au début, tu as refusé. tu ne voulais pas qu'harmonie se mette en danger, et halloween city était sans doute l'endroit le plus dangereux de tout wonderland, alors il était hors de question que tu le laisses y aller. mais il a insisté, et tu as du mal à lui dire non – tu n'aimes pas qu'harmonie soit triste, et encore moins à cause de toi. et puis, il aurait pu se mettre en tête d'y aller sans toi, et tu n'aurais rien pu faire pour le protéger.
alors, finalement, tu as cédé.
maintenant que vous y êtes, tu regrettes un peu. tu jettes des regards méfiants partout autour de vous, et tu te tiens aussi proche d'harmonie que cela t'est physiquement possible, prêt à t'interposer entre lui et tout danger qui pourrait surgir d'une allée ou d'un bâtiment délabré.

c'est toi qui voulait venir ici, répliques-tu quand harmonie fait remarquer le manque de luminosité des lieux. on devrait...

rentrer, tu allais dire. tu es interrompu par l'arrivée soudaine d'un individu louche au sourire plein de dents pointues. le type ne t'inspire pas du tout confiance, et tu serais d'avis de partir immédiatement, mais harmonie, doux, naïf harmonie, engage la conversation.
et s'enfuit en courant quand l'inconnu se révèle aussi peu fréquentable qu'il en avait l'air.
alors tu n'attends pas. tu traces après lui sans te retourner, le cœur battant comme un tambour au rythme fou, effréné, à l'idée que tu pourrais le perdre dans une de ces ruelles beaucoup trop sombres et étroites – c'est qu'il court vite, harmonie, quand il veut.
tu arrives devant une porte, fer forgé, grande ouverte, et de l'autre côté des tombes. le cimetière. c'est glauque, putain harmonie qu'est-ce que tu vas faire là-dedans ? mais tu le suis, bien sûr, et tu erres entre les pierres tombales jusqu'à le retrouver, enfin.
tu t'accroupis à côté de lui.

ça va ?

la réponse paraît évidente, il suffit d'écouter son souffle court et de regarder ses grands yeux effrayés. tu soupires.

c'est pour ça que je voulais pas qu'on vienne.

tu aurais dû dire non, voilà tout.

c'est plutôt rare que tu regrettes des choses. en général, tu n'as pas de regrets, parce que tu te fiches des conséquences que peuvent avoir tes actes, que ce soit sur toi ou sur les autres. mais quand il s'agit d'harmonie, c'est différent. parce qu'il est important.
et il pleure à cause de toi, parce que tu as échoué à le protéger.
alors tu regrettes, tu regrettes amèrement ; si bien que tu aimerais avoir le pouvoir de remonter le temps pour empêcher ce qui vient d'arriver. ou peut-être devrais tu revenir plus tôt, bien plus tôt, au moment où vous avez décidé que mourir ensemble était une bonne idée. qu'est-ce que c'était idiot de ta part, hoshiko. toi, ta vie ne valait pas grand-chose, mais de quel droit as-tu décidé que tu pouvais prendre celle d'harmonie, l'emmener avec toi dans ta chute ? égoïste.
mais ce qui est fait est fait. les morts ne peuvent pas revenir à la vie. et toi, tu ne peux pas effacer les angoisses et le chagrin d'harmonie, peu importe à quel point tu le souhaites.
(en fait, tu peux, c'est juste que tu as oublié, parce que tu t'en sers si peu que des fois tu ne te souviens pas que tu as un pouvoir, maintenant – il te suffirait de le frôler et tout disparaitrait)
tout doucement, tu tends la main et essuies les larmes qui coulent sur les joues d'harmonie. tu ne le fais pas exprès, quand tu fais taire ses émotions. c'est inconscient – si tu y avais pensé, tu lui aurais demandé son avis avant d'utiliser ton pouvoir pour l'influencer, mais tu n'as pas réfléchi, tu voulais juste l'aider.
l'apaiser.
et tu as réussi (mieux que tu ne l'attendais avec une simple caresse sur la joue) mais est-ce vraiment une bonne chose ? est-ce que, finalement, tu n'as pas fait qu'empirer encore les choses, hoshiko ?

harmonie ne pleure plus. c'est une bonne chose, non ? et oui, peut-être que son expression est un peu vide, comme si son corps était toujours là mais qu'harmonie, l'esprit d'harmonie, était parti. mais ça ne doit rien être de grave, après tout, cela arrive à tout le monde d'avoir l'air un peu inexpressif, non ?
sauf que là, tu regardes le visage d'harmonie et tu as l'impression de voir ton reflet dans le miroir, le manque d'émotions écrit très clairement sur son expression, et tu trouves ça inquiétant. ses mots n'arrangent rien, au contraire, mais c'est là que tu comprends. si on dirait qu'harmonie ne ressent rien, c'est parce que c'est le cas.
tu le serres dans tes bras.

c'est rien, t'inquiètes pas. je vais réparer ça.

ah oui, hoshiko ? et comment ?
tu essaies de penser très fort à arrêter, à rendre ses émotions à harmonie. rien ne se passe. tu as beau te concentrer, ton pouvoir n'en fait qu'à sa tête, et plus les secondes passent, plus tu angoisses. et si tu n'arrives pas à arrêter, et qu'harmonie reste comme ça pour toujours ? vide ?
et si harmonie devient comme toi ?
ça fait peur, trop peur, et tout à coup tu as une idée. peut-être qu'il faut que tu cesses de le toucher pour que ça fonctionne.

attends. ne bouge pas.

tu lâches harmonie et tu te redresses doucement, reculant d'un pas pour laisser de l'espace entre vous. là, normalement, ça devrait marcher. il devrait revenir à son état normal – pas vrai ?

tu te sens comment, là ?