Il n'était de plus étrange sentiment que les échos de ma propre voix, hissées des teintes toutefois idéales — il me fallait l'admettre — de mon tableau : l'insolente sagesse que nous partagions céda sous l'hilarante impulsion d'une insulte, à laquelle j'éclatais éhontément de rire. Qu'était-ce, sinon l'incontestable manifestation d'une nouvelle forme de génie ? Bien dit, moi-même — et merci pour l'information. Je vais de ce pas draguer le portrait d'Alice. Sous l'impertinence que je présentais au monde, le nébuleux amas de mes réflexions dessina les bribes d'une réponse ; les vestiges, désormais assaillis par l'hilarité, de qui fut autrefois un aventurier, et dont l'idée de se confronter à son double lui était aussi pénible qu'amusante. Messieurs dames, vous ne posez pas les bonnes questions. Considérez ceci : en quelles occasions notre chère majesté a-t-elle surmonté le confort sa propre idolâtrie pour s'aventurer dans ce bien sombre couloir ? Son existence n'est nullement anodine, pas davantage que l'existence de ces portraits. Là encore, je ne faisais qu'effleurer la surface de mon propre raisonnement, mais en bon dramaturge, je laissais mariner toute forme de suspens. Par ailleurs, si Time est venu ici, nous pourrons questionner son double — je doute, comme vous, qu'il ne réponde aisément à nos questions, si tout du moins l'original tient à rester caché, mais les désirs du tableau ne sont pas toujours en accord avec la personne — en témoigne ma sublime représentation. Sans compter la possibilité qu'il lui soit arrivé malheur : j'ose croire que sa peinture nous quémandera de l'aide ; nous pourrons négocier une généreuse récompense, comme une belle bouteille. Le monologue s'immisça sous les accords patients de ma voix, mais dont quelques notes graves suffisaient à souligner l'importance, et ce, en dépit de mes écarts. Dans un geste grandiloquent, je désignais la suite du couloir, en laquelle chacun d'entre nous peinait à s'engager. Enfin, si de nouveaux tableaux se joignent à la suite des anciens, et ce à chaque visite, je crains d'imaginer la longueur de ce couloir : laissons-moi tranquille et poursuivons, si vous le voulez bien. Le Temps nous est compté, littéralement.

Dans la nébuleuse myriade d'émotions qui hantait mon être, mon estomac se nouait en un fruste amas de racines, obstruant la limpidité tant de ma respiration que de mon éloquence, pour le moins expressive : le silence cultivait les traces d'un mystère dont la seule réponse s'imposait en une vacuité artistique — et dont mon égo n'aurait supporté la vue, si du moins, mon tableau avait partagé le même destin. Merci, grand-père. Je craignais que le temps ne meurt, mais il s'avère que nous n'avons pas perdu le nôtre. Enfin, si, mais pas dans tous les sens possibles. À nouveau, mes neurones se laissèrent adouber en d'innombrables réflexions quant aux mystères d'un endroit dont je n'étais qu'un humble visiteur, et aux circonstances de la disparition d'un portrait.

Si Time n'avait pas disparu, mais simplement privé les braves de la contemplation de son sublime portrait — non qu'il égale le mien — cela écartait la possibilité de sa mort. La journée n'avait pas été vaine ; et tandis que mes camarades s'adonnaient à la finalité d'un concours cacophonique, je posais ma main contre la toile dont le contenu m'étonnait moins que la récente fidélité que Milo manifestait à mon égard — mais n'étais-je pas une personne aussi aimable que fantastique ? Le réalisme de ce tableau me couperait le souffle, si je n'avais pas contemplé mon portrait plus tôt. Et si j'essayais de passer à l'intérieur ? Un bien piètre idée, il fallait bien que quelqu'un s'occupe du sale boulot !