d'aussi loin qu'elle puisse se souvenir, absinthe avait toujours adoré les plantes. sûrement une déformation de sa nature de chenille tout ça. après toutes ces années et même si elle n'avait plus besoin de ramper dessus pour les rogner, la vue de feuilles bien vertes continuait de faire monter ses niveaux de sérotonine. l'odeur des fleurs et de la terre lui donnait quasiment autant de satisfaction que celle des feuilles qui poussaient dans sa cave. ainsi, telle une abeille attirée par du pollen, elle finissait inlassablement par se retrouver dans les espaces verts qui l'entouraient. marmoreal en particulier, en dépit de son froid, satisfaisait ses envies de verdure.

elle s'y rendait régulièrement pour rendre visite à la reine, rendre visite à opal ou bien même rendre visite à sa petite fleuriste préférée. parmi toutes les personnes qu'elle se plaisait à côtoyer figurait la jardinière d'edelweiss. un joli petit brin de blonde à la conversation sympathique qu'elle avait fini par inviter au bar histoire de discuter un peu plus à l'abri des neiges montagnardes et du froid de la capitale du royaume d'ivoire. tout le royaume avait quelque chose de follement distrayant pour elle. elle ne pouvait pas s'empêcher de sauter de case en case sur les damiers de l'herbe ou de se goinfrer de sucreries. et pourtant, on aurait jamais pu lui arracher l'idée que l'on était bien mieux chez soi.

si la neige et le vert la satisfaisaient, elle ne se sentait jamais mieux que dans des abondances de bleu. les odeurs et les bruits familiers du blue glasshopper ne manquaient jamais de lui remonter le moral. si ce satané bleu devait lui pourrir la vie, elle essayait de trouver les bons côtés. elle se souvenait d'avoir appris quelque part, sans se rappeler d'où, que la couleur était bonne pour aider l'endormissement et ainsi lorsqu'elle s'était résignée à repeindre tout son appartement en bleu pour éviter de cracher des tâches de couleurs sur les murs, elle avait été ravie de penser que la qualité de son sommeil s'améliorerait.

pour le bar, c'était pareil. désormais, elle attendait joanne derrière le comptoir, en essayant de guetter son arrivée par les larges vitres céruléennes qui composaient la façade de l'établissement. elle avait déjà préparé un cocktail de circonstance, à base de liqueur de pêche, champagne et sirop de rose, s'occupant des autres clients en attendant son invitée du jour.

joanne pousse la porte et absinthe cligne des yeux une seconde devant la surprise qu'elle constate chez sa jardinière préférée, avant de se rappeler, de comprendre et d'éclater de rire. c'est probablement parce qu'elle avait eu le temps de se former l'idée de cette nouvelle apparence qu'absinthe y était plus habituée que ceux qu'elle côtoyait. les doigts se perdent machinalement dans les cheveux pour jouer à entortiller l'une des mèches autour de son index tandis que l'autre main tend le cocktail vers la jolie blonde et elle sourit.

je pourrais même probablement t'aider à finir toute bleue si tu envies le look aussi. n'empêche, ça m'aide à rester reconnaissable...

secouant mollement la tête, la patronne laisse ses ongles tapoter sur le comptoir et ses yeux se perdre dans les bulles de la boisson qu'elle vient de servir à son invitée. rapidement, les pupilles remontent pour la dévisager et elle sourit de plus belle. des habitudes de flirt sans fin, joanne ne peut pas s'en empêcher et absinthe s'en amuse grandement. elle se penche légèrement vers elle pour se débarrasser un peu de la distance entre leurs deux visages et elle lui adresse un petit clin d'oeil.

mais je dois t'avouer que je te préfère comme ça. tu es plus radieuse que jamais, joanne.

elle finirait par faire encore plus d'overdoses que d'habitude, de couleurs cette fois plus que de drogues, si toute une partie du royaume commençait à se parer de bleu nuit. son égo lui soufflait que ses choix esthétiques étaient si bien pensés que tout le monde ne pourrait s'empêcher de les suivre et elle se redressa en posant les mains sur ses hanches, enorgueillie. elle resta comme ça un instant avant de se retourner pour attraper une boîte de biscuits et la poser sur le comptoir, l'ouvrant pour en croquer un.

sers-toi, c'est fait maison. sans plantes de la cave, promis, juste de la lavande.

laisse la pâte sablée se décomposer sous les coups de sa mâchoire, mastique et avale avant de reprendre la parole en haussant plusieurs fois les sourcils de façon joueuse.

du coup j'ai changé de look mais toi ma belle, dis-moi donc tout ce qu'il s'est passé dans ta petite vie depuis la dernière fois.