Vos visages sont proches.
Ça parle de mort et de guerre - mais à quand l'amour ?
Avec Anaël, t'as le coeur qui bat si fort qu'il en fait trembler le corps. On se connait depuis à peine vingt-quatre heures et c'est déjà n'importe quoi. C'est trop et peu à la fois.

T'es cool, il a dit.
Et pour la première fois depuis des années, tu trouves que ça a de l'importance que quelqu'un te trouve cool. Mais pas de méprise ! Tu t'es toujours trouvé cool ; t'es juste heureuse que quelqu'un le remarque (souligne) enfin.

— « Je te retourne le compliment, eh. Je pensais pas rencontrer un type comme toi ici. Finalement, l'au-delà c'est pas si mal. »

Mais t'oublie pas que si tu t'es rapproché autant c'est pour échanger le plus douloureux et le plus choquant des secrets. La mort, la vraie.
Celle qui aurait du vous expédier dans le néant, vous faire errer en transparence dans le monde des humains (quelle torture de voir ses proches pleurer) - mais qui par chance vous en a donné une seconde.
Une seconde vie (chance) à saisir.

Son histoire te choque.
BANG ! T'imagine le coup de feu et tu fermes les yeux. Tu veux pas qu'Anaël te juge trop vite.
Toi aussi t'es morte par balle, mais pas la même.
Tous les deux vous êtes allé au bout de vos convictions - et inconsciemment son inconscience te fait l'aimer encore plus fort.

— « Oh... oh. Damn. Oh non. »

Tu fais la moue.

— « C'est horrible. Tu mérites le paradis quand même tu trouves pas ? T'as voulu aider ton prochain. »

Andy terrible. Tu trouves quand même que toi aussi.
Qu'est-ce que vous avez bien pu faire de pire que ça pour atterrir ici ?

— « Moi... Dans une prise d'otage. »

Ça fait à peine un an, t'as du mal à encaisser encore. Mais pour les yeux en feu d'artifice d'Anaël, tu te pares du plus bel artifice : tu joues l'ingénue.
Tu ouvres grand les yeux et écartes les bras. Toi aussi tu veux être dramatique, et puis bon c'était dans un théâtre alors t'es cohérente.
Tu prends une voix rauque et mime un pistolet avec les doigts que tu pointes sur le torse du jeune homme, étirant un sourire sans éloigner ton nez du sien.

— « JE NE NEGOCIE PAS AVEC LES TERRORISTES. »

Tu glousses.

— « Mais j'ai négocié. J'étais trop forte, j'y étais presque. »

Tu fermes les yeux et attend.
T'attends quoi ?
Peut-être que c'est le moment, sinon ça viendra.

Tu hausses un sourcil, réprimes un sourire lorsqu'il parle de Dieu.
Tu ne sais plus trop quoi penser de ce vieux copain dans les cieux. T'as été élevée par un père croyant Andy, et quand la mort a surgi - malheureusement t'as commencé à douter.
Dieu tuerait pas les héros.
Dieu n'est pas injuste.
Et tu t'es pas sacrifié en martyr pour être jugée au purgatoire.

— « Non, je pense pas... ça doit pas être facile tous les jours d'être Dieu tu sais. Regarder tout le monde de haut sans rien pouvoir faire. »

Tu soupires.

— « C'est le plus dur, ne rien faire. »

De retour aux terroristes. Tu es abasourdie par la réaction d'Anaël et tu plisses les lèvres en écarquillant les yeux. Tu éclates de rire malgré toi et les résonances de tes éclats d'hilarité se répercutent sur le ciel artificiel qui plonge la zone du désert sous un soleil éternel. L'illusion a ses limites, n'est-ce pas ?

— « Oui... ça doit être ça... ils étaient pas assez cultivés. » Des tueurs sans coeurs. Des sauvages en cage. « T'aurais pas eu besoin de négocier tu sais... un garçon de ta présence d'esprit... J'aurai dis oui. Ou peut-être que j'aurai fait semblant de réfléchir pour te donner un peu de challenge. »

Tu ricanes.
Le temps s'arrête un instant. En suspens. Il est ou Time pour ralentir ce genre de moment ?
Vos souffles se mêlent et alors que tu t'attends (ambitieuse) à un baiser, ce sont les doigts de Anaël sur ta joue qui te fait rouvrir les yeux.
Surprise, un peu déçue mais surtout gênée, tu te permets de reculer un peu par fierté.

— « Ah... oui. Haha, merci. »

C'est le plus dur, ne rien faire.
Tu espères qu'il ne l'a pas pris au pied de la lettre.

Tu te redresses et t'étires, après un bâillement discret caché par une main polie, tu regardes l'heure sur ta montre.

— « Tu veux aller où maintenant ? On regarde s'il y a d'autres zones ouvertes ? Je sais pas si le park va fermer et je crois qu'on est en pleine nuit... »