose. »

Imagines, seulement.

— « Je ne sais pas Alec, je ne sais pas. Et toi ? L'étais-tu ? »

Tu ne sais pas si ça te plairait finalement, de le savoir. Tellement matrixié que tu en viendrais à jalouser les fantômes de son passé.
Tu te retournes pour lui faire face, grimper sur lui et bloquer ses poignets sur les draps. Fronces les sourcils.

— « Cherches-tu à me blesser en me forçant à me projeter dans ces scénarios ? Je t'aurai surement méprisé et tu le sais. En fait, je t'ai toujours méprisé, depuis que je te connais. Tu es tout ce que je déteste. Tu es juste devenu l'exception, mais parce que ce monde l'a permis. Parce qu'on est libre d'être des monstres, d'être sans limite. On a plus rien à expier. »

Vous aviez tout à expier ; c'est juste trop tard désormais.

Il aime ce visage et malgré toi tu rougies. Tu ne veux pas qu'il te voit de cette manière et en même temps c'est inévitable. La façon dont il te perçoit est devenu la seule façon dont tu veux être perçu. Tu ne te lasseras jamais de la folie qui guette le coin de ses iris, de la fascination malsaine que vous vouez l'un pour l'autre. Bordel, il t'a rendu complètement dépendant (à lui).

— « Tss. Rattrape toi. »

Baisses la tête pour dissimuler la gêne sur ton visage, tes boucles blondes s'échouant sur ton visage. Tu l'écoutes, essaie d'imaginer cette vie qu'il te décrit au travers des livres d'histoire. Ça te parle un peu, tu tentes de comprendre.

— « La technologie. Les objets électroniques. Internet, les portables. Je m'en souviens vaguement. Je pensais avoir oublié en fait, c'est étrange... »

Tu n'aimes pas ce qu'il te raconte. Tu es mal à l'aise de l'imaginer marié, un peu jaloux. Mais ça date d'il y a plus d'un siècle et dans une autre dimension. Tu serais malade d'en faire une affaire. Tu n'existais même pas, à cette époque et tout aurait pu laisser présager du fait que tu n'existerais jamais. Une chance que le destin en ait décidé tout autrement.

— « Tu incarnes bien ton entité. As-tu seulement lu l'histoire de Dorian Gray ? C'est amusant comme ce monde est bien fait. »

Arrêtes de bouder, pour l'instant et relâches doucement la pression sur ses poignets sans pour autant le libérer.
L'embrasses, sans rien dire.
L'exception.

— « Artistes monstrueux. »

Tu vois bien qu'il semble perdu quand tu lui parles mais tu n'insistes pas sur les détails. Ça serait inutile, il ne comprend déjà rien. C'est un monde qu'il n'a jamais connu et qu'il ne connaitrait jamais. Son monde est trop ancien, Wonderland ne lui permettrait pas de repartir. Il n'y a que toi qui avait encore une chance, mais pour rien au monde tu ne retournerais dans ce trou à rat, dans cette existence morne et putride alors qu'ici tu as tous les droits.
Le savoir, la richesse, le pouvoir de pouvoir conscientiser ta propre échelle.

Tout se détraque.
Tu déglutis, le regard avide et désaxé.

— « Je veux savoir ce que ce monde m'a enlevé. Je veux me souvenir. Je ne supporte pas de ne pas comprendre, et j'ai l'impression d'avoir échoué à le faire. Mais je ne veux pas que ça soit la clé de mon départ, je ne veux pas partir d'ici. Je ne veux pas y retourner. »

En enfer.
Et il en parle, du sien. Fils de proxénète, enfance parmi les prostituées. A croire que le pays des merveilles ne porte pas bien son nom, car il l'a fait replongé dans ses pires travers comme un rat retourne à sa colonie.

— « Je vois. Je concède que tu n'as peut-être pas eu une vie antérieure simple. »

Mais tu ne lui accordes pas ce point par empathie, uniquement pour pouvoir te comparer à lui - pour qu'il te plaigne à son tour si jamais tu venais à te livrer à des confidences également. Tu ne fais rien gratuitement, Aslan. Narcissique et déviant.

— « C'est un classique. Il date de ton époque. Je ne me souviens plus vraiment... des lignes... mais seulement de l'histoire. C'est l'histoire d'un jeune dandy qui vend son âme pour rester jeune, c'est son portrait qui vieillit et pourrit à sa place. Si je me souviens bien, le portrait développe une personnalité propre, malveillante. C'est une ode à la déchéance et à la décadence. »

Tu hausses les épaules.

— « J'ai appris à l'école, comme tout le monde. En primaire. »

Tu ne mesures pas le poids de tes mots. Pour toi, c'est juste comme cela, la normalité de ton époque.
Tu l'embrasses sans attendre de réponse ou de commentaire, plaques ton bassin au sien sans arrêter de lier vos lèvres. Prenant à peine le temps de respirer entre deux gémissements coincés.

Je ne veux pas que tu partes.
Ça sonne comme un ordre ou comme un appel à l'aide ? Tu choisis de l'entendre comme une incapacité pour lui de vivre sans toi. L'ego reboosté fleurit à foison dans ton esprit narcissique et tu étires un sourire malingre qui s'échoue à l'orée de tes pensées détraquées.
Le voir douter est un plaisir sur lequel tu fais durer le mystère, haussant les sourcils sans perdre ton rictus arrogant. Peut-être que oui, peut-être que non.

— « Pourquoi retournerais-je dans ce monde insipide quand celui-ci a excellé à me fournir tout ce que je désirais ? »

Et au delà d'Alec, il y a quand même autre chose. Des souvenirs amères, des impressions d'ennuis et un mal-être oppressant qui ne te quittait jamais.
Tu n'étais jamais satisfait, constamment isolé et dans une détresse sociale qui aurait conduit n'importe qui au pire. Le truc, c'est que tu es persuadé d'avoir fauté dans cette société - sinon pourquoi serais-tu ici ? Mais est-ce ça que tu as définitivement oublié ?

— « Tout le monde m'aimait et je me détestais. Non en fait je crois... qu'on avait peur de moi. Ils me détestaient tous. »

Tu hausses les épaules, nonchalant et détaché.

— « Mais c'était réciproque, de toute façon. »

Non, tu mens. Il y avait des gens chez qui tu nourrissais une obsession particulière. Comme Alec, comme Valentina. Une fille, sans doute...
Oui, une fille. Une fille que tu n'étais pas le seul à connaitre... ça te revient...

Pas le temps de plus creuser en profondeur que ton corps roule sur le côté. Alec échange vos places, continue de t'embrasser. Tu n'as pas assez d'air, tes inspirations sont saccadées, se font par tranche d'une demi-seconde quand vos lèvres s'écartent - avant de se retrouver encore et encore. Ses doigts sur ta peau. Tu le veux mais tu... non tu n'en as pas envie. Pas vraiment, pas maintenant. Ton esprit essaie de se focaliser sur tes souvenirs égarés, cherche sans relâche l'indice, la boite fermée à double tour et cachée dans le noir.

— « Al...ec. »

Mais tu le laisses faire, trop occupé à remuer le néant de l'âme pour lui faire part de tes états (d'âme) ; sans lui faire comprendre que ce n'est pas ça que tu veux.
Malgré tout, ton corps réagit au sien, lui envoie des signaux. Fait comprendre à Alec que tu le désires.

Et c'est vrai !
Oui, oui oui Alec est là dans le coeur et la tête mais la tête se retourne alors que tes bras s'échouent sur les draps. Geins encore et encore, murmures son nom dans la souffrance et l'indifférence. Son visage qui apparait les yeux clos - oui c'est elle, c'est elle que tu suivais.

— « Je l'ai... »

harcelé
épié
suivi
traqué
incompris
blessé
détruite
nié
fétichisé
convoité
menacé
aimé
mais pas comme il faut
je n'aime jamais comme il faut

alors c'est pour ça que je suis ici,
Je m'accroche à Alec, je ne veux pas repartir, pas être puni
il ne se passe rien, c'est vraiment trop tard

pour elle que j'ai été envoyé ici, cette trainée
pour toi que je suis resté

Tu ne te sens pas partir, tes souvenirs sont tout de suite troubles. Est-ce pour cela que tu as été envoyé ici ? Etait-ce à partir de ce souvenir volé que tu devais comprendre une vérité sur toi-même ? Tu comprends surtout pourquoi tu n'es jamais reparti, et pourquoi aussi vite tu t'es oublié. Car même en sachant tout ça, tu n'as ni recul ni regrets.

NON !
Alec crie et tu écarquilles les yeux. Il t'extirpe de cette transe hypnotique, te serre fort alors qu'il t'engueule. Il a eu peur... peur que tu disparaisses comme ça. Lentement tu reprends conscience de ta réalité, qui s'était dissocié l'espace de quelques secondes.

— « Je... Je ne sais pas... »

Hébété, tu déglutis et le laisses t'enlacer comme on retient un animal dans ses bras pour ne pas qu'il s'échappe. Peines à comprendre ce que tu étais censé apprendre de cette expérience. Finalement, tu exploses... de rire.

— « HAHAHAHAHAHA ! »

Un rire aussi sardonique qu'acerbe. Tu te confonds dans une hilarité - qui déforme tes traits, te rend aussi décalé que monstrueux. Profites qu'Alec te relâche pour te tenir le ventre. Le regard vascille vers le haut, complètement fou.

— « HAHAHAHA... Hahahahaha...! »

Tu essuies les larmes au coin des yeux, car à force de rire ça tire. Tu tentes d'étouffer les éclats, qui se transforment lentement en gloussements.

— « Ça n'a... rien... changé ! Rien ! »

Plisses les lèvres. Tu es heureux Aslan. Heureux de voir que ça ne t'atteint pas.

— « Alec ! Je suis maudit, et je crois que ce monde l'a compris. »

Parce qu'il ne me laissera jamais repartir.
Je n'aurais aucune seconde chance, il n'a fait que me rendre encore pire.

— « J'aurai du la souiller quand je le pouvais. »

Vrai visage, ça soulage.

Tu sens qu'il s'éloigne autant parce qu'il a besoin d'air qu'il a besoin de te priver du tien. Peut-être bien que ta folie a terminé de te le polluer. Tu te redresses sur les draps quand il va à la fenêtre pour fumer une cigarette, le toise avec mépris. Tu ne supportes pas qu'il s'intoxique avec cette chose, quant bien même il ne peut pas en mourir (tu n'en sais trop rien, à vrai dire).

— « Ce monde pense nous avoir maudit. C'est ce que je voulais dire. Je me considère chanceux d'être ici, ne pense pas le contraire. »

Tu aurais pu ajouter s'il te plait mais même vulnérable, tu n'as pas encore ce reflexe. Tes yeux le scrutent, détaillent avec attention l'expression exaspérée de son visage. Tu l'as bien usé aujourd'hui Aslan, oui... tu l'as bien usé.

Tu te lèves, la chemise encore ouverte et va le rejoindre à pas de félins, dépose un baiser dans le creux de son dos.

— « Tu ne veux pas savoir. »

Il semble perdu dans ses pensées, à s'agacer de vouloir réfléchir, de vouloir savoir. Tes souvenirs s'évaporent déjà dans ton flux de pensées et tu fermes les yeux, le front collé contre son trapèze.

— « Tu es là depuis trop de temps. Cesse de te débattre. Je n'en ai tiré aucune satisfaction. »

Un mensonge trop proche de la vérité.
Ne le voyant pas réagir, tu concèdes (pour ce soir) et t'éloignes.

— « Je vais dormir dans la chambre d'amis. Prend mon lit pour ce soir. »