"Monsieur le directeur, vous avez de la visite."

Cette phrase complètement incongrue sort de la bouche de la réceptionniste alors qu'on venait de rentrer au bureau après un petit tour d'inspection. De la visite ? On scrute la jeune femme. Elle semble à la fois sûre d'elle et mal à l'aise. Étrange mélange.

"Je n'attends personne."

La réceptionniste semble sur le point d'objecter, après tout, elle a un agenda, qu'elle tient à jour, elle connaît son travail, c'est une personne organisée. Pourquoi y aurait-il une erreur dans l'agenda ? Ridicule. Cela fait des années qu'elle travaille à la réception de l'usine et du temps de son prédécesseur jamais on n'avait mis en doute son travail.
Elle pourrait argumenter, oui.
Elle ne le fait pas.
Elle se contente de fixer l'agenda qu'elle tient dans ses mains, comme si elle cherchait à y lire autre chose.

On fait un geste dans sa direction et elle nous le tend.

"Vous avez raison, j'ai bien un rendez-vous."

Il est écrit noir sur blanc, ici. Sauf que ce n'est pas l'écriture habituelle en pattes de mouche de la réceptionniste. On se gardera bien de le lui dire. On sourit pour apaiser la situation :

"Heureusement que vous êtes là, on dirait bien que j'ai la tête ailleurs... Qu'est-ce que je ferais sans vous ?"

On serait déjà en train de se servir un verre de whisky, pour commencer. Elle sourit, soulagée. On soupire intérieurement et on réajuste la cravate. La journée est loin d'être terminée.

On raccompagne la dame à l'accueil pour rencontrer ces deux personnes que l'on attendait pas. Au cas où on aurait besoin de reconfirmer nos soupçons : non, on n'avait pas rendez-vous avec ces gens-là.
Ils ont l'air louche.
Ironique.

"Bonjour, je ne vous ai pas fait trop attendre, j'espère ?"

On tend la main à la plus grande personne en premier.
L'autre a l'air de sortir de l'école.
Enfin, ils ont tous les deux l'air assez jeunes. Il ne faut pas se fier aux apparences. On affiche le sourire professionnel :

"Tino Barbieri, enchanté."
"C'est le directeur."

Seigneur. On lance un regard blasé à la secrétaire, qui vient de parler. Elle sourit, crispée. Comprend le malaise et retourne derrière son bureau.

"Je serai là si vous avez besoin de moi."

C'est ça, c'est ça... Il va falloir qu'on réfléchisse à engager une nouvelle réceptionniste. Et des agents de sécurité supplémentaires, apparemment. Merveilleux. On se retourne vers les indésir... les invités, toujours très professionnel :

"Qu'est-ce qui vous amène ?"