Si rien n'avait marché tu serais très certainement morte. Mais ça, il le sait Percy. C'est peut-être justement parce qu'il le sait qu'il aurait trouvé l'idée plus stupide que brillante. Bien évidemment, t'avais eu conscience des risques. Mais ça te semblait peu chère payer en comparaison de ce que seraient vos vies en cas de réussites. Ouais, t'aurais très certainement été condamnée, amenée sur l’échafaud pour trahison. À la place tu réponds.

— J'aurai fait ce que j'ai toujours fait : je me serai battue.

Tu braques ton regard vers lui, intransigeant. C'est ce que tu as toujours fait. Ici comme dans la vie d'avant. Ce que tu feras probablement s'il a cette vie il y en avait une suivante. Parce que c'est ce que tu sais faire de mieux, probablement la seule chose que tu sais faire de bien. C'est ce que tu penses, du moins, quand tu vois les gens s'éloigner, quand tu constates que des siècles ici ne t'avais jamais permis de garder ne près de toi ne serait-ce qu'un ami.

— Je me serai battue jusqu'à la dernière seconde et je n'aurai eu aucun regret. J'aurai peut-être même gagné. Je suis incroyable, quand je veux, tu devrais le savoir.

Tu lui glisses un sourire (tes lèvres te semblent de plomb), même si les circonstances ne te semblent pas vraiment propices pour de l'humour. Tu te doutes qu'il n'a probablement pas la force ou l'envie de rire de ton entêtement, ni même de s'en sentir ému. Mais ce serait peut-être pire de lui mentir, Percy te connaît, Percy sait que même dans la défaite il te faut une victoire, que même si le plan échoue jamais, au grand jamais, tu ne te rendra.

J'essaierai.

Tu t'en contenteras, c'est déjà plus que rien et au stade où tu en es, c'est d'un réel réconfort. J'essaierai, ça veut dire qu'on peut essayer de fonctionner à deux, de s'en sortir à deux. Cette idée te rassure. Tu reprends la bouteille, bois trois gorgées à la suite. Tu sens son regard sur toi. Tu ne sais pas comment lui dire. Tu bois. Ah, tu sens que ça chauffe, parfait, tu pourras mettre ça sur le compte de l'alcool si ça foire. Tu continues.

— Ce que je veux dire par là c'est que t'embrasse super bien.

Formidable, Romane.

— Et je sais plus trop comment on peut appeler quelqu'un qui embrasse super bien et qu'on serait pas contre qu'il nous embrasse encore. Surtout que ce quelqu'un a toujours été plus ou moins là, qu'on a fini par plus vraiment considérer notre vie sans l'avoir dans le paysage mais qu'on s'en est vraiment rendue compte que quand on a failli vraiment le perdre.

Tu lui tends la bouteille l'air de rien.

— C'est ce genre de je sais plus trop où on en est.

La bouteille glisse de ta main à celle de Perceval, de la main de Perceval à la tienne. Si tu avais des doutes, tu sais à présent qu'elle ne survivra pas à vos confessions. Tu n'as pas peur d'être rejetée, dans un sens, t'as peur de pas grand chose actuellement. Tu ricanes, chopes la bouteille à ton tour avant d'en boire une gorgée et de la lui refiler pour te laisser tomber sur ton lit. Tes jambes battent l'air, ton regard se fixe au plafond.

— C'est surtout la seule déclaration que t'as jamais entendue.


Tu ricanes, l'attaque a toujours été ta meilleure défense. La meilleure parade pour éviter que tout devienne gênant, pour éviter de poser la question de trop. C'est pas comme-ci tu t'attendais à ce qu'il te réponde, Percy. Tant qu'il ne dit pas ouvertement non, tu entends un oui. Lentement tu glisses ton regard sur lui. Est-ce que tu peux me promettre de ne jamais m'abandonner ? Il demande. La question te surprend, mais tu ne lui fais pas l'affront de lui demander pourquoi.

— Je peux.

Tu te contentes de répondre, fixant le plafond.

— Je peux et je vais.

C'est bizarre, tellement solennel, sérieux. N'avez-vous jamais été sérieux avant l'infirmerie ? Tu te redresses, un peu en retrait, glisses derrière lui tes bras autour de ses épaules.

— Je ne t'abandonnerai jamais.

Tu n'as pas besoin de promettre, ce que tu dis tu le fais. Pourtant autant tu hésites à lui demander de faire pareil. En a-t-il la force ? L'envie ? C'est une chose d'être butée comme toi, d'être un feu insolent mais peux-tu attendre de lui le même entêtement quand tu l'a vu aussi fragile ? Tu aimerais, la vérité, c'est que ça te semble un minimum qu'on t'accorde la même dévotion que tu en accordes aux autres.

Et toi ?

La question brûle à tes lèvres mais tu demandes à la place.

— T'as changé de shampoing ? Ça sent bon. J'aime bien.

T'es courageuse, mais des fois t'es lâches.

— Tu m'as manqué, Percy.

Mais juste des fois.