Tu n'avais prévenu personne de ton retour à Crims, encore moins Mère Grand car tes congés n'étaient pas terminés. Après ton altercation avec Nicole et ton envie de couvrir ces morsures d'un tatouage, tu avais pris une chambre dans une auberge, assez loin du moulin rouge. Paranoïaque à l'idée qu'on puisse t'attendre dans ton appartement, sa proximité avec la maison close te déplaisait particulièrement.

Descendant les marches pour rejoindre la salle du restaurant, tu te crispes quand tu reconnais la seule silhouette que tu cherches particulièrement à éviter. Les lèvres se pincent d'agacement. Allons bon - pourquoi ici, pourquoi maintenant ?
Avait-il réussi à te retrouver ? Non, il avait cessé, depuis peu, de te suivre. Notamment depuis ce baiser auquel tu n'avais nullement répondu. Oh, il avait hanté tes pensées, déprimé tes nuits avant cela si paisibles (cela dépendait desquelles...) mais en rien tu ne lui avais laissé l'idée même que tu avais pu apprécié.

Non, s'il te suivait ce serait lui qui se serait tapi dans l'ombre à observer.
Tu te caches, collé au mur. Un poil frustré de ne pouvoir aller te sustenter sans qu'il ne crame que tu sois de retour. L'esprit s'échauffe et tu te surprends à tout suranalyser. Ses gestes, ceux de la garce collée à son cou, son état d'ébriété, leurs fièvres. Dégoûté, Aslan, de l'imaginer encore capable de quoi que ce soit après ses sales journées.

Il se lève et tu remontes les escaliers jusqu'au couloir, rentres dans ta chambre, porte légèrement entrouverte pour les observer grimper.
L'oeil bleuté collé à l'encadrement détaille les silhouettes qui passent. Encore, encore, encore... ce ne sont toujours pas eux.
Quand soudain des rires reconnaissables entre mille fusent dans le couloir. Tu remarques qu'ils passent la porte d'à côté. Chambre collée à la tienne, super. Tu claques la porte, merde.

Entre les deux chambres, une porte condamnée les relie. Tu devines que cela se trouve être deux pièces mitoyenne, anciennement une suite séparée en deux.
Tu te colles pour espionner au travers de la serrure, accroupi et le sourire naissant.
Les vois se déshabiller, se coller, gémir à en gerber.
Fascinant quand - a s l
Murmure qui se meurt, et tu recules brusquement, faisant du bruit en tombant sur les fesses, renversant la commode près de ton lit dans un fracas épouvantable.

Mais tu n'es pas sourd.
C'était ton nom perçu dans un soupire.

Haut-le-coeur.
Et des pas se rapprochent de la porte. Merde.

Avec tout ce merdier que t'as causé, t'as fait ce qu'il y a de pire - t'as attiré son attention, l'a forcé à arrêter quand tu te délectais de cette curiosité malsaine. Quand tu profitais de la vue du bon côté.

La porte cède sous ses doigts, s'ouvre et tu ne bouges pas d'un milimètre. L'expression hébétée alors qu'il s'empresse d'étirer un sourire moqueur. Tu serres les poings sur le plancher, les bras vers l'arrière. Tu soutiens tout de suite son regard, le tien légèrement écarquillé et la bouche ouverte - que tu t'empresses de fermer.

Il s'accroupi et tu baisses la tête. Tu te sens vulnérable Aslan, en proie à un raisonnement contradictoire. La greluche toujours dans le lit, l'expression de ton visage s'assombrit.
Immédiatement, tu te justifies.

— « Je ne te suis pas. »

Tu répliques avec froideur, relèves le menton pour le toiser comme s'il n'était qu'un déchet. Tu te pinces l'arrête du nez en soupirant. Inspires. Expires.

— « Je suis dans cette auberge depuis deux jours. Je suis de retour à Crims. Evidemment, il a fallu que tu viennes t'épancher à tes souillures habituelles dans un coin aussi reculé. »

Ta langue claque sur ton palais, agacé.
Tes joues se teintent légèrement de roses quand il questionne mais c'est un sourire narquois qui prend place pour masquer la gêne éphémère.

— « Ne va pas t'imaginer d'histoires aussi sordides. Je sais que tu aimerais bien, mais je crois que j'ai autre chose à faire que de te regarder baiser. »

Sourcils qui se froncent.
Tu te redresses d'un coup et le pousses violemment en arrière, pour qu'il tombe à son tour sur les fesses. Tu es furieux Aslan, d'avoir été découvert.

— « Et tu as cassé cette porte, fouille-merde. Rends-moi mon intimité. »

S'il croit que tu vas lui répondre, il se fourre le doigt dans l'oeil. Tu serres les dents, silencieux, véritablement frustré d'avoir été percé à jour.
La fille dans l'attente appelle son chien, le siffle et tu détailles l'expression d'Alec a cette nouvelle. Il n'a pas vraiment l'air satisfait pourtant tu t'imagines malgré toi qu'il ne désire qu'une seule chose : la retrouver elle et le confort des draps, de son corps échoué.

Il vient se saisir de ton visage après s'être habilement relevé. Regard discret qui glisse silencieusement sur les reflets de ton torse. Sourire carnassier fugace à la vue de ses cicatrices. Tu te rappelles qu'il devrait y être inscrit les lettres de ton prénom, habilement tracé à la pointe de ton couteau. Mais son insolence n'égale que son arrogance. Cette provocation n'avait pas encore été bien punie.

— « Lâche-moi. »

Que tu lui ordonnes, sèchement.
Il se relève, non pas par obéissance (tu le sais) mais se permets de se pavaner dans la chambre. Il contourne le lit et tu râles, exaspéré.

— « Ta chambre est de l'autre côté. Dégage, nom de... sors. »

Tu te redresses lentement et prudemment. La jalousie se trahit alors que tu grimaces. Tu profites de sa position, penches la tête sur le côté.

— « A moins que ça ne soit toi, qui patiente ici. »

Sans prévenir, tu passes dans l'autre pièce, attrapes la porte pour la replacer correctement puis t'empresses de venir pousser un meuble pour condamner totalement l'accès. Il ne pourra pas passer, à moins de posséder une force insoupçonnée (ou de faire le tour).

La fille crie de surprise, se redresse, le corps entouré d'un draps. Tu n'arrives pas à t'arrêter de sourire, non pas en l'imaginant nue sous le tissu mais en fantasmant la rage d'Alec de s'être fait avoir aussi facilement.

— « Je vais me la faire à ta place. »

Regard en direction de la jeune femme ; pars.
Elle ne t'intéresse pas.

C'est plaisant de l'imaginer tiquer, s'agacer sur toi de l'autre côté. Le problème Aslan, c'est que t'es toujours dans la recherche de réaction de l'autre - mais quand viennent les conséquences tu restes aussi froid que le marbre. Aussi indifférent qu'un mur qu'on ne saurait troubler. Et seul Alec a trouvé pour l'instant, la recette miracle pour te faire sortir de cet état, pour te condamner à lui révéler tes plus profondes intensités.

La jeune fille sort précipitamment. Et Alec rentre à sa place. Lui, il porte constamment son vrai visage. Il n'a pas besoin de se cacher, il erre libre en ce monde. N'est retenu par aucune chaine. Tu l'envies un peu, de ne pas ressentir de honte (tu n'en ressens pas - fais seulement semblant d'en avoir peur) tu aimerais te dire que tu es normal. Mais rien de ce que tu fais pense veux ; ne l'est.

— « Je ne saurais fuir ce qui m'appartient déjà. »

Tu le toises légèrement, le scrutant tout de même avec défiance. Malice quand tu hausses un sourcil, prétends l'indifférence. Ce n'était pas ce soir qu'Alec devait payer. Car il n'y a que dans la mort qu'il pourra véritablement expier ses péchés.
Tu le laisses avancer, te menacer. Restes sur tes gardes quand il OSE encore une fois te pousser dans tes retranchements. Mais cette fois tu gardes ton calme, accuses le coup en sifflant quand il te coince contre le mur. Inspires. Expires. Tu n'as pas peur d'un démon Aslan. Tu ne crains plus le dragon - toi le Prince aux reflets parfaits. Les cicatrices brûlent et son souffle est acide.

— « Je ne vois pas de quoi tu parles. Mais... peut-être devrais-je te rafraichir la mémoire, sur d'autres ? »

Dans un enchainement de mouvement précis tu lui écrases le pied, le nez et le plexus pour le paralyser un instant de douleur. Tu chasses ses jambes pour le forcer à s'écraser au sol dans un bruit sourd. Claquement de dents, dissident Aslan alors que lui tournes autour, lui assènes d'un coup de pied violent dans l'estomac.

— « Tu crois que j'allais oublié cette nuit là Alec ? Tu crois que toi et ton petit copain peuvent venir chez moi pour me battre sans conséquences ? Tu crois que je peux te pardonner ce que tu m'as fait parce que tu penses m'embrasser comme une chienne ? »

Un autre coup de pied dans le ventre.
Tu veux couper sa respiration mais tu t'interdis de toucher à son beau visage.

— « Je te méprise, le comprendras-tu enfin ? Et si je m'amuse avec toi c'est seulement pour me passer les nerfs. Parce que c'est tout ce que tu mérites. »

A croire que vous n'êtes pas capable de vous parler sans vous frapper. N'êtes pas capable de vous aimer sans vous haïr. Le seul sentiment (le premier) qui te vient à l'esprit quand tu le vois c'est l'envie viscérale de l'écraser plus bas que terre, de casser chacun de ses os d'une lenteur millimétrée, de lui cracher à la figure pour refouler ce désir qui te prend aux trippes.
Quand il bouge, parle, tombe, rampe. Aaaah... et merde.

Corps qui chute et tu accuses le coup quand il vient bloquer tes poignets. Qui ?! qu'il aboie en faisant l'innocent. Il le sait, il fait semblant ! Il a tout balancé à son molosse, à cette brute contre qui tu n'as rien pu faire. J o h n encore en lettres de sang sous la peinture de ta maison.

— « Tu prétends ne pas savoir... Quand ce sauvage m'attendait chez moi. »

Sourire fou face à la sincère colère d'Alec. Oh, serait-ce en réalité une opportunité à saisir ? Cruel Aslan, quand tu t'imagines séparer les deux amis. Isoler Alec un peu plus ; et arracher à John son ami. Pas sûr que pour l'un ou pour l'autre, ça ne soit une réelle perte.
Tu actives ton pouvoir, innocent jusqu'au bout des ongles - qu'il ne suspecte aucune tentative de manipulation quand tu ourles entre tes lèvres fines le nom du seul coupable possible.

— « Son nom est John. »

Regard qui s'éclaire alors que tu ne bouges pas, le laisse martyriser tes poignets pour apprécier son visage se décomposer.
Et tu espères Aslan, espères secrètement amorcer ta vraie vengeance, celle où tu détruiras tout sur ton passage.

Arrogance, qui suinte de tout tes pores.

— « Je savais bien que tu n'étais qu'une petite merde suffisante, incapable de te défendre toi-même. Terrible de devoir siffler à ses amis de l'aide. De leur refiler tout le boulot parce que tu n'oses pas m'affronter toi même. »

La ferme.
N'importe qui d'autres en cet instant n'aurait reçu en réponse qu'un sourire dédaigneux. Mais tu sens qu'il est sérieux, alors le rictus suffisant diminue progressivement. Tu attends de voir ce qu'il a à dire pour sa défense, l'observes en détail se débattre avec sa colère.
Non seulement il ne semble pas au courant (mais ça ne t'étonne pas) mais en plus, l'apprendre de ta bouche semble provoquer en lui une montée de rage.

— « J'ai donc vu juste la dernière fois. Il est important pour toi. »

Le regard s'éclaire, s'écarquille d'une folie malveillante. Tu te débats, le forces à lâcher prise sur tes poignets pour venir prendre son visage entre ses mains.
Mesquin, alors que tu approches tes lèvres de son cou pour venir murmurer.

— « Et toi quelle connerie d'avoir cru pouvoir les enlever. Dois-je prendre le temps de les réécrire ? »

Souffle sur sa peau pour lui arracher un frisson, tu remontes à son oreille.
Inspires. Expires. La folie ne se quantifie pas mais quand tu es avec Alec, tu sais qu'elle pourrait te faire imploser. Idées noires quand tu essaies de te faire passer pour blanc comme neige. Impudent quand tu cherches à le faire craquer.

— « Des affaires à régler... Et qu'est-ce que tu vas lui faire à John ? Il ne s'en sortira pas aussi facilement. Pas après avoir levé la main sur moi. »

Yeux qui se ferment et la langue vient se déposer au creux de l'oreille.
Tu ne te rends pas compte - ni que tu dépasses la limite ni que tu aimes ça.

— « Ça serait bête de perdre ton seul ami. »

Tu le sais bien ça, qu'il les enlèverait à chaque fois.. ça te frustre mais les cicatrices en valent la peine, la fièvre et tout ce chaos en valaient le coup. Tu sais sa fierté ébranlé, quand tu l'as méthodiquement scarifié. Ta signature a entrainé ta perte mais quel plaisir coupable d'entrainer Alec vers le fond. Avec toi.

La langue est venu arracher un frisson, mais quand tu réalises ce que tu as fait - sous le poids mort d'un désir à peine né, tu serres les dents et les lèvres. La honte au bord du vide et la fièvre tempête l'esprit. Le regard de nouveau sombre dans une indifférence froide et cruelle, et tu lui réponds :

— « Te rendre fou, tu n'as toujours pas compris ? »

Tu feras les yeux, concède une demi-défaite.

— « Mais je me rends dingue moi-même. Je sais que c'est ton pouvoir qui me détraque. Arrête-le. Cesse de l'expérimenter sur moi, ou ça va mal finir. »

C'est peut-etre la première fois que tu es aussi honnête. Mais tu as peur Aslan, peur d'avoir peur, peur d'être faible. Terriblement peur de perdre l'ascendant qui te permets de rester en vie, d'exister. Tu ne respires que pour expier le péché chez les autres, pas pour lentement y succomber. Merde.

Tu murmures.

— « Oui. Je l'ai compris quand tu es venu la dernière fois. Quand tu m'as attaché pour me mordre, quand tu m'as humilié. Cette stupide vendetta ne prendra fin que quand l'autre criera sa réédition. »

Tu le gifles. Sand douleur, seulement pour le surprendre. Le sortir de cet état de transe.
Tes yeux brillent.

— « Alors j'anéantirai tout ce qui t'entoure si tu prétends encore que rien ne t'atteint. Ton ami, ton travail, ton corps. Tout ce qui t'appartient. »

Grand sourire. Celui d'un malade. Tu as un problème, Aslan. Et Wonderland n'a fait que l'aggraver.

— « Sera mien. »