la crainte de la guerre.

Les cris.
Le tumulte.
Les rugissements.

La clameur d’un affrontement dantesque qui parvint à mes oreilles. Pur hasard ou immense chance que je fus non loin d’eux pour observer ? Aux premières loges de ce nouvel épisode d’un conflit qui avait sans doute commencé bien avant ma naissance… et qui durera probablement pour toujours. Ce n’était pourtant pas mon genre d’être pessimiste. Mais il y avait là deux ennemis qui étaient destinés à se battre jusqu’à la fin des temps à mon sens.

Un ennemi restait un ennemi jusqu’au jour où ils faisaient la paix.
Soyons honnêtes, nous n’en verrons sans doute jamais la couleur.

Moi je fus spectateur dans un premier temps. Mais lorsque cette querelle en alla jusqu’à abimer le palais de ma déesse… je ne pus rester de marbre plus longtemps. Et pourtant, je ne me pressai pas. La tortue prenait son temps, toujours. Elle n’arrivait pas en retard ou en avance, mais toujours à point nommé.

Évitant soigneusement d’annoncer mon arrivée, je restai hors de leur champ de vision dans un premier temps. Il ne me fallut pas longtemps pour m’annoncer alors que sans crainte je marchai vers eux :

─ Bien. Je pense que ça suffira pour aujourd’hui. Je me rapprochai dangereusement de la bête et la lame humanoïdes dont l’existence avait été programmée pour s’affronter ; toujours sans le moindre effroi, mon don prêt à être activé si nécessaire. La cacophonie je peux vivre avec. Les hurlements, les menaces et les provocations aussi. Ce que je ne tolère pas en revanche… et lorsque j’arrivai à leur hauteur, je me plantai volontairement entre les deux créatures, habillée de leur plus simple appareil, concluant mon arrivée ainsi : c’est que vous abimiez le palais de MA reine.

Les mots accompagnés de l’éclair de mes yeux azurés dirigés vers l’épée providentielle. Censée nous débarrasser du dragon de malheur, aurait-elle perdu de son tranchant pour saloper le travail ainsi ? Les mains dans les poches, prouvant ma décontraction et l’absence totale de crainte pour l’un comme pour l’autre… il me fallait maintenant jouer le médiateur.

Non pas que je ne voulais pas les voir s’entretuer encore… je n’avais de toute façon aucune sympathie pour l’un comme pour l’autre. Mais que le palais de ma reine en pâtisse ? C’en était trop. Alors moi-même je fis mes menaces, espérant qu’ils ne furent pas trop bornés pour les écouter :

─ Au moindre mouvement brusque de votre part… tête qui se tourna vers les deux pour bien appuyer mon propos ; vous goûterez à l’enfer de ne pouvoir bouger comme vous l’entendez. Je vous rendrai tellement lent qu’il vous faudra des siècles pour porter un coup à l’un, comme l’autre. Vous voulez jouer au jeu de la patience avec une tortue ? Qu’à cela ne tienne. J’ai l’éternité devant moi, moi aussi.

Je me surestimais peut-être un peu.
Mais ça… comment pouvaient-ils le savoir ?

─ Hochez la tête si vous avez compris.

Moi je me préparais à sévir.
Priant intérieurement pour qu’ils se calment.
Parce que ce magnifique palais… je voulais qu’il reste intact.
Ne serait-ce que pour faire plaisir à ma déesse.