La nymphe abdique, un court instant à faire taire cette songe nauséabonde qui s’active en son sein. Aslan est Aslan ; il se mure dans le déni jusqu’à ce que toute la fange le consume. Et pourtant, elle rigole sans honte à ce qu’il créé de lui-même. Après tout, s’il s’était contenté de son véritable désir, elle ne sera pas la seule à se tordre d’un plaisir éhonté. Et alors qu’il nie, nie et renie. Valentina rit, sourit, et rit de nouveau.
— C’est si mal me connaître.. Car la peur ; si elle était bien présente, serait épicurienne sous toutes ses formes. Pas néfaste ni taraudante - ce sont des idées qui pourrissent presque instantanément. Si une personne doit tirer les fils ; elle se nommera automatiquement Valentina. C’est une place qu’il n’est pas prêt de céder, une place dont il se sait maître.

Ses menaces sonnent toujours comme un glas innocent contre ses oreilles ; que Diable tentera-t’il d’opérer, dans une posture si peut convaincante ? L’inverse est aussi très juste, ainsi, Valentina aux poignets en lambeaux, ne peut que regarder et massacrer du regard, sans s’appliquer à pouvoir riposter. Mais c’est hilarant, ce mépris avec lequel ses orbes constatent les siennes. Et plus ses mots son durs, plus son corps pèse sur le sien ; Valentina se fait volontiers partisan de cette vague déferlante de haine qu’il risque d’éprouver au fur et à mesure qu’il l’écorche de sa saleté. Aslan, Aslan… Et l’oreille attentive discerne les pas, l’oreille attentive écoute - plus loin les pas qui se discernent dans le couloir de la Mort. Penses-tu que c’est moi qui meurs, à l’étage de la Mort ? Et éclate d’un rire sirupeux. Contre lui, bien avant qu’il n’assène un énième coup. Valentina s’en serait presque gaussé si cela ne lui avait pas  pas trop brusquement coupé l’air - l’air si chaud qu’il avait tant peiné à concevoir ! Mais la peine n’est pas bien grande, puisqu’il se donne non sans crainte à ce sort qui lui est réservé.
Et sa chevelure en offrande ainsi tiraillée aurait pu présager meilleur sort que celui de sa langue prisonnière. Ses dents geôles ; Valentina se jure de les lui arracher une à une quand le moment sera venu.
Mais le temps n’est pas aux diableries de ce genre. Dans les couloirs de la Mort les pas s’approchent ; c’est à force de se terrer ici que Valentina les perçoit comme s’il ricochaient dans sa boîte crânienne.

Et cruellement, force l’éloignement et le dérapage de ses dents contre sa langue qui de rouge se teint. Le goût métallique en bouche à ce rappel des âmes souillées d’autrefois ; mais c’est un secret bien livré plus que gardé qu’il lui offre. Passe deux de ses doigts pour sillonner la plaie d’un toucher pernicieux et obscène. Pourtant, l’hilarité de ce qu’il inflige au démon est trop abondante pour l’empêcher de ricaner. Son heure est venue.
La porte s’entrouvre et Valentina ; horreur des gens qui ne frappent pas. Horreur de ceux qui s’imposent ici. Pourtant en ce jour, cette présence peut bien être bénie des Dieux.
L’inconnu foule les terres des enfers et distingue, d’une oeillade intriguée, le jeune homme qui accompagne la nymphe. Valentina sourit grand, Valentina sourit outrageusement en sa direction. Il n’écoute pas même d’une oreille l’homme qui lui fait part de son inquiétude liée aux cris plus tôt prononcés.

Valentina simplement ordonne. Je ne t’ai pas permis d’entrer. Je n’ai pas demandé d’aide. Sors donc. Et son regard un instant se noie dans ses orbes envoûtées ; il le sait. Ici, il n’y a que d’immondes âmes néfastes qui se débattent et l’homme aussitôt apparu disparaît. Échange court et rapide, quand Valentina repose son regard sur l’insecte ; son sourire se dessine de nouveau dans une rythmique macchabée. Il en est persuadé, quand ses traits se modèlent de nouveau. Il en est certain, quand sa silhouette se reforme et que ses ossements récupèrent leurs emplacement originaux. Quand sa chevelure un instant se déforme pour mieux se reformer ; c’est une silhouette tout ce qu’il y a de plus banale. C’est un corps désiré par un autre, c’est une enveloppe qui le servira à couvrir ses pensées les plus taraudantes.
Valentina un instant agite ses poignets. Désolé. Il est vrai que j’aurais eu du mal à te dévorer sans avoir de quoi pouvoir te déchirer. Rire. Sourire. Cynique ; comme depuis le début. Dis-moi Aslan, ça ne te dérange pas j’espère ? Et avancement des pas, qui glissent et sillonnent sur ce sol graveleux des enfers, jusqu’à retrouver la juste proximité d’il y a quelques instants. Les phalanges, un peu plus lourdes glissent sur ce visage sans scrupule, en dessinent les contours par la pensée ; et les yeux répondent aux menaces.
Et les yeux se font désormais menaces,
Car il le sait Valentina ; dans son antre, c’est lui qui gagne. Dans son antre c’est lui qui consume, jusqu’à ce qu’il ne reste que des âmes ivres de leur séjour.

Valentina rit gras, Valentina éclate en ficelles d’un rire mesquin ; moqueur. Relâche dès cet instant son tendre minois entre ses doigts et le coeur vrombit, le sang court si rapidement dans les parcelles de son corps - le sang pulse dans le tempes. Valentina sourit grand, dans sa tenue de Roi. Et alors contemple ce regard plein de déni, plein d’incompréhension. Nahash lui aussi rigole de l’hilarité de cette scène ; il a gagné et s’en vante. Il a gagné et nargue l’ignare, non sans agiter sa queue pleine de venin.
E entre ses mots nauséabonds toujours plus cruels ; le démon accueille volontiers cette énième gifle sur sa joue. Il en sourit plus fermement encore, il est vrai - à côté des poignets précédemment brisés, une gifle n’est rien d’autre qu’une tendre affection contre son visage.

Puis patiente Valentina, quelques courtes secondes que cet impétueux se taise un simple instant. Ce visage qui n’a plus ses formes ni ses courbes le pare cependant de ce même regard méprisant ; toujours pourtant si distrait par ses mots qui ne font que sonner et résonner comme des curieuses cantiques. Cesse donc de me faire rire, je vais finir par manquer d’air. Et souris de nouveau, inlassablement. Pourtant cette fois, si cette courbe s’immerge ainsi c’est pour aussitôt se parer d’un regard bien moins joueur.
Et de sa main saisit son menton et presse ses doigts contre ses joues ; lui offre cet air ridicule que le démon se fait un plaisir de contempler avec cynisme. Tu pensais que tu finirais gagnant, Aslan ? Appuie plus fortement contre sa mâchoire.

Et c’est ce regard d’antan qu’il aborde de nouveau ; dont il se revêt fièrement et sonne la Mort sur ses traits. Crépite les amas de chair des plus faibles sous son derme.
— Tu voulais me souiller mais tu en es incapable. Tu sais ce que deviennent les incapables ? La vérité Valentina ; il n’y a pas d’incapables spécifiques dans son regard, tous les Hommes finissent au même endroit, tous finissent souillés et dévorés, certains se prêtent à fuir, alors que déjà le sol se dérobe sous leurs pieds.
Et c’est toujours hilarant de les voir courir alors qu’ils n’ont déjà plus de jambes ni de forces. Je les élimine. Peu importe ô combien ils ; peu importe ô combien tu briseras mes os Aslan. Confiance démesurée dans le regard, le regard qui ne cesse de s’immiscer plus fort vers le sien. Je me restituerais, comme un mauvais rêve. Sous d’autres formes, avec d’autres enveloppes, pour d’autres étreintes peut-être.

Et elle glisse la main du Diable contre la peau, elle glisse de sa mâchoire pour courir en braise contre sa silhouette élancée et elle scrute, d’un peu plus près comme pour y discerner quelque chose. Une parcelle cachée. Elle s’y appuie plus fermement ; se presse contre sa cage thoracique pour l’étouffer de cette serre retrouvée. Et vacille l’être sur sa surface ; Valentina au regard tâché d’immondices le constate d’une oeillade malsaine. Prête à refermer ses serres étroites autour de lui, à le consumer vivement. Jusqu’à ce qu’il en meurt presque intensément, mais ça ne serait pas drôle. Alors se joue de ce qu’elle sait le mieux faire ; manifester son dégoût en syllabes écoeurées.
Et vient de nouveau glisser sur ses lèvres, la langue dépravée pour glisser contre son visage. Se fait pinceau d’un tableau que la nymphe accrocherait bien dans une des pièces de l’hôtel.
Le regarde cette fois, bien plus cruellement - le regard cette fois ; comme pour l’embraser d’un regard accordé. Comme pour sonner un glas muet, un glas de Mort.

Mais pas aujourd’hui, la Mort ne s’éveillera dans ses tripes.
Valentina mort de faim, n’aime pas la viande bleue.
La prochaine fois il l’assure, ça sera lui qui se tordra de douleur.