Comme il avait disparu le voilà réapparu ─ soudainement, sans laisser de trace de son passage, sans avoir le temps de discuter avec Balthazar
(une autre fois, peut-être, car n'avaient-ils pas tout le temps de se reparler plus tard ?)

Rouvre les yeux, Perceval, et reconnaît le château de cœur
(sa prison)
n'a qu'à peine le temps de réaliser là où il se trouvait qu'une voix le fait sursauter, une voix qu'il ne connais que trop bien ─ qu'il aurait aimé ne pas entendre de si tôt
n'a guère le temps non plus de se demander où Balth était passer, ni de prétexter aller le chercher, que tu lui demandes, bien trop gentiment, de le suivre pour, semble-t-il, discuter
mais il sait, Perceval
que tu ne comptes pas discuter
oh non
ce ton doucereux, mielleux, aussi sucré que la neige de Marmoreal, ne faisait que cacher la tempête à venir ; mais ton regard, ah ton regard qu'il avait vu maintes fois, ce regard noir empli de foudres qui se seraient déjà ruées sur lui si tu en avais la capacité, Perceval ne le connaissais que trop bien

Sans rien ajouter il te suit dans un silence de mort jusqu'à ton bureau ─ pièce qu'il ne connaissait que bien trop, pour y avoir été menacé maintes et maintes fois, et où parfois quelques coups sont tombés
alors même s'il n'a qu'une vague idée de pourquoi, Perceval ne s'attend qu'à la routine habituelle entre vous deux : engueulade pour un motif tout aussi ridicule les uns des autres, quelques menaces, quelques blessures, et en quelques interminables minutes c'était terminé
(et comme d'habitude il serrera les dents)
S'avance dans la pièce, Perceval, avant de s'assoir comme tu le lui demande ─ laisse sur ses lèvres se dessiner un sourire qui se veut confiant ; car même s'il n'attend rien de votre discussion, elle n'en restera pas moins déplaisante

Eh bien, monsieur, ça fait si longtemps depuis la dernière fois où vous m'avez menacé ?

Et tu t'approches, souffle ces mots à son oreille ; se raidit, Perceval
c'était donc pour ça que tu l'avais fait venir, du moins est-ce ce que tu prétextes
étais-tu donc de mauvaise humeur à ce point ?

Allons, c'est pas la première fois qu'on vous regarde mal, j'imagine ; vous n'allez pas vous vexer pour si peu, si ?

Ni la dernière
surtout quand ça vient de nous

Le rire résonne dans la pièce
ton rires aux échos sanglants
et soudain Perceval comprends
non, ça ne sera pas comme les autres fois
cette fois, c'est différent

Ta main dans ces cheveux, cette délicatesse qui n'augure rien de bon ; trop surpris par ce geste pour réagir, Perceval
soudain tu tires violemment ; ne peut s'empêcher de crier de surprise et de douleur, et son regard se pose malgré lui sur ton visage ─ et ce qu'il y voit ne lui plaît pas, lui rappelle ces moments passés à agonir des jours durant dans les profondeurs du palais à subir tes coups et ton sadisme

Comment les oublier... marmonne-t-il à ta remarque, sourire nerveux aux lèvres

Tente de cacher son inquiétude, Perceval, mais ses yeux le trahissent
Ce sourire empreint de ce qu'il interprète comme du sadisme, il l'avait vu tant de fois ; il ne savait que trop bien ce qui allait se passer ensuite
sans qu'il ne puisse rien y faire ni même le prévoir en premier lieu, ses poignets se retrouvent collés aux accoudoirs de la chaise ─ se retrouve sans échappatoire, Perceval, et la terrifiante situation se dessine à lui ; comme une claque la réalisation lui vient à l'esprit lorsqu'il fixe quelques instants ces liens qui l'entravent
tu n'allais quand même pas faire ça, si ?

Sur toi se reporte son attention ─ sur ta suffisance sur ton arrogance
comment qualifier ton attitude ? lui-même ne sait pas vraiment
droit dans les yeux te fixe, tendu, mais pourtant cette lueur dans le regard ─ mélange entre anxiété et défi, vanité à peine contenue
(tentative de garder la face malgré ce qui arrive)

C'est un peu exagéré, tout ça, pour une simple discussion ; vous aviez peur que je m'enfuis ?

Essaie, Perceval, de rester confiant et de ne pas montrer sa peur
mais tu n'es pas dupe, n'est-ce pas ?

Dans un geste vain Perceval tente de tirer sur ses liens comme s'ils allaient miraculeusement se défaire ─ mais abandonne bien vite lorsqu'il constate qu'ils sont fermement serrés
Reporte son attention sur toi, sur ton rire et sur tes mots ; soudain se demande, Perceval, depuis combien de temps tu rêvais de le voir ainsi, depuis combien de temps tu préparais ton coup ─ mais surtout depuis combien de temps tu attendais le bon prétexte pour le faire, car il ne croyait en aucun cas à un simple coup de tête
pas venant de toi

Je veux pas vous vexer, mais pas moi...

Impuissant te regarde tourner autour de lui tel un rapace prêt à fondre sur sa proie
forcé à croiser ton regard par ce geste qu'il déteste
(surtout quand il vient de toi)
à tes mots sent son cœur s'accélérer et la peur gagner du terrain, pendant que tu sous-entendais l'éborgner pour, dis-tu, lui donner une bonne raison de porter un cache-œil ─ et le pire, dans tout ça, c'est qu'il te savait parfaitement capable de le faire pour peu que l'envie t'en prenne

Il ne peut répliquer que déjà tu lui attrapes le visage, le force à te regarder encore
et sur sa joue vient déposer une entaille, tandis que de l'autre serre sa gorge ; serre les dents Perceval, tentant d'étouffer les plaintes qui pourraient franchir ses lèvres ─ non, pas encore, il tiendras le plus longtemps qu'il peut avant de t'offrir malgré lui ce dont tu sembles bien trop te délecter
Ton pied se pose fermement sur sa cuisse, comme pour l'empêcher du moindre mouvement ─ comme pour l'avertir que se défendre ne servait à rien et ne ferait qu'aggraver son cas, comme une sorte de rappel
(car il sait que tu prendras un malin plaisir à lui faire chèrement payer sa vaine tentative de résistance)

Reste silencieux, Perceval, jusqu'à ce que tes doigts se desserrent un peu et, semble-t-il, l'autorise à parler
il ne sait ce que tu attends comme réponse, Perceval ─ ou peut-être que si, finalement, mais quoiqu'il dise, quoiqu'il tente de faire, tu avais bien l'intention de ne pas le lâcher, du moins pas avant d'être lassé, n'est-ce pas ?

Par me laisser partir, peut-être ? Je trouve que c'est un bon début

Il sait qu'il paiera cher son insolence, Perceval ; sait que tu ne laissera pas passer une telle occasion
mais quitte à être foutu, autant l'être pour de bon

La pression sur sa cuisse augmente soudainement et Perceval se crispe, serre la mâchoire ; phalanges qui blanchissent à force de serrer les accoudoirs pour faire passer la douleur, pour se retenir de trop montrer ce que tu désirais
non, il ne cèdera pas maintenant

Il soutiens ton regard, Perceval ; oui, il sait très bien qu'il aurait été préférable pour lui de ne pas répondre, de simplement ignorer ta question et de subir sans rien dire ─ tout n'en aurais été que plus simple, plus rapide et plus supportable
mais il en était incapable, tout simplement
fierté du condamné qui soudain surgit alors qu'il se sait perdu, et qui dans un élan de courage futile réponds à ses bourreaux ; vanité aggravant son cas et faisant redoubler les coups, mais continuant malgré tout à provoquer pour ne pas perdre la face, pour conserver un peu de grandeur malgré sa misérable situation
(mais pouvais-tu au moins le comprendre, toi qui avait toujours été dans le rôle du bourreau ?)
Tu as l'air si fier, Knave, lorsque tu contemple ton travail, lorsque tu te vantes implicitement de toutes ces blessures infligées au fil des ans ; fier comme un enfant qui montre son dessin à ses parents

Vraiment, on se le demande ironise-t-il Une idée ?

Et soudain la douleur cuisante de la chair tranchée ; sent la main agripper et tirer ses cheveux pour le forcer à se pencher, comme pour s'assurer que sa blessure lui fasse suffisamment mal ─ mais Perceval malgré toute sa volonté ne peut contenir la douleur, ni même les cris qui s'échappent de ses lèvres
Nouveau coup avant même qu'il ne puisse répondre ni même reprendre son souffle ; cri étouffé alors que tu viens frapper la blessure à peine infligée, alors que la douleur irradie son corps ─ ah, il le sait, ce n'est que le début, qu'un simple avant-goût de l'enfer qui l'attends, quoique plus brutal que les autres fois

Vous m'avez habitué à mieux, monsieur dit-il, une fois son souffle retrouvé, tentant de masquer sa souffrance ; et soudain rire nerveux Vous êtes rouillé ?

Mais il sait que tu n'es pas dupe
il sait que sa souffrance t'amuses, il sait que tu t'en amuseras aussi longtemps que tu le voulais, qu'importe s'il tombait d'épuisement avant la fin
et lui ne peut que se soumettre à ton ignoble petit jeu qui ne divertissais que toi

Ton rire insupportable qui emplit la pièce ─ se demande, Perceval, comment on peut prendre autant de plaisir en la souffrance d'autrui, comment on peut se délecter des hurlements et des supplications comme tu le fait ; rien, il le sait, ne pourra t'arrêter, pas même ses plaintes lorsque tu passes les doigts sur sa blessure, ni celles lorsque tu viens en rajouter encore et encore
on ne sait si un tel sadisme était inné ou s'il était du à une vie qui jamais ne connaîtra de fin
et Perceval dans son malheur Perceval dans tes mots sait que ce n'est que le début, que l'Enfer même paraîtrait bien doux face à ce que tu pouvais préparer ─ quoique ce fût

Le répit soudain, simple calme avant la tempête ─ et entre tes doigts danse ta prochaine idée sous le regard effaré de Perceval
Longtemps hésites, paraît bien trop joyeux et lui ne peut qu'attendre le prochain coup ; oh, il a bien vu ton regard se poser sur ses mains, il entends bien ton sifflement qui n'annonce rien de bon ─ si ce n'est pour toi ; car tu avais promis que ça deviendrait pire, n'est-ce pas
Et soudain s'abat sur sa main jusqu'à faire craquer les os ; hurle de douleur, Perceval, en tire sur ses liens comme pour enlever sa main meurtrie à tes soins ─ mais ne fait qu'un peu plus blesser ses poignets et un second coup s'abat, comme pour s'assurer qu'il a bien mal, que le marteau a visé là où il faut et que Perceval ressent encore la douleur
(qu'il a encore assez de voix pour hurler)
oui il la ressent encore et elle est fulgurante, jamais ne se fait attendre ; tes caresses sur sa main meurtrie lui semblent alors bien trop douces

Vous l'aimez bien quand même, mon insolence, je me trompe ?

voit ta main plonger dans le tiroir ; dans l'anxiété et dans l'impuissance ne peut qu'attendre le prochain coup, ne peut qu'essayer d'imaginer ce que tu pourrais faire ─ et ah, c'était horrible, tu sais, de s'imaginer ainsi torturé pour essayer ne serait-ce que d'avoir un peu moins mal, de se préparer à la douleur

Un instrument en remplace un autre et tu t'acharnes encore sur sa main meurtrie ; et s'il parvient d'abord à prendre sur lui, Perceval, à tes mots il sait que tu ne te contenteras pas de simplement appuyer avec un malice à peine contenu
bien sûr que non
tu t'amuses bien trop pour ça ; tu es tel un enfant qui s'amuse à arracher une à une les pattes d'un insecte agonisant et qui voit dans ses vaines tentatives de se débattre du terrible sort qui l'attend un divertissement des plus exaltants
Se mord la lèvre, Perceval, pour ne pas t'offrir encore un cri dont, il le sait, tu te délecteras ; tente d'ignorer la douleur alors que dans un réflexe ses mains son corps se crispent

Lequel va tomber en premier à ton avis ?
Ce sera lui, et tu le sais déjà, n'est-ce pas ? Jeu déséquilibré depuis le début où tu t'accordes la position dominante, ne laissant plus rien à Perceval
et ça avait toujours été ainsi
plaintes d'agonie lorsque tu viens cruellement te saisir de sa main blessée, hurlement lorsque tu lui arraches le premier ongle ─ et ce sourire, ce sourire que tu revêtais à chaque fois, n'avais-tu donc plus une once d'humanité ou de compassion ?

Ça ne sert à rien... de vous supplier Parce que je sais que tu n'attends que ça, Knave ; alors je n'irais jamais, jamais te supplier, même dans le pire des supplices Vous me les arracheriez quand même

A peine a-t-il pu réponse que soudainement un deuxième ongle s'en va, accompagné d'un nouveau hurlement de douleur
a des sueurs froides à ton idée, Perceval, se demandant si ta cruauté avait des limites ─ non, ce n'était pas la bonne question : était-elle aussi infinie que ta propre vie ? question à jamais sans réponse
la caresse presque trop délicate sur ses doigts et de nouveau un craquement, bien vite couvert par de nouveaux hurlements de douleur ─ c'est que tu étais bien décidé à rendre sa main hors d'état d'usage, n'est-ce pas ? Et peut-être même procèderas-tu de la même manière pour son autre main
(mais ça, Perceval ne veut l'imaginer ; la réalité est déjà bien trop douloureuse)

Ce n'est pas qu'il commençait à comprendre, Knave, mais qu'il l'avait compris depuis bien longtemps ; à force de passer entre tes mains à force de faire des erreurs il avait bien fini par comprendre qu'il y avait des choses qu'il valait mieux s'abstenir
Et après un court instant de répit d'humiliation, de nouveau tu reprends, viens terminer ce que tu avais commencé sans que ses hurlements ne viennent changer quoique ce soit à ton entrain
quand soudain tu t'arrêtes ; s'autorise, Perceval, à jeter un bref coup d’œil à sa main ─ constate avec effroi son état et se demande si, un jour, il pourra de nouveau l'utiliser
(un miracle, si elle guérissait)

T'autorises une pause, sous le regard anxieux de Perceval ; non, c'était trop simple
tu ne pouvais t'arrêter en si bon chemin, n'est-ce pas ?
que préparais-tu, Knave ? Faisais-tu exprès de t'arrêter pour le laisser croire que tu en resterais là ? Ou, plutôt, pour le laisser imaginer la suite, tout ce que tu pourrais lui faire pendant ces longues minutes d'angoisse qui deviennent éternité ?
Le suspens cesse et à ton sourire à tes mots Perceval pour sa plus grande horreur comprends ; à ses hurlements se mêlent ton rire, et quel rire ! il ne se souvenait pas t'avoir déjà vu prendre autant de plaisir à le maltraiter ─ bien trop joyeux dans les horreurs que tu commettais, fausse note parmi les hurlements

Et soudain encore tout s'arrête ─ sauf la douleur, lancinante et persistante, que maintenant le carnage cessant il ne la ressent que plus
te regardes t'approcher, Perceval ; sent ton souffle le frôler
(pourquoi étais-tu aussi proche ?)
gémit lorsque tes doigts passent sur ses poignets endoloris ; s'attendait à tout, Perceval, mais pas à ce que tu défasses ses liens ─ laisse tomber ses mains le long de la chaise, incapable de les laisser plus longtemps à leur place
dans un élan de naïveté et d'espoir pense que tu en as fini, que tu t'étais lassé ─ jusqu'à ce qu'il se sente basculer, tomber vers le sol
probablement savais-tu très bien ce que tu faisais ; sans doute savais-tu très bien qu'il ne pourrait se relever sans se servir de ses mains et de ses poignets, sans devoir affronter une douleur cuisante et dont il pourrait difficilement passer outre

Et à tes mots Perceval t'offre un regard d'incompréhension
la douleur disparaît un court instant, supplantée par une surprise sincère
il s'attendait à bien des choses, Perceval, mais pas à ce que tu lui sortes une chose pareille
c'était étrange
bien trop

... C... Comment ça ?

S'efface la surprise pour laisser place, encore, à l'angoisse, maîtresse de la scène
sait, Perceval, que tu ne lui as pas dit ça pour le complimenter, loin de là
frissons d'horreur à ta main qui vient doucement lui caresser le visage
et ne peut que se demander avec angoisse à quoi tu pouvais bien penser cette fois encore