CARACTÈRE

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Benvolio demeure en demi-lune des projecteurs et ses deux faces présentent un sourire éponyme : bienveillant et d'une maternité naïve, à la lumière il bat des cils avec une grâce déroutante de délicatesse et à l'ombre la largeur discrète de ses épaules flatte la force de son profil. Il n'a d'yeux que pour la masse informe de ses enfants qui se pressent à se défeuiller et à accorder largement leurs amours comme il le leur enseigne et en surveillant doucement leurs mouvements, il s'assure que tout le monde va bien, que tout va pour le mieux et que dans le monde rien ne s'oppose aux sillons de bonheur qu'il se plaît à semer ensuite d'un amour qui crève les yeux. Dans le monde du spectacle et des affections monnayées, Benvolio est figure d'ombre et astre solaire en même temps ; dans la silhouette des plus grands noms il se rend indispensable et sait aimer. Aux gens qui abandonnent au grand jour les pauvres hères il dit, peu importe la raison, vous n'avez pas de cœur : voilà que j'en ai cent et que je l'offre à toi, mon enfant et mon agneau qui n'est plus égaré, en disant cela il caresse les cheveux et les joues de l'intéressé-e sans demander et s'éclipse ensuite vers de plus grandes affaires.

Alors l'amour de Benvolio car il est chaste et inconditionnel lui donne des allures d'ahuri et même d'imbécile heureux et ainsi on se moque facilement de lui à la table des affaires. Mais on sait des livres que ce sont les mamans qui doivent gérer le foyer et il se dévoile alors d'un sens aigu des accords, des négociations, des annihilations et des bassesses : Benvolio sait concéder mais fondamentalement Benvolio n'aime pas les oppositions. Derrière ses airs d'ingénu énamouré il ne dissimule pas vouloir vous voir brûler, et vous le savez : un enfant mal-aimé ne veut rien moins que d'être renié.
(comme j'aimerais que tu me comprennes)
Rien que des mots
(que tu m'écoutes au moins une fois)
Des mots magiques, des mots tactiques
qui sonnent faux
(tu es mon rêve défendu)
Oui, tellement faux

Cher journal,
Maman t'a acheté aujourd'hui et tu es un joli carnet relié en cuir. Elle m'en a fait cadeau rien qu'à moi. (dessin en bâtons d'une femme entourée de plein de cœurs, une flèche la désigne avec écrit "Maman")
Est-ce que je devrais te donner un prénom ? Il n'y a qu'à toi que je peux me confier.
(dessin d'un livre ouvert entouré de plein de cœurs, une flèche le désigne avec écrit "Journal")


Cher journal,
aujourd'hui Mercutio a glissé dans la baignoire et son crâne s'est ouvert sur le robinet ; il était tellement petit. Papa et Maman ont beaucoup pleuré et ne vont pas travailler au théâtre pendant quelques temps. Il y avait vraiment beaucoup de sang, c'était dégoûtant.



Rien ne t'arrête quand tu commences
si tu savais comme j'ai envie
D'UN PEU DE SILENCE


Cher journal,
ma mère a découvert que j'ai arrêté la fac et m'a chassé de la maison, c'est que tu es bien mon seul ami. Ce n'est pas grave, Alejandro a dit que je pouvais vivre chez lui quelques temps, ce n'est pas grave si je fais ces choses pour lui ; je n'ai pas beaucoup de pudeur de toute façon.


Cher journal,
j'ai commencé à donner des cours de danse au théâtre et ça me rapporte un peu d'argent. Même les plus récalcitrants s'y sont mis, c'était très plaisant. Je crois que je vais devenir professeur moi aussi.


Cher journal,
j'ai dû appeler la police, quand je suis arrivé Alejandro et son ami ne bougeaient plus. C'est bien dommage. Heureusement que j'étais en train de répéter au théâtre.


Cher journal,
je vais devoir te brûler avant ce que je vais faire parce que je veux que ça reste entre toi et moi, je crois que ça me ferait de la peine que quelqu'un d'autre te voie.
Au revoir.

(encore un mot, juste une parole)
Paroles, paroles, paroles
(écoute-moi !)
Paroles, paroles, paroles
(je t'en prie—)
Paroles, paroles, paroles
(je te jure !)
Paroles, paroles, paroles, paroles, paroles
et encore des paroles, que tu sèmes au vent !