son sourire le laisse de marbre, son expression à lui toujours intacte.
elle n'est chassée qu'au contact de sa paume sur sa joue — le fait s'appuyer contre celle-ci, alors que ses paupières retombent.
un jour, il apprécie son pouvoir, le lendemain, il ne peut que le maudire.
mais au fond, c'est lui-même qu'il abhorre, son manque de contrôle, ses émotions qui fluctuent à un rythme qu'il ne maîtrise pas non plus et la complaisance dans laquelle il s'est enfoncée.
c'est facile d'ignorer le problème, jusqu'à ce qu'il soit forcé de s'y confronter.

j'ai du respect pour les prostitué.e.s, mais je ne couche pas avec.
le myocarde rate un battement, douloureux et plein d'amertume.
ce ne sont pas les mots qu'il attendait, ou ceux qu'il espérait.
il ne pensait pas non plus qu'il lui rappellerait, par la même occasion, que leur relation, sans être uniquement réduite aux nuits passées dans ses bras, n'était tout de même rien de plus.
mais il s'en contente, ariel, comme de toutes les miettes d'affection dispersées au fil des ans.
dragon écarlate sur son minuscule trésor qu'il protégerait malgré tout avec véhémence.

et quand la tendresse s'éclipse, remplacée par un feu qu'il ne connaît que trop bien, il y répond avec la même ardeur.
les doigts de sa main intacte se perdent dans ses cheveux blancs, laissent une traînée de vermillon sur son chemin — le rebord de la baignoire où ils étaient précédemment posés, son épaule, fine ligne sur sa mâchoire où son pouce l'a frôlé.
parce qu'à défaut de le rassurer comme il le souhaite, opal peut bien le faire oublier.
et c'est tout ce dont il a envie.

oublier.
la douleur, le casino, le croquemitaine, la déception.
tout avait été relégué au fin fond de son esprit, ravi de n'avoir qu'opal en tête quand il parvient enfin à s'endormir.
mais chasse le naturel et il revient au galop.
et lorsqu'il avait finalement ouvert les yeux, seul — le lapin blanc avait déjà disparu il ne sait où, les événements de la veille s'étaient mis à jouer et rejouer derrière ses paupières closes.
encore et encore.
tant et si bien, qu'il n'avait pas cherché à se lever.
ou faire quoi que ce soit.

ce n'est qu'après une énième tentative infructueuse de trouver répit dans le sommeil, qu'il quitte les draps.
ariel récupère ses vêtements, toujours échoués sur le carrelage de la salle de bain et subtilise une chemise — après tout, la sienne est dans un état trop lamentable pour qu'il puisse en faire quelque chose.
s'habiller est une tâche plus laborieuse qu'escompter, les muscles de sa main encore trop raides pour être d'une grande aide, il n'a jamais autant maudit l'existence des boutons qu'à ce moment précis.
la tâche est abandonnée avant d'atteindre le col, trop agacé par ses doigts récalcitrants.

c'est le silence qui l'accueille, quand il pointe finalement le nez hors de la chambre, s'aventure dans la maison dans le but de rejoindre la cuisine.
et quand il croise billy, dont l'existence avait été largement oubliée jusqu'à présent, il se fige.
mortification et gêne le font rougir, quand il se souvient de la nuit dernière, et qu'il les pensait seuls.
il ouvre la bouche, prêt à se confondre en excuses, quand son attention dévie vers le portail qui s'ouvre.
et le hurlement qui lui parvient aux oreilles.

ce n'est plus la honte qui le tétanise sur place, mais la terreur.
son coeur s'agite dans sa poitrine, alors que le sang ne fait qu'un tour.
alastor-
la paume, poisseuse et sanglante, d'opal, attrape la sienne, le ramène de force à une réalité qui n'est pas plus agréable que son cauchemar éveillé.
ariel tremble malgré lui, mélange d'effroi et d'inquiétude, à le voir ainsi — l'ivoire tâché d'un rouge qui n'est pas le sien.
il ne pipe mot, reste un spectateur silencieux des soins prodigués par le lézard, dont les gestes trahissent l'habitude.
ça le rassure, un peu, de le savoir entre bonnes mains (#lol).
mais pas suffisamment pour chasser la peur qui s'est logée dans ses tripes.
le retrouver ?
qu'avait-il fait ?
qu'avait-il fait ?
ariel réalise l'horreur de la situation, alors que son regard s'assombrit et que son expression se fait livide.

— opal...

le murmure contenu ne trahit pas le tumulte qui vibre sous sa peau.

— qu'est-ce que tu as fait ?

mais l'atmosphère qui se fait de plus en plus oppressante s'en charge à sa place.

ça a un peu dégénéré.
il a envie de hurler.
mais ça devrait aller.
et de rire aussi, éclat sans joie qui lui échappe.
comment est-ce que cela pourrait aller ?
comment est-ce que les choses ne pourraient pas mal tourner ?
là où opal est immortel, lui, est plus que conscient de l'épée de damoclès qui lui caresse désormais la nuque, prête à s'abbattre.
sa mortalité ne lui a jamais été aussi évidente.

— arrêter de m'inquiéter ?

qu'il répète, stupéfait.
son apparente nonchalance, comme si rien de tout cela n'était grave, attise la colère qui bouille — elle-même se nourrit de la panique qui se fait de plus en plus présente au fur et à mesure que les secondes s'écoulent.
que devait-il faire maintenant ?
que pouvait-il faire, même ?
retourner à halloween city était une mauvaise idée.
retourner à halloween city était... impossible.
pas s'il voulait rester en vie.
mais ne plus y retourner signifiait perdre ses maigres possessions, son travail, la musique et le piano.
undine.

le contact de sa main sur la chemise le fait cligner des yeux, toujours immobile.
ça ne dure qu'une seconde.
celle d'après, ariel se relève, s'éloigne, comme s'il venait de se brûler.

— tu es sérieux, opal ? sa voix tremble, irritation toujours aussi palpable, tu... tu viens de foutre toute ma vie en l'air, tout ça pour rappeler au croquemitaine où  était sa place ?

elle grimpe en volume.
et lui ? il voit rouge.

— ET JE NE DEVRAIS PAS M'INQUIÉTER ?

c'est un peu trop tard pour cela, non ?

le lapin blanc se lève, s'approche.
alors qu'en lui, tout hurle. qu'il parte, déguerpisse, il n'a plus envie d'être en sa présence, cramoisi qui s'étend en rigoles, tâche le parquet.
quand ses doigts se posent sur son menton, ariel lève la main, attrape son poignet — avertissement silencieux de ne pas le toucher, alors que son regard s'ancre dans le sien.
la ligne entre affection et haine est mince, et pour la première fois, il bascule, fureur qui le fait serrer les dents et les doigts.

il l'écoute silencieusement, son expression prudemment neutre — fait écho à son absence de sourire.
il ne sourcille pas à la mention des insultes à son encontre.
ni à la mention de la musique, ni quand il soulève undine et ses sentiments pour lui.
dans une autre vie, peut-être qu'il aurait pu les faire fleurir.
dans celle-ci, c'est pour lui qu'il se damnerait.
ce qui le fait réagir, c'est lorsqu'il déclare qu'il y a de meilleurs endroits qu'halloween city.
parce que c'était à lui de régir son existence ? de juger ce qui était mieux pour lui ?
il l'empêche de s'éloigner — pas tout de suite, tire sur son bras, pour s'incliner légèrement en sa direction.
trop près, ça le révulse dans son irritation.
mais il relègue ça au second plan.

— oh, c'est donc ça qui t'as motivé, c'est soufflé contre ses lèvres, rictus qui déforme les traits de son visage, quel merveilleux chevalier tu fais, dois-je me jeter à tes pieds pour te remercier ?

secoue la tête, puis l'incline de côté.

— parce que tu penses qu'il n'y aura pas de représailles ? que je ne vais pas en faire les frais ?

sa poigne se resserre, une seconde.
et ariel soupire, le relâche et s'écarte, met finalement de la distance entre eux — inspire, pour chasser l'impression d'étouffer qui lui comprime la gorge.
la colère l'habite toujours, suit ses pas, jusqu'à ce qu'il se laisse retomber sur le canapé, s'appuie contre le dossier pour observer le plafond.

— on a pas tous la chance de vivre sans craindre les répercussions de la mort, opal.

ou tes répercussions, à toi.

note distraitement son approche, ariel, quitte sa contemplation du plafond pour l'observer de nouveau lorsqu'il se penche au-dessus de lui.
tu es à moi.
son expression se contorsionne, horrible mélange de frustration et de surprise.
tu es à moi.
frisson qui lui court le long de l'échine au passage de ses doigts sur ses joues, dans ses cheveux.
tu es à moi.
à ne plus savoir s'il doit cracher tout son vitriol ou se pâmer face à une telle déclaration, partagé quant à son implication.
il n'est pas un objet, est sa propre personne, et pourtant... pourtant-
grince des dents, fait taire la déraison.
prouve-le, qu'il a envie de persifler.
se contente plutôt d'un silence buté.

opal s'éloigne, et il se sent de nouveau respirer — correctement, cette fois.
tâche et barbouille de rouge le mobilier, dans son état émotionnel conflictuel, alors qu'il reste pourtant bien immobile.
c'est temporaire
comme le blanc qu'il devine sur son épiderme.
il a envie de frotter sa peau pour s'en débarrasser, chasser toutes les traces et marques qu'il avait pu laisser sur son corps, retirer la chemise volée et partir, tout pour calmer sa colère.

— ARRÊTE DE MINIMISER MON INQUIÉTUDE !

il note distraitement qu'il s'était redressé, poings serrés — sa paume blessée l'élance, se laisse retomber vers l'arrière.
ariel, malgré toute sa rancoeur, ne peut s'empêcher de penser.
à undine, qui risquait de se retrouver mêler à tout cela, alors qu'il n'y était pour rien.
mais surtout, surtout, pour le lapin blanc, même en étant au courant de sa capacité à vaincre le trépas, le vrai.
et l'inquiétude le ronge.

— je- ferme les yeux, pour tenter de reprendre contenance, tu penses que j'ai envie qu'il t'arrive quelque chose ? tu penses vraiment que je pourrais dormir sur mes deux oreilles en sachant que tu es maintenant impliqué dans cette histoire ?

il regrette surtout de ne pas avoir tenu sa langue, pertinemment au courant qu'il avait appris la leçon que voulait lui inculquer le croquemitaine.
il aurait gardé ses distances, aurait cherché à garder son pouvoir sous contrôle, aurait pu survivre encore un peu dans la ville des cauchemars avant de prendre le large.
de son plein gré.

— est-ce que j'ai réellement le choix, maintenant ? sa voix se fait morne, éteinte, envoie moi où tu veux, ça m'est égal.

choisis ce qui doit en être opal, tu sembles bien t'amuser à jouer de mon existence.

il ne réagit pas, plus, quand opal s'installe à son tour sur le canapé.
la tension est palpable, à couper au couteau.
au point où il en vient à se râcler la gorge, pour meubler le silence, et quelque chose en lui agonise.
la distance de quelques centimètres s'apparente davantage à un gouffre, comme s'il avait soudainement en face de lui un parfait étranger, comme si les dernières années n'avaient pas existé.
au fond, c'est tout simplement parce qu'il ne le connaissait pas vraiment.
ariel hoche mécaniquement la tête, quand il lui demande si la duchesse lui évoque quelque chose.

le nom, le titre, lui est familier, mais il ne saurait pas mettre un visage sur celui-ci.
la description qu'il en fait apaise légèrement la terreur qui s'agitait toujours dans un recoin de son esprit.
il en vient même à esquisser un sourire, quand il admet que ses portails ne seraient d’aucune utilité et qu’il n'arriverait pas à franchir les portes du domaine, mais son expression s'assombrit bien vite.
contact éphémère sur son poignet, traces de doigts ivoire qui marquent sa peau, rappellent celles, écarlates, qui ornent le sien.
ariel étouffe le rire qui menace de lui échapper.
ellen l'apprécierait, hein ? pour lui-même, ou parce que son pouvoir mal maîtrisé l'entraînerait de nouveau sur une pente glissante ?

il n'a toutefois pas raté l'inflexion de sa voix, et son coeur s'est agité, bataille toujours contre la raison.
observe la tristesse qui se fraye un passage sur les traits d'opal, alors que le vermillon qui avait éclaboussé la pièce se fait ronger par le blanc.
comme sa colère qui subsiste finalement, incendie privé d'oxygène.
et le myocarde gagne.
le fait s'approcher, glisser ses bras autour de sa taille, alors que son visage se niche dans le creux de son cou.

— bien sûr, que je m'inquiète, je- t'aime, opal, à en crever, inspire et ignore la partie de lui qui l'invective d'être aussi faible, je ne supporterais pas qu'il t'arrive quelque chose. surtout si c'est par ma faute.