Lilith hocha la tête sans dire un mot. L’expression fermée sur son visage parlait pour elle. Le regard aussi froid que l’air autour d’elle, la jeune femme suivit en retrait Judas en prenant soin de ne jamais le quitter des yeux. Elle ne savait que penser de cette situation. Des actions passées, des derniers évènements et de cette pression constante sur leurs épaules. Ces assassins de la nuit, les meilleurs parmi tant d’autres, la crème de la crème. La brigade fantôme qui protège le dos de ses alliés, et démembre ceux de leurs ennemies. Lilith était le genre de bon soldat à suivre les ordres sans réellement broncher, persuadée du bon sens d’Alastor et des choix qu’il faut faire tôt ou tard. Pourtant, cette fois-ci est différente. Ce n’est pas un criminel comme les autres, encore moins quelqu’un de détestable.

Il était leur ami. Leur coéquipiers. Elle qui ne supporte que trop peu partager son espace vital avec les autres, elle se faisait presque un plaisir d’accompagner le charmant crocodile à ses missions. Les poings serrés elle se tut gentiment le reste du trajet pour ne pas se déconcentrer. Se rappeler du plan, de tout ce qui a été dit en amont. La protection de Judas est sa priorité et s’occuper de la bête en est une autre. Toujours silencieuse, même face à Judas et son inquiétude fondé sur sa sécurité. Lilith ne bronche pas, elle reste en retrait, suffisamment proche pour intervenir sans tarder.

Elle calme les battements de son cœur qui commence peu à peu à s’affoler. Bien qu’elle soit maître dans le contrôle de ses sentiments, il restait toujours difficile pour elle de se retrouver face à ce genre de situation délicate : « le kidnapping d’un ancien coéquipier ». Et alors qu’elle se calme, doucement la température autour d’elle et de Judas reprend ses droits. Il est hors de question que le froid glacial qui l’accompagne partout ou elle va face deviner à l’ennemie sa présence.

Lilith est tapis dans l’ombre. Ses prunelles rougeâtres traquant les moindres faits et gestes de Judas, et les mouvements discrets de l’eau. Montre toi, partenaire. Et qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Des cristaux de glace jonglant aux bout de ses doigts.  

Seule derrière ces herbes hautes et ces arbres pour seuls spectateurs du funeste destin de Dundee. Les mains le long de son corps, les poings serrés, Lilith est en colère. Il aurait pu essayer de leur parler, de leur expliquer la situation ou tout simplement son point de vue. Dire au revoir, tout bonnement. Qu’avait-il en tête ? Que lui avait-on promis pour pouvoir retourner sa veste avec une vitesse rare ? Abandonner derrière lui des amis, une famille.

La reine des glaces ne quitta pas d’une seconde Judas, et le caïman de plusieurs mètres face à lui. Doucement, elle retient son souffle. Lilith attends le bon moment. Le signe de son acolyte pour pouvoir capturer la bête lorsqu’elle sera le plus vulnérable. Dundee est là. Majestueusement couvert de longues écailles, et alors qu’il les laisse tomber pour revêtir son costume de chair et d’os Judas ne bouge pas. Stoïque. Il attends. Il a confiance en Lilith, et en Dundee visiblement.

« Tu sais tu nous manques beaucoup. » Pourquoi perdre ton temps avec de tel propos ? Allez t-il les écouter au moins ? Avait-il encore une once de gentillesse et d’amour pour ses anciens camarades d’infortune ? Avait-il gardé dans son cœur sa famille ? Et alors qu’elle se perd légèrement dans ses pensées pour essayer de l’excuser, penser une seconde qu’il reviendra, qu’il va finir par s’excuser. Qu’elle ré ouvrira les yeux et que tout cette vaste histoire n’en sera plus.

Mais il n’en est pas l’heure. Alors que Judas lève son bras, Lilith s’exécute avec une vitesse rare. Alors que son corps entier et les alentours se couvre d’une glace légère se mêle à la brume des lieux. La température chute rapidement et alors que les cheveux de la numéro deux paraissent d’avantage blanc sa main gauche agite ses doigts en direction de Dundee pour venir recouvrir chaque parcelle de son corps d’une glace robuste et scintillante. Il ne fallut à Lilith que quelque seconde pour recouvrir d’un sarcophage de glace à l’aspect diamanté son ancien collègue. « Je ne m’excuserai pas pour ça, camarade. » Elle ne s’excusera pas pour cette glace qui comprime son corps, empêchant n’importe quel mouvement. Seul son visage peut se mouvoir, le but n’étant pas de tuer la proie, mais de s’en servir. « Ils valent indéniablement plus que ta vie, plus que n’importe quel sacrifice. Tu ne nous a pas laissé le choix.  » Ils sont sa famille, et il est hors de question qu'ils soient blessés par sa faute, par ta faute. 

Alors que lentement le corps entier de Dundee se retrouver prisonnier de glace, son visage se resserre. Elle n’est pas fière de ses actes, de ce qu’elle vient de faire à celui qu’elle considérait comme un ami, comme un membre de famille. Et pourtant il y a cette petite voix qui lui répète en boucle que ce ne sont que ses répercussions de ses actes de traîtrise, qu’elle ne fait qu’obéir aux ordres pour protéger les siens. Ceux que justement il avait lâchement quitté. Tête baissée elle se rapprocha du cristal taille humaine face à Judas, posa sa main dessus et scella Dundee à l’intérieur en lui permettant de respirer. Quelques secondes suffirent à le faire sombrer dans un sommeil lourd. Suffisamment lourd pour pouvoir le ramener au manoir. A Alastor.  « Ne tardons pas. » Avant qu’il ne se réveille et qu’elle se laisse dévorer. Se serait sûrement moins douloureux que de continuer à se faire trahir par les membres qu’elle finit toujours par chérir. Un dernier regard sur le corps inerte de Dundee qu’ils traînent jusqu’au manoir, un long soupire et un regard tourné vers la guerre qui se prépare en silence. « Alastor nous attends. »