c’est parce qu’il a dit bête, vous bête c’est parce qu’il a dit
chien enragé. il a dit « chien enragé » dans le souvenir. il l’a dit clairement.
piqué à travers une ronce. il n’y a que du rouge, du sang mais pas de larmes,
pas de pleurs. pas de doutes, insensibles vous l’êtes mais à ses mots non.
parce que c’est le valet, ami. soldat. parce que sa volonté pour la reine gronde.

il y a eu ces gens. envoyés de lucifer le grand, ils ont
peut-être crié à l’intérieur. il y a ceux qui ont peut aussi, peur
de quoi ? de tout. peur d’exister comme vous, peur de blesser comme vous
peur de mourir comme les roses. elles finiront par faner,
se taire, vous dites elles vont finir par
pourrir. moisir. flétrir.
mais si elles le font elles ne repousseront pas (plus)
il n’y aura plus de printemps si vous ne les chérissez pas
il n’y aura plus d’amour à leur porter et là, il n’y a déjà
plus d’amour à vous porter peut-être.

ça fait si mal à l’intérieur. pourtant valet,
ce n’est pas de sa faute. même vous auriez peur, s’il était là,
vous pourriez l’effleurer ça serait effrayant cette impression
de le toucher de trop près comme tout le monde.
vous avez dit on ne veut pas blesser,
pas blesser juliette, pas blesser anaël ni milo,
ni même lui, bandersnatch : vous ne voulez pas faire le mal.

le croquemitaine a fait faner vos roses. désormais noires
désormais closes, désormais sèches
dans le coeur rouge qui éclate il y a des ronces qui
s’emmêlent veut se (vous) vous protéger
une part de vous ailleurs, ailleurs lointain,
ou nulle-part. peut-être dans le lac là-bas
peut-être dans les lettres perdues. les feuillages ont dévoré
dévoré les côtés. la songe a ratatiné l’âme
(souvenirs)
de rires de blagues. dans les sentiers vous disiez
courir, jeter, découvrir
ici a toujours été la maison,
mais si elle n’était pas là ?

où est-ce que
vous - vous pourriez aller ?

si la maison devenait une zone de terreur,
alors qu’est ce que vous deviendriez, vous même
vous ne savez pas réellement; tout est un peu trop flou
tout est un tourbillon de ténèbres obscures
où tout est trop sombre alors vous vous souvenez
ce tourbillon dans lequel vous êtes pris
incommensurable et gigantesque, cruel.

vous pourriez vous questionner, vous
plaindre de ce boulet cruel que vous tiraillez
à la cheville bien lourd. le valet a dit pourtant,
c’est ainsi et rien ne changera
tout comme rien n’a jamais changé
et douter de ses mots vous effraie,
vous pouvez l’admettre

vous êtes perturbés par l’intensité des questions,
l’intensité des mots ce qu’il a parcouru
jusqu’ici, vous vous rappelez de ce tintement
qui lentement s’approche,
de cet attirail qu’il aborde, a abordé
depuis quelques temps maintenant.
qu’en est-il de lui depuis que sa lettre vous est parvenue ?
vous ne pensiez pas de si tôt le revoir,
vous ne vouliez pas le revoir ; vous saviez aussi,
si vous ne vouliez pas le revoir, c’est parce que depuis le lac,
depuis le bord de l’eau jusqu’ici, vous avez accumulé
et admettre que tout cela vous a affecté
c’est admettre qu’il avait raison de vous traiter de bête.
mais vous n’êtes pas une bête, ni un chien enragé,
vous aimeriez qu’il le perçoive,
chez vous - chez tout ceux qu’il rencontrera.

vos pas silencieux sur les sentiers esquivent les petites pierres,
les insectes qui se multiplient et vous pivotez vers lui,
n’étiez pas même bien loin de l’entrée
(il l’avait demandé)
si c’est son regard que vous croisez,
vous l’évitez de nouveau à la suite
il n’a pas besoin de le voir, de l’entrevoir ou de le percevoir
il n’a pas besoin de distinguer cette lueur terrifiée
et il peut bien vous blesser maintenant,
ça n’a plus d’importance.

pourtant c’est toujours si duveteux sa présence,
dans sa colère, vous ressentiez presque de la peine
mais aujourd’hui il n’y a rien qui s’échappe,
les battements de son coeur son sinueux
et comme des gouttes de pluie qui glissent de la
feuille jusqu’à la terre, vous interprétez le silence
vous n’étiez pas persuadé qu’il reviendrait
après cinq jours de pluie.