Comment cette situation avait-elle pris forme, déjà ?... Il ne restait à cette heure tardive que de brefs souvenirs de verres enchaînés, suivis de bouteilles bues au goulot, parce que la flemme. Mais pourquoi la panthère s’était-elle mise à boire autant ? Bonne question, elle ne s’en rappelait plus. Peut-être que la gueule de bois du lendemain matin, au réveil, lui rappellera la raison de son état d’ébriété exceptionnel. Néanmoins, il avait encore la nuit et quelques conneries devant lui avant les remords et les maux de tête assommants.

En bref, ne cherchons plus le pourquoi du comment.

Pour une fois, Myst se sentait sur son petit nuage, berné par l’alcool et l’entrain de Simon. Ah oui, j’avais oublié de préciser : ils étaient deux imbéciles dans cette démarche de « enchaînons les verres rapidement, c’est marrant » - ne reproduisez pas cela chez vous.

Simon, aussi rincé que son camarade de beuverie qui s’affalait doucement sur le bar, s’en alla faire on-ne-sait-quoi avant de réapparaître avec une fleur entre les dents.

Myst explosa de rire, avant et pendant que Simon le menait d’un pas maladroit sur la piste de danse. Le monsieur bicolore souhaitait enseigner quelques pas, comme c’était intéressant. Le noiraud calma son rire pour dessiner un fin sourire amusé.

- D’accord monsieur le beau professeur, faites moi rêver hihi~ pouffa-t-il telle une hyène, tout en ne lâchant point les mains de son partenaire.

Le tango, n’est-ce pas ? Myst avait déjà vu cette danse exécutée une ou deux fois… Peut-être. Tournicotant un coup, suivis de quelques pas, il tournicota à nouveau avant de se retrouver dos contre Simon. C’était pas fifou de tourner sur soi-même une fois plein. La vision de Myst tanguait un peu. La scène était d’un ridicule...

- Buh, Mec, tu danses comme un pied, hic !! J’ai l’impression d’être sur un paquebot ahahahah !

Ah la la, on ne le reconnaissait plus.

La belle mélodie du petit orchestre encadrait cette peinture aussi grotesque qu’absurde. Simon laisse filer un rire éclatant à son tour avant de continuer à mener la danse avec maladresse. Il aurait pu trébucher une bonne dizaine de fois, mais monsieur tenait bon la barre. De temps à autre, Myst tirait sur ses bras pour empêcher son partenaire d’embrasser le plancher de bonne poire.

Irrécupérable et torché, quelques murmures appétissants tombèrent dans l’oreille de la panthère qui étira un large sourire de satisfaction.

- Des canons comme vous, on en voit pas à tous les coins de rue, hic ! Je suis tout émoustillé.

Le noiraud ne retint pas quelques pouffements amusés. Entre des gestes maladroits qui se voulaient assurés, Simon semblait aussi en peine que lors d’un premier cours de patin à glace, luttant désespérément de ne pas s’étaler comme une crêpe. Finalement Myst le réceptionne à nouveau, enroulant ses bras autour de lui pour le faire tenir debout - il ne savait plus trop où mettre ses mains aled.

Tellement de dignité à tenir, cet homme, c’était magnifique.

- Ohohoh, vous allez me faire rougir… Vous êtes beaucoup trop mignon, fufufu. Laissez moi vous guider ~

Pourtant, le rouge s’était déjà peint sur ses joues et son nez depuis longtemps. Pompette, il vint déposer un fin baiser sur les joues de Simon avant de poursuivre la danse.

Ni une, ni deux, alors que le décors ne cessait de bouger et les lumières brillaient de mille étoiles dans les yeux de la panthère, cette dernière entreprit de faire valser Simon une dernière fois. Quelques pas élégants, des gestes amples, de la souplesse, des pieds écrasés et des chevilles percutées… Seule des réflexes et quelques neurones le faisaient encore tenir debout.

Mais une dernière réception de Simon, suite à l’un de ces fameux tournicouti, fit exécuter un propre croche-pied au noiraud. Il tomba en arrière pour s’éclater au sol, exploser de rire. Hilare, ses abdos faisaient mal. Bourré, il sentait que son ventre n’était plus au meilleure de sa forme.

- Oh purée, j’arrive plus à me lever ahahahahaha. Je crois que je suis… CLOUÉ AU SOL AHAHAH.

Bref.

S’il se voyait, le Myst de tous les jours se serait collé une bonne paire de baffes. Étendu en étoile de mer sur le parquet peu ragoûtant du bar, le ridicule était devenu son meilleur ami le temps d’une soirée. Heureusement - ou pas - ce dernier ne tuait point.

Incapable de se relever, c’est un Simon rieur qui vint s’allonger à côté de la panthère. Myst calma son euphorie passagère pour observer, de ses yeux ambrés, le jeune homme qui prenait place à ses cotés. Le noiraud ferma ses yeux par réflexe alors que l’on venait simplement lui toucher du doigt sa pommette rougeoyante. Entre le bisous adorable et la tête de Simon posée contre son épaule, Myst ne put s’empêcher de rougir. Il tourna légèrement la tête dans le sens opposé tout en cachant la partie basse de son visage d’une de ces mains.

- Toi aussi t’es tout rouge d’abord… hic !

C’était mignon, mais toujours aussi ridicule. N’oublions pas qu’ils étaient toujours par terre, dans un bar, sans doutes entourés de personnes aussi pétés qu’eux.

- Vraiment, t’es un mec sympa et marrant… Ça change de… De… De ces abrutis prétentieux qui se croient au dessus de tout gah !

Rien que de penser à certains curieux personnages croisés lors de son fabuleux séjour à Wonderland, Myst ne put s’empêcher de faire une moue et de serrer les poings contre lui, tel un enfant boudeur.

D’ailleurs un moment de lucidité s’empara de son esprit plongé dans le brouillard. Il tourna la tête vers Simon, l’air curieux et interrogateur.

- Au fait… t’es qui ? Hic !

La question était sortie de sa bouche d’une manière si simple et évidente qu’elle pourrait trancher du beurre. Myst gigota les mains.

- Enfin, je crois que je ne sais plus comment tu t’appelles et tout quoi !

Quel comédien dans l’âme, ce jeune homme. Sa maladresse, son air de dramaqueen… il était si divertissant à observer, un véritable spectacle à lui tout seul. Sa voix de crécelle tambourinait les tempes de maux de tête, mais cela n’empêchait pas la panthère de rire aux éclats encore, toujours.

Le bicolore avait bien du courage pour trouver la force de se relever et de se tenir fièrement debout. Myst, toujours au sol et le dos en compote, paraissait admiratif dans cet état d’euphorie et d’ébriétés

Simon Lecomte, Lecomte Simon… Le noiraud se le répèta de nombreuses fois dans son esprit pour le mémoriser bien que l’alcool nuisait au bon fonctionnement de ses synapses. Myst attrapa cette main tendue et se releva un peu trop rapidement, faisant à nouveau tournoyer le monde autour de lui.

C’était amusant, si amusant, bien plus que le cirque, bien plus que les clowneries qu’il entendait à longueur de journée.

Le grand gamin s’empara soudainement des deux mains de son camarade de beuverie, les faisant danser dans tous les sens - il n’avait plus aucune honte à montrer son côté imbecile heureux aux client.e.s présent.e.s dans le bar.

- Meowi ! Tu es méga trop gentil Simoniaque ! J’ai pas un rond hic ! Mais j’ai trop envie d’essayer des costumes ! Hic ! Puis c’est mieux d’avoir de beaux vêtements pour danser.

Se fichant bien de savoir si la consommation avait été payée, Mystembarqua Simon en dehors du bar, le pas léger, le faisant vagabonder dans les rues aux milles bars de la cité de la peur.

Il arborait un sourire enfantin et des yeux rieurs, comme jamais il ne lui était arrivé d’en afficher sous son côté sobre. Fort décalage avec l’ambiance lugubre de l’endroit. Avançant au pifomètre, il était à la recherche d’une devanture prometteuse.

- Par contre, je n’ai aucune idée de là où nous sommes... hm… boutique ! Boutique ! Petite boutique, viens par iciii ? Chantonna-t-il complètement pété.

Espérons qu’ils ne tomberaient pas nez à nez avec des gens trop louches… Ah ! Mes excuses, il n’y avait que des gens louches à Halloween city. Enfin même ivre, il n'était pas dur de gniaquer des gens louches sous sa forme de gros chat.

Myst, ne s’attendant point à ce qu’on l’interrompe dans sa joyeuse balade, hoqueta de surprise lorsque son comparse lui intima le silence pour mieux écouter l’appel des boutiques. Joyeux luron qu’il était, le noiraud ne put s’empêcher de pouffer aux paroles tout aussi absurdes de Simon.

Ils vivaient réellement sur une autre planète, cela en était ridicule. Mais la honte et le regret pouvaient bien encore attendre un peu. Il était déjà assez compliqué de poser un pied devant l’autre, avant de penser d’ors et déjà aux conséquences de cette soirée arrosée.

Ce fut la devanture d’un magasin fermé qui brisa en mille morceaux sous le poids de la bêtise du styliste et les applaudissements de l’acrobate. D’une pierre, la porte des possibilités s’ouvrit à eux. Dans un silence béat et admiratif, Myst suivit Simon à l’intérieur du local et se pressa de chiper quelques premières affaires. La situation qui s'imposait lui plaisait de plus en plus.

- Il y a tellement de vêtements, c’est incroyable ! Je rêverais de pouvoir en porter des différents, hic ! Regarde comme ils sont fringants ! J’en ai marre de cet accoutrement de clown…

D’abord agacé, un fin sourire vint finalement étirer les pommettes de la panthère. Un défilé, voilà une cachotterie des plus plaisantes. Myst tapota le torse du jeune homme du bout du doigt, amusé.

- Je vais t’épater, tu vas voir ! D’ailleurs, tu devrais t'asseoir. Au cas où tu ne tombes à la renverse. Hic. Annonça-t-il avant de disparaître derrière le rideau d’une cabine d’essayage.

Myst ne put s’empêcher de chantonner, la boutique vide étant bien triste sans la musique des bars.

De nouveau, Myst tira le rideau pour montrer sa belle tenue, quitte à en sacrifier les cintres de la cabine - difficile de mesurer sa propre force. Il ricana tout seul avant d’avancer avec une certaine agilité, le pas léger. Sa cravate était mal nouée et son chapeau glissait de ses cheveux. Une manche était retroussée pour plus de confort, mais la deuxième, oubliée, pendouillait sur sa main. Encore heureux, il n’avait pas inversé chaussure gauche et bottine droite.

- Je crois - hic - Je crois que j’ai déchiré l’une des chemises, mais qu’est-ce qu’on s’en fiche. Alors… Comment qu’tu m’trouves ?

Manquant de se faire deux ou trois croche-pieds à lui même, Myst entama son petit défilé. Quelques pas en avant, quelques pas en arrière. Petite révérence. Moustaches et queue félines apparaissant par manque de patience. Oupsie.

- Mais allez, là ! Dis moi ! Je fais pas un assez bon cavalier, c'est ça ?! Réponds moi ou je vais pleurer...

Sursaute lorsque le câlin brocanbolesque s’imposa à lui. Myst avait l’impression qu’on le secouait dans tous les sens, mais le peu de mots qu’il parvint à déceler le fit rougir d’embarras - d’autant plus qu’il n’était pas tellement habitué aux compliments sincères. Ah que l’alcool rendait bien plus sensible. Bien plus idiot aussi.

Il troqua son expression un tantinet surprise par un sourire narquois et joueur, réajustant le peu de cravate correcte qu’il portait et vissant son chapeau sur sa tête, malgré ses oreilles.

- Ça roule, ma poule ! Prends les meilleurs clichés qu’il soit !!

Entre les poses ridicules et suggestives, il n’y avait parfois qu’un pas. Prenant son rôle de top model un peu trop à cœur, il ne s’en rendait pas spécialement compte, faisant quelques figures souples et maladroites à la fois.

Arrachant une belle écharpe de son cintre, Myst l’enroula sur les épaules de Simon avec grâce.

- Ce n’est pas drôle si je suis tout seul à me déguiser. Puis ca serait sympa de trouver une belle tenue pour votre crushounet ? Noooon ?

Impossible de résister à pareil charisme, Myst se laissa porter entre les rayons chargés de la boutique comme si de rien n’était. Les commerçants devraient vraiment revoir la sécurité de leurs locaux, cela laissait vraiment à désirer.

Quelques habits originaux au bout des bras, Simon s’en alla se cacher à son tour derrière les rideaux d’une cabine. La panthère se tint debout, tant bien que mal, piquée par une somnolence de plus en plus présente. La nuit ne promettait plus d’être aussi longue.

Sa mâchoire lui arracha même un bâillement, malgré la curiosité qui embêtait son esprit. Il voulait savoir. Il voulait voir. Voir le grand Simon dans ses beaux habits. Rêver un peu dans cet état second. Continuer de se sentir privilégié et apprécié. Myst adorait cette attention qu’on lui accordait depuis quelques heures sous couvert de quelques bouteilles bues à grandes gorgées.

L’attente parut interminable. Mais son apparition réveilla un temps soit peu la panthère. Le sourire jusqu’aux oreilles, elle mima de nouveau un appareil photo avant de pouffer.

- T’arrives pas à marcher avec des talons ? T’es nuuuuul, mais charmaaaaant. Non marrant. Oulalala...

Myst tendait les bras par réflexe, au cas où le jeune homme ferait une mauvaise chute - sans se douter un seul instant que lui aussi tomberait comme une feuille.

Puis finalement, il attrapa les mains de son camarade ivrogne pour l’inviter à danser à nouveau, les paupière lourdes, ne retenant plus ses bâillements. Rien que de penser à ce mot, il en baillait. Encore.

- J’ai envie de danser encore un peu avec toooooi… S’il te plaiiiit.

Il sortit ses grands yeux de chat adorable. Égoïste, il redoutait le moment où il allait s’endormir pour ne peut-être plus revoir Simon avant longtemps ?