la nuit tombée des souris musardent au palais - si ce n’est des rats. osu les voit parfois - souvent lorsqu’il s’éveille et se lève, innocemment assoiffé. toujours il s’en va boire aux cuisines à l’autre bout de l’aile ouest - comme si promener dans l’obscurité n’était pas dangereux, comme s’il s’amusait au fond à défier toutes les ombres - et s’il lui arrivait quelque chose ? il songe - et s’aventure le pas léger - là que les petites silhouettes passent puis disparaissent. tenaces, sans cesse : elles hantent les angles-morts d’osu.

ce soir encore - là !
au détour d’un couloir, filant direction l’un des nombreux salons à prendre le thé sinon le sang - sur le parquet les griffes minuscules cliquètent distinctement - du sommeil au coin des yeux mais sans attendre, osu se met à jouer à chat ;
s’élance et le rongeur soupçonné détale aussitôt
alors à son tour, il entre et s’invite.

plus lentement passé le seuil des lieux déserts -
cœur battant presqu’à ses lèvres - de l’euphorie,
quasi-nausée.

où t’es passé.e.

parmi la pénombre alentour osu s’avance. il rase les murs car c’est au creux d’eux que les nuisibles vont se cacher - il l’a vu dans les dessins-animés - une seconde se sent l’espoir d’attraper l’un des leurs, enfin ; il aimerait.
il ignore ce qu’il en ferait.
peut-être qu’il s’en occuperait comme on fait les animaux de compagnie, un simili-chien fidèle - il dresserait la bestiole, lui apprendrait deux trois tours, lui raconterait deux trois secrets. ou peut-être pas.
c’est que ça mord.
moins fort que lui-

dessous une table ça cavale et
toutes ses poches lestées d’un tas de jolies pierres jusqu’à celles des pyjamas - dans celles-là lui pioche vif - et vise,
et lance, un projectile suivi d’un second
mais rate sa cible. l’enfant persiffle
vexé qu’on ose l’esquiver - ça fait rien,
je viens te chercher- sous la tablée, seulement
les angles du corps fluet s’agriffent aux textiles -
et voilà comment.

voilà comment tu le trouves, après qu’il ait fait un vacarme
à trop vouloir jouer à chat.

la nappe éployée devant lui, tout ce qui trônait dessus elle par terre désormais - il y avait de la vaisselle vu le millier de bris porcelaines - ses œillades rondes en te voyant surgir et sur le moment, il se surprend à brûler de fondre en larmes,
que cela t’épouvante et que tu l’approches très inquiet,
toi, clay- tu ne lui espères rien ? de cassé, je sais pas-
mais il ne souffrait pas assez pour pleurer tout à fait.
... j'avais soif. et c'est tout.

ses iris de plomb s’ancrent alors aux tiens
tandis que tu redresses son poids-plume - même quand tu l’affliges de conseils et de reproches à la fois - même quand tu te détournes pour admirer ailleurs :
de ses hauteurs lui te contemple.

avant de s'observer soi, l'air de se scruter quelque chose - là !
et il accourt te montrer - te tend ses paumes ouvertes
dans tous les sens du terme car il les avait abîmées.
je me suis fait mal - là. regarde !
regarde- regarde-moi clay.
oublie les corvées.

rien que des éraflures, en surface mais cela jure -
c’est qu’il a le teint si pâle, diaphane fait qu’un soupçon de geste brusque suffit à le marquer d’amarante - et puis, l’hémoglobine a de particulier qu’une goutte parait une flaque ; cela s’étalait mieux que n’importe quelle encre écarlate.

ses coloris - noir et blanc, constamment - tranché d’un seul contraste : l’unique touche cruor au creux de ses deux paumes et il s’accroche à tes regards, leur cherche ne serait-ce qu’une toute petite lueur attentive et lorsqu’il te les constate moins sévères, osu s’en ravit secrètement.
en silence se voulait considéré comme un enfant par toi.
à ce moment-là qu’il lui plaît d’être sage
docile en murmures, d’accord…
et puis te suit.

osu n’était plus un bambin depuis des lustres désormais
mais tu le surplombais de beaucoup et dans tes ombres il faisait bon de se montrer immature - de se laisser guider jusqu’aux vasques et même d’hésiter une fois devant elles, comme s’il fallait que tu lui ordonnes tout. c’était ainsi qu’osu s’acclimatait aux adultes et les apprivoisait en retour : selon la manière dont ils s’occupaient de lui, lui déterminait ensuite comment se comporter avec eux. comment louvoyer à leurs cotés voire se glisser dessous leur peau parfois.
avec toi il oscillait encore.

se nettoie gentiment les mains à l’eau claire comme promis
et s’écarte du lavabo quelques secondes après ça - te dévisage
avant d’y revenir à nouveau suite au clin d’œil - ses doigts serrés les uns contres les autres, forment un puit minuscule qu’il remplit au robinet, afin de le porter à ses lèvres et boire enfin. ses plaies filaient un peu de sel aux gorgées ; il avait l’impression de s’abreuver des larmes.
du revers de sa manche, s’essuie la bouche - coupe le jet finalement.

demi-tour et il te tend le résultat : ses écorchures délavées en évidence, semblaient roses à présent et ne saignaient plus vraiment. c’est quand je me suis relevé, grâce à ton aide, c’est parce que je me suis appuyé et qu’y avait des bouts de verre. mais il n’en avait pas dans l’épiderme visiblement alors, il ramène les quelques entailles à lui - te détaille gentiment.
… sinon rien.
rien à te révéler ni t’avouer - pour l’instant - et toi tu fais quoi ? par-ci par-là, à l’identique. s’il te demande c’est qu’il devine plusieurs réponses. tu travailles ? ou t’arrives pas à t’endormir. les deux peut-être. tu vas le dire ? un temps. que j’ai cassé la théière… ses œillades insistantes sous-entendent qu’il en doutait, discret - et il ajoute, j'ai pas fait exprès. au cas où tu t'interrogeais.