Assis sur le canapé, tu attends. Tout est impeccable car ce matin tu as fait les poussières, fait le lit (aiguisé les couteaux) ; fait les marbres, les sols (préparé le terrain).
Alors Alec allait habiter avec toi ; il avait eu pour ordre de ne pas mettre les pieds dans cette maison avant d'avoir posé sa démission. Alec Grey ne travaillerait plus au moulin rouge et toi non plus. C'était terminé, révolu mais lui as-tu seulement annoncé ? Non car le pauvre amant s'est inventé une concurrence déloyale, va te la servir sur un joli plateau d'argent.
Alec Grey est possessif mais il n'a aucune idée d'à quel point tu peux t'avérer pire. Décevant.

Tes mèches blondes s'agitent au gré d'un courant d'air, chatouillent ton visage inexpressif, emprunt à une patience légendaire et obsessionnelle. C'est à peine si tu respires, dans cette stature digne d'une statue. Serres les poings dans tes gants de cuir, écartes les cuises pour t'y accouder. Il ne devrait plus tarder.

Quand tu entends les ricanements sur le pallier, tu redresses légèrement le menton pour observer la porte s'ouvrir. Les gloussements s'intensifie et tu croises le regard d'Alec avec sévérité - cruauté déguisée qui se mue d'une fausse bienveillance quand il ôte le bandeau de votre invité. Tu te lèves pour l'accueillir, lui caresses la main du bout du cuir, effleures sa poitrine. Souffles.

— « Daisy... Quel plaisir de te voir ici. Alec a su garder la surprise, à ce que je vois. »

Murmure salace à son oreille, un oeil provocateur à ton amant. Oui, c'est rien que pour l'énerver, peut-être pour lui rappeler que malgré tout tu gardes un contrôle absolu sur tout ce qui vous entoure. Y compris sur lui.

Car si tu fais tout ça,  c'est pour une bonne raison. Le voir craquer le premier, se faire dominer par son impulsivité.

— « Tu sais, j'ai rêvé de ce moment de nombreuses fois pendant mon service. Toi, moi, ici. Alec te plait aussi,  pas vrai ? Allons, je sais ce que tu ressens. »

Comment pourrait-il en être autrement ?
Le visage se rapproche alors que tu prends en otage un de ses poignets. Si frêle, si faible. Lentement, tu viens lui voler un baiser, insiste sur le bruit humide de vos lèvres intimistes.

Porte le premier coup.
Je l'achèverai.

AH !
Tu ne lui laisses pas le temps, car avant qu'il ne se décide, tu romps le baiser.

— « Je te sers à boire ? »

Ni une ni deux, il n'aura suffit que d'un simple baiser pour le faire basculer de l'autre côté. Qu'il abandonne sa raison au prix d'une violence gratuite et injuste. Tu observes la scène d'un air faussement surpris, crispant les muscles de ton visage pour effacer un petit sourire moqueur et condescendant. Daisy crie, au sol, encaisse les coups en chouinant et tu soupires.
Pour la subtilité, on a connu mieux. Alec se penche au dessus d'elle et te force à reculer d'un pas, tu étouffes cette fois un gloussement narquois à la gifle qu'il lui assène.
Que tu es laide - oh Alec est jaloux, ce n'est pas gentil de rabaisser les autres.

— « Alec, ça suff- »

Il te pousse contre le mur. C'est ton tour de subir son courroux c'est ça ? Quel idiot. Tu t'abandonnes à ses lèvres alors qu'il les embrasse de force. Murmures à son ordre déguisé.

— « Je te trouve injuste à juger notre amie ! Tu étais une pute Alec, et Dieu sait que ta bouche a trainé. »

Regard intense, dégout qui remonte. Toi aussi, la possessivité torpille tes entrailles, mais tu sais te dominer.

— « Et ça ne m'a pas empêché de t'embrasser. »

Il s'éloigne à ces mots, repasses devant une Daisy déjà mortifiée et lui craches dessus. Tu exultes d'une longue inspiration, Aslan, et le voir s'assoir tel un enfant roi sur l'accoudoir t'arrache des frissons d'excitation.
Mais quand même, il s'est laissé emporter, et a gâché ton plaisir des ouvertures.

— « C'est pas vrai... »

Tu te penches en avant, t'accroupis devant elle pour l'observer sous toutes les coutures.

— « Pardonne Alec, Daisy. Il est un peu sur les nerfs. »

Tu l'aides à se relever, désormais craintive et encore en pleurs. Elle regarde Alec et crie, te casse les oreilles. Hurles à qui voudrait bien l'entendre que c'est un malade mental, un fou furieux et qu'elle veut rentrer chez elle, qu'elle ne passerait pas une minute de plus en votre compagnie de tarés. Tu fais la moue.

— « Oh. »

Et foudroies Alec du regard.

— « Tu as vu ce que tu as fait ?! Maintenant tout est gâché ! Je voulais voir son visage se décomposer en apprenant que toute cette invitation était en fait faux ! En comprenant qu'elle allait mourir ici ! Et toi tu... roh. Vraiment tu m'énerves, sale cabot. »

Daisy comprend, vous regarde et s'affole. Mais alors qu'elle tente de s'échapper, tu la tiens toujours par le poignet. Serres si fort et tires d'un seul coup que ça lui casse.

— « Je suis très en colère moi, maintenant. Rend toi utile et va me chercher un couteau. »

Mais je ne suis pas Daisy. Il te rend fou à avoir réponse à tout, tu le toises d'un air aussi sévère que menaçant avant de te reconcentrer sur une Daisy indocile. Malgré les cris, tu restes imperturbable - pas ému une seule seconde par ses pleurs ou par ses insultes ; même si tu les comprends. Tu n'es pas étranger aux exacerbations du comportement humain, tu n'y es juste pas sensible quand ça ne concerne pas directement ton confort ou ta propre stabilité.

— « Bonne idée, Alec. »

Tu rigoles, véritablement détaché de la situation pendant un instant. Te permets même une pointe d'indécence.

— « On essaiera ce scénario sur la prochaine. »

Regard appuyé envers ton compagnon, le poignet se brise sous tes doigts alors que tu tires Daisy vers toi. Malgré son beau visage, tu n'arrives pas à lâcher celui d'Alec du regard. Il est encore plus beau quand il est en colère, quand il joue ce rôle d'enfant roi. Tu lui offrirais bien une couronne mais vous aviez mieux à faire.
Il t'installe les couteaux et leur disposition symétrique et ordonnée t'arrache un frisson de plaisir et de satisfaction singulière. Tu relèves le visage vers lui avant de caler tes deux mains sur les tempes de Daisy, la forces à te regarder dans les yeux alors que tu caresses ses cheveux pour tenter de la calmer.

— « Arrête... C'était une blague. Tu sais quoi ? Quand j'ai dis que tu allais mourir, j'y suis allé un peu fort. »

Tu colles ton front au sien, sans la lâcher. Elle ferme les yeux en geignant des absurdités, son mascara coulant ayant tracés des sillons sur ses joues roses poupée.

— « Si tu encaisses suffisamment je te laisserai partir. »

Parce que même si Alec est dans l'équation, tu penses toujours en je. Tu viens saisir le plus petit des couteaux et plaques sa main sur la table basse du salon.

— « Ok, alors. A la une... à la deux... »

Elle crie encore.

— « A la trois. »

Et la lame traverse la peau et le bois.
A son étranglement de douleur, tu saisis son visage. Dévies le regard vers Alec alors qu'un sourire perfide se dessine. Tu te rapproches de ses lèvres sans le lâcher des yeux. Jubiles intérieurement Aslan, de le rendre terriblement jaloux. Tu veux qu'il se déchaine de nouveau, tu veux voir sa rage. Frôles les lèvres purpurines de la prostituée de luxe en déclin.
Et quand tu penses luxe, c'est avec dédain.

Il est terrible que de ses atouts charnels tu n'en retiennes que des triggers pouvant le faire sortir de ses gongs. Alec est une boule de nerfs qu'il est amusant de chatouiller pour la voir exploser. Mais si votre proximité fait qu'il peut se permettre des familiarités, tu pestes intérieurement qu'il remette en cause TON autorité chez TOI (vous).
Quand il saisit ton visage, tu le secoues de droite à gauche pour te dégager, sursautant discrètement lorsqu'il plante à trois reprises un couteau attrapé au hasard, dans la paume d'une Daisy maintenant mortifiée de douleur et de peur.

Il faut l'avouer, l'impulsivité excentrique de ton amant ne te laisse pas indifférent. Tu n'as d'yeux que pour lui, fasciné (obsédé) par sa carrure et son sourire détraqué. Tu le sais, Aslan, que rien de ce qu'il se passe actuellement n'est normal, ni toléré, par la loi et la morale - et pourtant tu y prends un plaisir fou. Le pouvoir te va bien au teint, et le sadisme n'a rien d'un grain.

— « Tu me fatigues. Contrôle toi. »

Non. Déchaine-toi, enchaine-moi.
Exultes de l'attention qu'il te porte, en t'offrant le dernier coup. Tu pousses Daisy sur le sol, la forces à s'allonger, sans pour autant décrocher sa main sanglante plantée dans la table. Tu t'assois sur son ventre, en tailleur. Comme si elle n'était au final qu'un meuble dans le décor, un tapis humain qui n'en est plus vraiment un.

— « Je ne sais pas. Un torchon dans la cuisine, peut-être. »

Tu lui indiques d'un mouvement de menton et attends serein qu'il aille le chercher, sifflotant un air connu (mais non identifié) pour couvrir les pleurs et les gémissements.
Tu attrapes finalement le tissu et y fait un noeud, le tend en le prenant de chaque côté et le places en l'air pour observer Alec.

— « J'aimerai bien te bâillonner toi aussi. »

Sourire innocent, à peine provocateur (à peine, à peine !) et tu le glisses finalement entre les lèvres de votre invité pour étouffer ses hurlements futurs.

— « Bien ! La suite ! J'ai un sous-sol. »

Tu hausses les épaules, agis comme si tu n'avais rien prévu. Alec va bientôt craquer, tu sens qu'il peut vriller d'une minute à l'autre.

— « Aide moi à la porter jusqu'en bas. »

Tu ter relèves, guilleret.

— « C'est parti ! »

Parce que tu t'amuses, réellement. Et c'est trop rare pour ne pas le notifier.

Tes joues se teintent légèrement de rose lorsqu'il te provoque, mais tu étires un sourire crispé pour le dissimuler. Qu'il essaie seulement - ah ! Vous n'avez pas fini de vous entretuer maintenant que vous habitez sous le même toit. Tu ne penses plus à Daisy, mais à ce qu'il pourrait te faire, à ce que toi tu aimerais lui offrir.
Bien sur que tu essaieras. Quitte à avoir l'éternité devant vous, tu ne veux pas t'ennuyer. Encore moins te lasser. Et tu ne te doutes pas une seule seconde qu'il se pliera à tes exigences pour éviter ça, pour entretenir vos exigences mutuelles.

— « Si tu me cherches, tu me trouveras. »

Regard appuyé et entendu. Tu l'observes prendre les devants, porter Daisy et tu entreprends de le conduire dans le couloir qui mène à ta chambre. Une porte discrète et grise est située au centre d'un léger renfoncement dans le mur. Tu descends une marche et déverrouilles l'issue, allumes la lumière. Les escaliers sont en béton ; l'endroit est très impersonnel, les murs gris et ennuyeux. Tu descends le premier.

— « Suis-moi. »

Une fois en bas, il n'y a pas grand chose. Quelques outils. Tu t'adonnes à construire des meubles quand tu te fais chier - rien de bien croustillant.
Et pourtant. Tu ne t'es jamais penché sur le besoin d'une salle de torture ou autre fantaisie bizarres. Ce genre de mise en scène, ça te stresse plus qu'autre chose. Ta créativité se dessine dans ta cruauté, dans la dureté de tes mots, pas dans des chaines ou des installations.
Cependant, l'idée de construire une niche pour chien te fait sourire un instant. Si seulement Alec pouvait lire les pensées, tu te réjouirais de voir sa tête se décomposer.

— « Pose la dans un coin. »

Tu remontes les escaliers en trottinant et fermes la porte derrière vous. Désormais, la seule source de lumière est cette ampoule à faible lueurs située au plafond.
Tu tournes autour d'eux, surtout autour du corps tout tremblant de Daisy. Tu ramasses un marteau (celui qui te sert habituellement à bricoler).
La fille n'est désormais plus que la fille ; déshumanisée tu en as oublié son prénom son rang son but son esprit son âme - il n'y a plus que le corps fourmillant d'impuretés.

Sans prévenir ni introduire tu abats le marteau sur sa jambe pour la casser. Les larmes montent aux yeux, soudain perturbé par tant d'horreur. Tu as déjà tué, tu as déjà fait souffrir.
Mais torturer à mort, c'est nouveau.
C'est violent, insultant pour le genre humain - mais ça tombe bien, tu l'exècres !

La peau se violace autour du tibia fracturé et la lueur dans les yeux bouffis s'éteint peu à peu. Le choc post-traumatique doit anesthésier sa douleur. Dans un râle effréné, tu brises l'autre jambe. Laisses les larmes couler sur tes joues.

— « Tu es sale ! SALE ! Putain ! »

Renifles et rigoles, pour intérioriser tes émotions en débordement. Tu ne regardes plus Alec, en transe. Le sadisme est réservé à l'Homme, pas aux animaux. Il est fait pour éduquer, punir.
Et daisy va être éradiquée.
Tu ramasses une poignée de clous et t'assois à côté du corps sans rien dire, concentré. Les enfonces à équidistance sur la peau couverte d'hématomes. Brises le silence sans pour autant tourner la tête vers lui.

— « Tu vas attendre longtemps ? Souille la. »

Souille-moi.

Il te contemplait. C'est bien le premier, à te remarquer de cette manière, à te voir tel que tu es vraiment et pas seulement une ombre invisible et pernicieuse qui se glisse toujours dans le dos des gens. Tu aimes regarder, observer, espionner... mais tu aimes tout autant l'inverse : qu'on te remarque. Exister dans les autres, c'est si puissant.

Le corps sursaute presque en réflexe quand Alec abat son poing. Daisy agonise, privée de ses jambes, de ses beaux cheveux, de son visage. Elle décrépit, seule et sans espoir. Cette issue t'angoisse uniquement parce que tu la transposes sur ta propre existence - ne te confond en rien à une empathie potentielle. Elle n'est rien pour toi, si ce n'est une coquille vide que tu t'amuses à déformer un peu plus.

— « Je suis ravi que tu y prennes du plaisir. »

Ta voix est sèche, enrayée par les sanglots étouffés au creux de la gorge. Tu remontes avec tes petits clous jusqu'à sa cuisse. Son short te barre la route et de toute façon Alec s'est rapproché de toi. Tu relèves la tête et fermes les yeux quand il vient lécher ta joue, récolter tes résidus de larmes.

— « Arrête. Je ne suis pas beau, comme ça. »

Déformé par les émotions, celles que tu repousses usuellement.
Le repousses de tes mains, ensanglantées, tâches son haut alors que tu appuies sur son torse pour l'éloigner de toi. Qu'il te laisse de l' a i r.

— « Qu'est-ce que... »

Tu grimpes sur le corps rigide de Daisy, t'allonges presque sur elle alors que tu colles ton oreilles sur sa poitrine. Déclares avec froideur.

— « Elle est morte. Elle a du faire un arrêt cardiaque à cause de la douleur. »

Tu te crispes tout entier, serres tes poings de rage et de haine. D'abord en boule, tu glisses sur le bas côté, épouses le béton brut du sol avant de te relever d'un coup et de lui donner un violent coup de pied dans les côtes.

— « SALOPE ! SALOPE JE TE CREVERAI ! »

Mais elle est déjà morte, pas vrai ?
Ça t'empêche pas de te déchainer sur elle, sur cette poupée de chiffon sans âme.

— « Je vais la tuer Alec, je vais la tuer. »

Tu nages en plein délire.

Ça ne te soulage en rien, ça te plonge dans une rage délirante. C'est comme si le chaos lui même murmurait à ton oreille. Alec se loge dans ton dos - il est ce mur froid et dur contre lequel tu veux ramper, et ce pour toujours désormais. Le couteau qu'il glisse entre tes mains, tu t'accroches au manche, y compresses tes doigts. Tu souffles, bercé par la voix qui te commande. C'est une symphonie dont il s'improvise chef d'orchestre.

Tue-la.
Mais pour qui et pour quoi ?
Tue-la.
Pour toi, Alec ?
Tue-la.
Pour toi, Aslan ?
Tue-la.
Pour vous, mais cela changera t-il quelque chose ?

Tu te détaches de ton amant, tombes à genoux à côté du corps. Tu assènes la poitrine déjà affaissée de Daisy d'un nombre incalculables de coups de couteau. Tranches et découpes, marteles, avec pour seule compagnie cette voix qui hurle dans un coin de ta tête crève crève crève crève. Une fois ton oeuvre achevée et sang bien répandu tout autour du dit cadavre, tu restes à genoux.

— « C'est fait. »

Tu t'étends par terre, allongé dans la flaque de sang, celle qui tâche tes vêtements, ta peau, tes jolis cheveux blonds. Lèves les yeux vers lui, toujours debout.

— « Ne me regarde pas de haut. »