Tu l'observes, et ton  coeur se soulève en le voyant aussi abimé. Il a tout de l'animal blessé, celui qui aurait tout fait pour sortir de sa cage, et ce jusqu'à l'épuisement ou la mort.
Tu fonds vers lui, glisses à genoux à l'entrée de la niche. Les poings sur tes cuisses tu les serres en inspirant lentement. L'expression désabusée tu orientes le visage de manière à l'inspecter.

— « Tu as trop forcé. Tu t'es fait du mal inutilement. Et je vois que tu t'es abimé la voix. Pourquoi Alec ? Personne ne pouvait t'entendre. »

Tu soupires.

— « Tu es vraiment bête comme garçon. Tu m'étonnes que j'ai fini par te mettre une laisse. »

Il s'agace et tape du pied, tu recules suffisamment pour ne pas te prendre un coup. Restes à l'affut pour réussir à le cerner et glousses. Tu te sens d'humeur sadique ce matin pour en remettre une couche. Tu fermes les yeux et t'accroches à l'encadrement de l'ouverture de bois, inclinant la tête de droite à gauche comme si tu étais bercé par une mélodie.

— « Avec Lassie. »

Ajoutes après quelques secondes.

— « Et on a baisé. Ou plutôt JE l'ai baisé. Elle était si mignonne à me réclamer. La pauvre a peur que je change d'avis et que je la tue. Je l'ai laissé me sucer aussi. »

Tu es volontairement cru pour avoir le loisir de voir son visage se décomposer. A le voir fondre de rage ou de tristesse tu jubiles de sa réaction avant de finalement avoué.

— « Je plaisante mon coeur ! Elle n'a pas bougé d'ici, comment veux-tu qu'on fasse quoi que ce soit elle et moi ? »

Tu sors et te relèves, t'approches du mur à droite du coin où a été battit la niche et tape contre le mur. La teinte du béton a changé à un endroit précis.

— « Elle est là dedans. »

Il peut le voir, ce sourire fou et malin.

Aboyer le plus fort hein... Non mais quel idiot. Tu n'arrives pas à cacher ton enthousiasme et ta joie à l'écoute de sa voix flagada. Tu trépignes de lui dire, de lui révéler la nouvelle ! Il n'y a rien d'autre qui compte depuis que tu es debout et que tu as commencé à te préparer : descendre ici pour le caresser un peu et lui annoncer ce qui est arrivé à Lassie. Quelle merveilleuse vision que son visage se décomposant lentement. Ses prunelles s'assombrissent et peines à imaginer tout le dégout qui doit le traverser. Mais tu es un peu déçu face à son unique réaction. Serait-il clairement fatigué ? Tu te doutes que c'est bien ça la raison.

— « Mon pauvre coeur, tu me fais de la peine. »

Mépris à peine dissimulé, viens le moment de taper contre le mur pour entendre une réponse. Fronces les sourcils quand il pense à tort qu'elle est morte. Te félicite même ! S'en réjouis ! Quelle audace... Tu as l'air un peu perdu Aslan, clairement désabusé.

— « Quoi...? »

Tu t'approches malgré tout, t'éloignes du béton que tu caresses du bout des doigts et rentres dans la niche. Sous l'impulsion tu te mets à genoux, hypnotisé par son rire fou et macabre.
Tu glisses ta tête dans le creux de son cou et y passes lentement ta langue. Remontes avidement à son oreille avant de souffler par le nez ton exaspération.

— « Aah.. Tu me manques déjà, je dois bien l'avouer. »

Tu poses ta tête sur son torse, en totale confiance. S'il se met à agir de manière stupide, il sera sévèrement puni. Enfin... il le sera dans tous les cas n'est-ce pas ? La vengeance n'est pas encore achevée.

— « Mais elle n'est pas morte ! Je l'ai mise là pour te laisser la place mais elle n'est pas morte ! »

Sur de toi, tu t'éloignes pour aller piocher dans les outils au préalable abandonnés dans un coin de la pièce. Tu te saisis d'un marteau et t'approches de la paroi. Il y a un carré d'un mètre sur un mètre ou le mur n'est pas noir mais gris.

— « En fait ce n'est pas du béton. Mais du ciment. Il se fracture si on le tape assez fort. »

Tu commences à le frapper de la pointe du marteau. Répètes encore et encore jusqu'à fissurer le ciment pas totalement sec. Ton front transpire d'effort. Tu continues jusqu'à faire apparaitre une petite brèche. A l'aide de tes doigts, tu désagrèges totalement autour et des chutes de ciment s'accumule sur le sol. On distingue nettement un corps et tu ne retiens pas un cri d'horreur quand il te tombe dessus, le bras de Lassie s'éclatant en milliers de grains de poussière.
Elle a commencé à se décomposer - cela signifie alors qu'elle est ...

— « Non... Non non non non ! Lassie ! Non ! »

Tu te tournes vers Alec, les larmes aux yeux. Surpris et envahi d'émotions de désarroi. Elle n'était pas censé mourir aussi vite. Tu lui avais juré que tu la sortirais de là, elle avait promis d'être sage et silencieuse.

— « ALEC ! Lassie est MORTE ! Qu'est-ce qu'on va devenir sans notre chienne ?! »

Elle est MORTE ! ELLE EST MORTE ! Il s'écrie de joie et tu ne peux retenir les larmes qui dévalent tes joues. Le souffle saccadé par les sanglots, tu reposes lentement le reste du corps sur le sol. Tu trembles et cales sa tête contre ton torse, lèves les yeux vers Alec sans la lâcher. Tu es en colère face à son rire - qu'est-ce qu'il y a de si drôle à perdre un animal auquel vous vous êtes attaché, hein ? Tu fronces les sourcils, sans arrêter de pleurer.

— « Tais-toi, TAIS TOI ! »

Il calme son hystérie et tu caresses doucement les cheveux de Lassie, démuni. Tu sens la peau de son cou se désagréger lentement sous la pression de ton bras et ça t'arrache un sale de complainte. Tu renifles un coup et observes son visage un peu mutilé. Tu ne t'étais jamais vraiment attardé sur ces détails. Tu as été horrible avec elle. Elle avait été si sage et bien dressée.
Quand Alec propose d'aller t'en chercher une autre tu pestes et lui hurles dessus.

— « ÇA NE SERA PAS LA MÊME LASSIE ! LES ANIMAUX NE SE REMPLACENT PAS COMME DES OBJETS ! »

Et encore, tu avais cette fâcheuse tendance à t'attacher aux objets aussi.
Tout ce qui n'était pas humain au final - et cette chose n'avait plus rien de tel depuis longtemps. Elle avait abandonné joyeusement sa condition pour embrasser celle que vous lui aviez donné.

— « Mais oui... Tu feras ton travail et tu... »

Tu lâches le corps brusquement, le côté gauche du visage s'éclate au moment du choc. Le sable coule et ruisselle sur le béton. Tu rejoins la niche et t'accroupis.

— « Tout ça c'est de ta faute. C'est pour toi que je l'ai rangé. Pour que tu sois tranquille. »

Tu le gifles.

— « Tu n'as jamais aimé notre chienne. »

Ta bouche se tord en un sourire disgracieux et cruel.

— « Pourtant entre cabots vous auriez pu communiquer. Bien vous entendre. »

Tu rentres totalement et t'agenouilles devant lui. Chopes son visage au niveau de son menton pour l'écrabouiller sous tes doigts.

— « Bien. Passons aux choses sérieuses désormais toi et moi. Tu as été un mauvais garçon, arrogant et trop gourmand. Tu as besoin de rééducation. Par quoi on commence ? Je sais ! Des excuses sincères et convaincantes. »

Le sourire disparait avec l'espoir d'une magnanimité.

— « Excuse toi. »

Il ne s'excuse pas. Alec ne s'excuse pas ? Vilain garçon. Voilà ce qu'il est - et toi tu t'y connais un rayon en éducation. Tu tournes lentement la lame dans sa paume pour lui arracher quelques cris de douleurs étouffés. Son égo le perdra mais il n'y a rien que tu aimes plus que de le voir lutter. Que de l'entendre censurer sa souffrance qui crie pourtant intérieurement à l'aide.
Tu laisses finalement le couteau enfoncé dans le mur (au travers de sa main) et glisses tes doigts à ses joues pour appuyer sur ses fossettes, ainsi réorienter la direction de son regard. Dans le tien.

— « J'ai été très clair. »

Il dégueule son dégout et son mépris envers Lassie. Tu louches discrètement vers le cadavre derrière vous. Ça t'arrache un frisson. Pourquoi ne comprend-il pas que tu ressentais un attachement profond pour cet animal ?

— « Je parlais de MOI. »

Tu le secoues dans tous les sens. Tes mains plaquées sur ses épaules.

— « C'est à MOI que tu dois faire des excuses ! Et ne me demande pas pourquoi. Tu sais pourquoi. Tu le SAIS. »

Tu te saisis d'une touffe de cheveux et tires sa tête vers le haut.

— « Je n'ai plus de patience Alec. Tu vas cesser de jouer l'enfant capricieux et arrogant car ça va mal finir. Tu sais jusqu'où je suis capable d'aller pour obtenir ta capitulation. Ne veux-tu pas t'épargner de la douleur inutile ? De l'humiliation ? Tu vas perdre. »

Sourire crispé.

— « Parce que je gagne toujours à la fin. Tu l'as encore oublié. Tu perds à chaque fois mon coeur. A CHAQUE fois. »

Tires encore sur ses cheveux, encore encore encore. Qu'il ne se dérobe pas de toi.

— « Si dans cinq secondes tu n'as pas craché des remords sincères je te défonce l'autre main. Ensuite ça sera les pieds. Et je t'aurai cloué à cette niche pour l'éternité. »

Pat pat.

— « Bon chien. »

Je te connais.
Tu n'aurais jamais cru un jour entendre quelqu'un te dire ça droit dans les yeux et d'être capable de le croire. Il te connait plus que tu ne te connais toi même. Tu le connais lui au plus profond de son intégrité, de sa déshumanité. Tu l'as déshabillé de ses chairs pour enchainer son âme.
Quand il a mal, tu souffres terriblement.
Quand il se retient de hurler, tu veux l'accompagner.
Quand il se rebelle, tu t'empêches de l'encourager.

Parce que c'est ce que vous êtes devenus, à force. C'est ce qu'il est aujourd'hui qui a éteint celui que tu étais hier. Quand tu le regardes s'adonner à la douleur, tu le contemples, inexpressif. Tu te surprends à trembler malgré tout, à déglutir plusieurs fois.

— « Je te hais. »

Quand il refuse de capituler, t'as fait miroiter des excuses pour finalement t'humilier encore. La rage te monte au front et tu bascules ta propre tête en arrière. Fixes le plafond de la niche, fiévreux. Tu ris Aslan, nerveusement et de manière saccadée. Tu ris jaune parce que l'obscurité a déjà englouti le rouge.

— « Je ne peux pas te tuer. Je ne VEUX PAS te tuer. »

Tu es bouleversé, alors que tes doigts lentement cherchent à se saisir du manche d'un autre poignard disposé à côté de tes genoux.

— « Tu m'y obliges mais je ne veux pas... »

Tu enfonces sa lame dans son autre main, ça t'arrache un hurlement désaxé. Quand il a mal, tu as mal ! C'est un fait !
Totalement crucifié, tu te laisses tomber sur les fesses face à lui. Tu essuies ton nez coulant d'un revers de manche, renifles de façon dramatique.

— « Si tu meurs, je me donnerai la mort. »

Tu le toises. Les larmes au coin des yeux ne les empêchent pas d'être impérieux.
Victorieux (amers).

— « J'ai aimé chaque seconde. »

Le sourire s'étire et se tord.
Tu n'as plus rien d'humain.

Vous avez pourtant côtoyé la mort à chaque seconde. Vous l'avez embrassé de tout votre soul, vous l'avez caressé dans le bon comme dans le mauvais sens. Tu n'as pas peur de la mort, car Cecil est déjà passé par là - en est ressorti le prince charmant. Que restera t-il de tes poussières ? Que renaitra t-il de tes cendres Aslan ?
Que deviendrais-tu sans lui, et que deviendrai-il sans toi ?

Tu comprends pour la première fois le sens du mot amour quand tu le vois se déchirer pour toi, s'abandonner la douleur des chairs qui se brisent, sous le joug des chaines imbrisables. Tes yeux ne pleurent plus Aslan car tu le contemples geindre sur l'idée de ton suicide.

— « Je ne t'abandonne pas. Je ne mourrais que si tu n'es plus là. Calme toi... »

Tu portes une main à son visage, le gratifie d'une caresse douce. Son état (et c'est bien la première fois) fait naitre en ton sein une forme de pitié. Tu as de la compassion pour lui, toi qui t'en savais incapable. Peut-être qu'au fond, tu projettes juste. Ce n'est pas réel, mais c'est tout comme et ça te suffit amplement. L'important c'est que l'illusion soit assez réaliste pour que tu puisses y croire.

— « Tu as abandonné ta fierté Alec. Tu t'es nié pour moi. Personne ne l'a jamais fait. »

Tu confesses, et remontes tes doigts à son oreille.

— « Je ne l'ai jamais fait. »

La douleur et les pertes de sang doivent provoquer chez lui des acouphènes violents. Il est à la limite de l'inconscience, tu le sens.
Déposes un baiser sur ses lèvres alors que tu tires brusquement le premier poignard du mur, non sans lui arracher un cri.

— « Je suis désolé. Encore un à supporter. »

Extirpes le deuxième.

— « Je vais... Je vais chercher un élixir. Ne meurs pas, s'il te plait. »

Tu sors, non sans un pincement au coeur de l'abandonner à son hémorragie et à son triste sort. Tu remontes vite les escaliers, retournes les étagères de la salle de bain pour trouver un remède et redescends pour le retrouver. Tu portes le flacon à ses lèvres et laisses agir la magie. Ça lui soigne totalement ses blessures. Ainsi, après quelques hésitations qu'il peut percevoir, tu prends l'initiative de le détacher. Il s'est suffisamment excusé.

— « Tu es mien. Je n'aurai jamais assez de l'éternité pour te le dire. »