Solo de transition entre Alice et Entité. Désormais, Judas est l'entité de Pierre (Pierre et le loup)Autrefois, il s'appelait Foley.
Il n'a jamais su l'origine de son nom, ni même s'il avait une quelconque signification. Foley, quatre lettres, c'était son nom, c'était à lui et c'est tout ce qu'il comptait.
C'était son lien aussi. Son lien avec d'autres, avec le passé, le présent et l'avenir. Foley, ça devait le suivre, du début jusqu'à la fin. Rien qu'un nom, mais rien de moins qu'un repère aussi. Foley, c'est la seule chose qui a survécu à la balle dans le crâne. Foley, c'est la seule chose qu'on a réellement ramenée du dernier vrai voyage. Foley, nom sans signification, qui perdait de sa superbe au fil de temps, mais Foley, qui restait toujours, qui jamais n'avait fait faux bond.
Il l'avait écrit, ces quatre lettres, dans les derniers temps, il en noircissait des pages entières. Comme pour graver ce mot sans sens, devenu seule rappel d'un homme, d'une personne que petit à petit, on oubliait. Il s'est demandé, en écrivant, combien de temps, il lui restait, combien de temps ce nom resterait. Il avait été terrifié, parfois, de se rendre compte qu'il ne le reconnaissait pas, qu'il lui fallait quelques secondes pour regarder l'ensemble de lettres sur la feuille et se dire "ah, c'est mon nom". Alors il avait écrit, écrit encore, noirci presque l'équivalent d'un cahier. Foley. Foley. Foley. Foley. Foley. Foley. Foley. Foley. Foley. Pour ne jamais oublier.
Et puis un jour, il a été forcé de quitter ses pages d'écriture. Forcé de poser le stylo, forcé de laisser le cahier aussi orphelin que son propriétaire. Il était parti, il ne sait pas pourquoi il n'a pas pris le cahier ce jour-là. Il a simplement franchi la porte, sans rien, sans le moindre bagage. Il s'est dit qu'il n'en avait probablement pas l'envie. Peut-être qu'il avait eu peur aussi. Peut-être n'était-ce qu'une simple question de déni. Mais les feuilles noircies de son nom sont restées, bien à l'abri, dans son ancien chez lui.
Et plus jamais le nom de Foley n'a été écrit. Et c'est drôle, vous voyez, lui qui y avait mi tant de cœur, tant d'énergie. C'est drôle, de voir comment Foley lui est devenu étranger, inconnu. Mot absent de son dictionnaire, petit garçon menteur, qui criait au loup pour exister auprès des autres et que les dits autres ont fini par chasser.
Dans sa nouvelle chambre, dans son nouveau miroir, il a le regard morne.
"
Alors Foley ? T'en tire une tête" lui avait-on dit un jour.
"
Qui est Foley ? " Avait-il demandé.
Face à la confusion de son interlocuteur, il ne s'était même pas interrogé. Foley, quel nom étrange ! Encore un nom a couché dehors, un de ceux qu'on aime bien à Wonderland, parce qu'ils ne font rien comme tout le monde ici. Non, lui ce n'était pas Foley, lui, c'était Judas. Un nom de famille ? Lui en fallait-il vraiment hein ? Judas, juste Judas, ça a toujours été comme ça après tout non ? Il lui faut un ? Vraiment ? Bon, très bien. Petia. Comme le petit garçon qui criait au loup. Petia. Oui, ça sonne bien. Alors quand il a écrit de nouveau, il s'est mis à signer "J P". J, pour Judas. P, pour Petia.
Et pas une seule fois depuis, la lettre F n'a éveillé quoi que ce soit de nostalgique dans son esprit.