Quand tout va mal, quand le mal est fait, quand le sourire n'est plus, quand il ne t'est plus adressé, tu t'enfuis. De tes petites pattes, tu prends la poudre d'escampette, glissant dans la neige. C'est une fois certaine que tu n'es plus à portée que tu te transformes, que tu reprends une apparence normale, que les habits trainant au gré du vent se répandent entre tes doigts avant que tu ne les attrapes, que tu ne les revêtisses. Glissant une boisson dans ta gorge, tes cheveux d'un verdâtre digne des plus grands joyaux émeraude se teignant d'un magnifique rose cerisier, tes oreilles en faisant tout autant, ta peau blanchâtre digne des flocons se posant sur ton nez. Levant ton museau, humant l'air ambiant, frais, scandaleusement frais.

Ta carcasse arrivant jusqu'au tabouret, quand tes pupilles se perdent dans la vitre, le vitrail surplombant ton antre, t'inondant d'un rayon qui te fait plisser les yeux. Le soleil n'est que tromperie, la lune mériterait de dominer ce monde noir. Des doigts tendus dans un vain espoir de le faire disparaître, cet immonde soleil, ce traître. Mais tu devais te préparer, tu devais te remettre sur pied, péniblement, un pas après l'autre, encore et encore, malgré la fatigue qui courbait ton dos, encore et encore. Aujourd'hui, un grand homme venait dans ta boutique, dans ton antre, tu te devais de faire en sorte que tout soit parfait. Malgré son air de dégoût qu'il auras sur le visage en te voyant.  

Tu te débarbouilles le visage, eau froide si froide qui te fait éternuer une fois, deux fois avant tu n'essuies l'eau encore dégoulinante qui s'apprêtait à glisser dans ton cou. Et tu attends, sur ce tabouret, fixant ce bloc de glace qui attendait, patiemment, tout comme toi, l'ombre d'une lumière argenté qui nimberas ton antre de joie.     agora

Un coup. Le cœur qui tambourine.
Un second. Le sourire qui fleurit jusqu'au n'oreilles.
Le troisième. Tu es déjà à la porte pour lui ouvrir. (ton coeur)

— Bonjour Xian. J’espère que je ne suis pas en retard.

Une voix que tu conserves précieusement dans ta mémoire, une voix que tu ne souhaites jamais oublier tandis que tes doigts se délient pour lui laisser le passage, tandis que ton corps se déplace d'un pas sur le côté et se tourne à moitié. Qu'il puisse marcher, de son pas aérien que tu connais si bien, tandis que tu refermes la porte (l'espoir). Point dupe que sous sa courtoisie se cache son dégoût à ton égard, toi, lapine qui fait quelques pas guillerets jusqu'à la montagne de glace qui trône ici-bas.

Posant la paume sur la froideur d'une glace éphémère, laissant le soin à la Lune de s'assoir où il souhaitait (pariant sur le tabouret), laissant le soin de conserver son choix, son libre arbitre. Ton regard qui se perd dans les fines striures, des fils se reliant les uns aux autres pour former un violacé presque rougeâtre dans ce bleu sinistrement froid.

Ta main qui s'enlève de cela tandis que ton regard en fait tout autant, tes pupilles papillonnant vers ton invité en sifflotant un petit air de comptine pour enfants. Tout du moins, tu le pensais. Laissant la dernière note sortir de ta gorge avant de prendre les commandes :

_ Yueqiu. Que souhaites-tu comme oeuvre en ce jour ? Plutôt lapin ou lapin ? Ou bien peut-être souhaites-tu une fontaine, des fleurs ? Autre chose ?

Sans même prendre le temps de respirer, débitant un flot de paroles avant de devoir prendre un souffle, unique. Lui laissant (peu) le temps de te répondre. Réponds-moi.
agora