Helios. Et il se demande, lorsqu'il entend de nouveau son prénom, pourquoi il en sonne si dramatique aujourd'hui. Un peu plus tôt avec Susan déjà, tandis qu'il le découvrait sous une facette qu'il ne lui avait jamais connue jusqu'alors. Une facette qui lui rappelle un peu toi étrangement, dis Jasper, pourquoi ? Pourquoi tout semble si triste entre vous depuis si longtemps maintenant qu'il peine à se souvenir des heures joyeuses de l'enfance. Il en est responsable, pas vrai ? De ces secrets qui séparent vos routes et de ce gouffre béant qui menace de te faire chuter. Il en est responsable.

Un soupir à peine tandis qu'il se retourne, un sourire aux lèvres. Le visage est fatigué mais la journée terminée alors il se sent mieux, et puis tu es là. C'est beaucoup.

— Salut.

C'est doux, toujours lorsqu'il s'adresse à toi. Tranquillement s'adosse alors contre le pilier derrière lui. Avant que tu n'arrives il observait les jardins de ce couloir de pierres en hauteur où vous vous trouvez. Un pied posé sur le petit socle de pierre, les bras croisés contre son torse, il y a une ombre légère qui traverse son regard lorsque tu demandes.

Comment il se sent.
Est-ce que c'est si important ?

— Hm.. Fatigué, mais cette journée est enfin terminée. Pourquoi tu me cherchais ?

Darde ses iris dans les tiens, tranquillement.
Après toutes ses années, même en te délaissant, il parvient à déceler tes humeurs tu sais ? Tu as l'air préoccupé et il se demande si c'est de sa faute ou si c'est autre chose. Autre chose, sans doute. Un peu des deux.

— T'as l'air contrarié.

Toi aussi foutrement épuisé.

Ses sourcils se froncent imperceptiblement lorsque tu confirmes ses soupçons. C'est parce que tu es contrarié et fatigué que tu sembles si mal, et il a un peu de peine dans le regard soudain -est-ce que tu le vois ? Il se demande, va pour te demander ce qu'il t'arrive mais tu le devances et ta question le prend de cours. Maintenant que notre reine à fauté, tu vas la condamner ?

— Je-

Coupe sa phrase en plein élan, conscient soudain que ce qu'il s'apprêtait à te dire ne relevait en aucun cas d'une bonne idée. Je suis celui qui l'ai poussé à la faute alors comment pourrais-je ? Il est monté sur cette estrade sous au regard de tous, il a fait lever sa voix pour demander à sa Majesté de lui accorder confiance, Jasper. Mais il préfère que tu ne t'en souviennes pas, espère encore vainement que tu n'ais pas remarqué mais ça lui semble bien impossible étant donné que tu étais présent et bien plus proche de la scène que la plupart de vos confrères.

Aussi préfère-t-il te laisser continuer, faire comme si sa phrase n'avait été stoppée brutalement que parce que tu avais enchaîné directement tes peurs et ta colère.

— Jasper.

L'intonation est douce malgré sa fermeté, un demi-sourire qui s'échoue au coin de ses lèvres avant qu'il ne continue calmement.

— Je suis un soldat, je ne suis pas en mesure de juger qui que ce soit, qu'il fût Reine ou mendiant. Peu importe, tu sais ?

Peu importe ce qu'elle fera, il aimerait y croire mais Helios sait que certains choix futurs l'obligeront inévitablement à prendre parti plus clairement. Que ce soit pour la Couronne, pour l'Œil ou pour lui-même, il viendra un temps où il ne pourra plus se contenter de protéger les trois -mais ce n'est pas le cas, présentement.

— L'important c'est ce que tu penses toi, et la loyauté que tu accordes à sa Majesté est une bénédiction. Crois-moi. Ils ont de la chance de t'avoir, ne laisse pas ton père gâcher ça.

Ne laisse plus jamais personne gâcher quoique ce soit.
Ni tes parents ni même lui.

Laisse finalement s'échapper un souffle bien plus léger tandis qu'il se décolle d'un mouvement souple de la colonne contre laquelle il s'était adossé pour venir passer un bras chaleureux autour de tes épaules. Ça faisait longtemps et il se rend compte maintenant à quel point ça lui avait manqué.

— Tu prends un verre ?

Sourire en coin, ce n'était pas vraiment une question.

— Tu es mon ami avant d'être soldat, enfin bon.
— Hm..

C'est soufflé rapidement tandis que ses iris t'esquivent un instant, c'est qu'il se sent coupable tu sais. C'est qu'il est coupable. De se perdre, de s'éloigner et de te laisser là en plan comme un con. Il ne le veut pas, ne l'a jamais voulu bien au contraire mais il ne sait plus comment faire maintenant. Helios soleil, Helios solaire et rassurant mais pas si doué avec les sentiments. Finit toujours par ternir l'éclat de ceux à qui il tient le plus -toi, Jasper. Alors, sans vraiment se douter que la solution n'est pas la bonne il renferme une nouvelle fois ses craintes pour porter à ton égard une œillade plus confiante lorsqu'il tente de te rassurer. Te parle de cette loyauté qu'il admire chez toi et dans sa neutralité il essaie de te faire comprendre qu'il est là. Qu'il essaie lui aussi. D'être l'ami, le frère, tout ce dont tu as besoin. Ce n'est pas facile, les mauvaises habitudes ont la vie dure tu sais.

Mais il ne t'abandonne pas.
Il n'oublie pas non plus; jamais.

Son sourire qui s'agrandit quand tu acceptes sa proposition, en vérité il t'aurait tiré de force en cas de refus alors le voilà plutôt soulagé. Une exclamation plus enjouée soudain, marchez quelques pas avant que tu ne demandes s'il a une bouteille cachée. Regard en coin dans ta direction, sourire léger et amusé.

— J'ai mieux.

Énigmatique tandis que vous parcourez tranquillement les couloirs, bras dessus bras dessous. Il est bien décidé à ne pas te lâcher, du moins, au moins le temps que vous arriviez jusque ses appartements. Quelques éclats de rire parsemés le long du chemin, il se sent déjà mieux malgré cette sensation toujours oppressante de te voir loin de lui. Si proche pourtant, palpable pour preuve sent la chaleur et la robustesse de ton corps contre le sien.

Il retient un soupir puis te relâche pour ouvrir la porte, te faire entrer, refermer.

— Fais comme chez toi, précise t-il en allant directement dans la petite pièce à vivre juste à gauche de l'entrée.
Comme d'habitude.

S'empresse de sortir du minibar près de la fenêtre deux verres et une bouteille de whisky qu'il pose sur la table basse. Te lance un regard avant de te désigner le bar d'un mouvement de tête.

— Y a de la bière et de la vodka si tu veux.

Et pas mal d'autres choses à vrai dire, alors prends ce que tu veux et rejoins-le. Il s'assoit au sol, sur la moquette ivoire puis se sert un verre en t'attendant. Dis Jasper, tu crois que vous pourrez vous retrouver pour de vrai ce soir ?

Lève son verre pour trinquer lorsque tu es prêt, le sourire tendre aux lèvres.

— À ta santé.

Mon ami.