Pour le simple plaisir de le voir souffrir encore et encore tu prendrais n'importe quelle raison que le monde t'offrait pour le mettre à tes pieds ; il le savait déjà, Perceval, mais te l'entendre dire ne rendait la chose que plus cauchemardesque encore
Viens une fois encore agripper ses cheveux et le scrutes, bien trop longuement à son goût ─ et soudain heurte violemment le sol
sonné par le choc, Perceval, tandis qu'une nouvelle douleur vient s'ajouter ; moins forte que celle de ses mains, mais tout aussi désagréable et incommodante ─ il n'a pas remarqué que tu t'étais relevé

Tente de se redresser, Perceval, au moins un peu, tentant d'ignorer son corps qui hurlait de douleur, qu'il lui intimait de ne pas bouger tant c'était peu supportable
mais bien vite tu ruines ses efforts à néant par ce coup lâchement porté sur sa blessure au torse, le faisant encore s'écrouler et lui arrachant un cri ─ et tes mots cinglants, dont il ne saurait dire si leur violence égalait ce que tu lui infligeais
ce n'est pas tant l'ego qui était vexé, il avait appris à le mettre de côté avec toi, mais quelque chose de bien plus profond ─ Perceval déshumanisé, réduit à rien et à un simple défouloir
Un hurlement, encore, lorsque de tes pieds viennent cruellement fouler ses mains ─ comme si tu voulais t'assurer qu'elles étaient encore meurtrie, comme si tu avais crains quelques instants qu'elles se soient miraculeusement guéries ; douleur encore qui parcourt son corps, douleur qui fait dangereusement s'étirer le temps et les secondes deviennent des éternités dont on ne peut se soustraire, des éternités qu'on subit avec angoisse en se demandant quand le châtiment se terminera enfin

... D... depuis c...  tente-t-il d'articuler

Mais tu ne lui laisse pas le temps de finir que déjà il sent ton poids s'abattre sur lui ─ et à la violence s'ajoute l'humiliation, celle de n'être plus rien, simple objet sur lequel on passe ses nerfs ─ pouvait-il, à ce stade se dire qu'il était encore un être vivant, même le plus minime qui soit ?
car c'était là que résidait toute la cruauté de la chose : celle de n'être même plus considéré comme vivant, à tel point qu'on oublie nous-même qu'on l'est
à tel point qu'on finit par (une fois encore) s'oublier

A ses faibles mots tu t'arrêtes soudain, comme s'ils avaient suffit à contenir un court instant ta folie ─ ce n'est qu'illusion et naïveté, il le sait ; mais au moins peut-il enfin réussir à parler
à te poser cette question cruciale

... Depuis... combien de temps... vous cherchiez... un prétexte... pour me battre...? parvient-il à dire au bout d'immenses efforts

Au fond, il connaît la réponse, Perceval ; te connait assez bien pour savoir que ça faisait bien longtemps que tu attendais une occasion de t'acharner sur lui, un prétexte pour le réduire à néant ─ mais il voulait l'entendre de ta voix, tout ça ; que c'était un tout, et non pas un simple coup de tête comme il pouvait t'en prendre parfois
A demi-mot tu avoues ton sadisme ; peut-être en a-t-il été choqué au début, mais maintenant il en avait l'habitude
peut-être t'attendais-tu à de la terreur dans son regard, lorsque tu lui tournes son visage : mais lui ne t'offrira qu'un regard où des sentiments indescriptibles se mêlent ─ celui où s'exprime sa volonté de ne pas céder malgré les coups malgré les humiliations malgré la violence
blesse-moi autant que tu veux, Knave
insulte-moi humilie-moi brise-moi tue-moi autant que tu veux
jamais je ne deviendrais ce que tu veux que je sois
jamais je ne me soumettrai à ta volonté

Reprend son souffle, et dans tes mains cet objet qu'il avait vu tant de fois ; cet objet qui avait tant de fois rencontré sa peau, qu'il ne connaissais que trop bien, lui et son pouvoir mortifère
de force tu le redresses et ton pieds s'abat sur sa jambe ─ et encore subit, Perceval, serrant les dents, ne pouvant que voir qu'encore et toujours tu te délectais de son martyr à venir
se prépare déjà, Perceval, à recevoir cette douleur cuisante qu'il ne connaissais que trop bien, cette douleur qui lui a déjà tant de fois déchiré la chair jusqu'à ce qu'il n'en reste que des lambeaux
(parfois Perceval se demande si un jour les rôles seront inversés
si un jour tu seras aussi à sa place à subir les coups)

Tu ne prends même pas le temps de finir ta phrase que le premier coup s'abat, suivi d'un autres et d'encore un autre à l'infini sans arrêt, sous les cris qui bientôt se muent en hurlements, triste supplication masquée que jamais tu n'entends
Ploie sous les coups, Perceval, tente misérablement de se protéger de ta furie dans un étrange réflexe ─ mais c'est vain, et les coups ne cessent de pleuvoir alors que bientôt il  se couvre de sang, que son torse comme son dos ne sont plus que vermeil où les blessures nouvelles comme anciennes se croisent et s'entrecroisent
ne saurait dire, Perceval, si son corps entier avaient subit la morsure du fouet, tant tout devenait indistinct et que la douleur seule faisait office de sens, se propageant dans tout son être tel un venin
Peu à peu les hurlements s'affaiblissent alors qu'il sent, Perceval, que sa conscience vacille ; que la pièce devient floue et que les mots que tu peux prononcer peu à peu deviennent lointains ─ mais pas suffisamment pour qu'il puisse entendre tes dernières phrases
ah Knave, pourquoi ne me tues-tu pas maintenant, si tu en rêves depuis si longtemps ?

Glisse de plus en plus vers ces noirs abysses ces affres de l'inconscient qui semblent soudain si attirants et si chaleureux ;
s'atténue la douleur alors qu'en écho résonnent et se mélangent mots et coups, que tout devient indiscernable et trop brouillé pour l'être
et finissent par se clore les yeux, ne pouvant supporter plus longtemps les atrocités dont ils étaient témoins