Il contemple son bureau, le même sur lequel on s'est aimé avec Blanche, le même sur lequel il s'est saoulé et fait saigner certaines fois. Chaque moment de trivialité, de passion égoïste lui apporte l’écœurement. On s'était vu assez naïf pour vivre dans l'insouciance de nos désirs, Bellial, et on le regrettait. Car le monde n'était pas encore assez terrorisé pour qu'on se permette la frivolité. Car il y avait encore des ennemis contre lesquels il fallait se tenir en position de garde.

Le massacre du manoir l'avait chamboulé. Outre la mort de ses hommes (camarades) et la blessure d'Alastor, c'était à la réputation même de l'organisation qu'Opal s'était attaqué. Et en prenant le temps de se calmer, en prenant le temps du recul, en se détachant de la rage folle qu'avait été la vision d'Alastor allongé sur ce sol, il avait pris conscience de la gravité de la situation. Nous étions trop fragiles, Bellial. Gavé de fierté, car le chaos apporte aux âmes une forme de liberté et d'insouciance sans précédent. On s'était laissé emballer, on s'était pensé plus fort que les reines, que le reste. Mais nous n'étions qu'une frêle fourmilière qu'un rien pouvait faire disparaître, Bellial. On s'était surestimé et cette erreur avait coûté des vies. Les Dark Shadows ne devaient plus seulement être une ombre intimidante, mais un fléau traumatisant. Il fallait rendre les coups, donner des raisons concrètes de se faire craindre et respecter. Pour ça, il fallait être stricte et vengeur. On allait frapper un grand coup, Bellial. On allait donner à Wonderland une bonne raison de ne pas dormir le soir. Et ça commençait par Opal. Mais aussi et surtout ça commençait par toi.

Une grimace agacée quand tu rentres sans frapper. Mais l'heure est grave et pour Alastor, il refrène ses pulsions maniaques, Judas. Si le choc n'était pas si grand, sans doute se poserait-il la question de depuis quand le sort de votre secte lui importe autant.

— J'ai besoin de renseignements sur l'un de tes employés.

Son regard est lourd, cerné de noir, preuve que ses nuits ne sont plus aussi rigoureusement régulières. Et le nom qu'il prononce lui écorche les lèvres... C'était celui d'un ami, tu vois.

— Ariel Redsea, c'est un pianiste et un chanteur qui se produit sur tes scènes.

C'est un ami.
Du moins c'était.
La loyauté nécessite de trahir, Bellial.
Depuis Opal il en prend conscience.
Et il en meurt, Judas.

— Dis-moi tout ce que tu sais de lui, ses relations, son recrutement, toutes les informations dont tu as pu prendre connaissance.

L'amour n'a jamais été aussi sale que depuis qu'il est dirigé vers lui, tu sais.
Lui, l'homme qui sommeille à l'étage et pour qui on se perd.

Tu pourrais, oui, mais visiblement, tu ne le feras pas. Et cette façon que tu as de faire traîner en longueur ce qui pourtant et on ne peut pus simple à donner l'agace, Belial. Ce serait pourtant si simple. Mais évidemment, la simplicité de ne te sied pas. Et c'est alors que le mépris vient. C'est toujours pareil, avec vous. Vous portez le nom d'un groupe sans jamais penser collectif. Vous évoluez au sein d'une organisation tout en agissant en solo. C'est peut-être bien pour ça qu'on ne conquière pas le monde, Belial. Des esprits libres n'ont rien à faire dans une armée et il déplore, Judas, ce manque de dévotion à cette entité que sont les Dark Shadows. Votre chaos le fatigue, tu sais, car il est contre-productif. Notamment aujourd'hui, en cette période de crise. Votre petit ego et vos personnalités individualistes, il n'a pas la patience de les gérer.

— Je crois que nous nous sommes mal compris, tu n'es pas en position d'exiger quoi que ce soit de moi. Surtout quand la question est idiote à ce point. Tu as vu les corps, tu as vu le sang. Je pense qu'un esprit brillant comme le tien fait déjà le lien.

Il n'a pas le temps pour ta soif de curiosité, Belial. Il n'a pas le temps pour quoi que ce soit. Ce qu'il veut, ce sont tes réponses, ton travail. Il en a assez, tu vois, de composer avec vos besoins quand notre réputation est en péril, quand l'ennemi est là et plus menaçant que jamais. Il ne comprend même pas, Beilal, que tu puisses poser des questions quand sa seule attente est que tu lui donnes les réponses. Et quand tu te permets la provocation de trop en venant volontairement salir son antre immaculé, il ne fait que soupirer avant de sortir une petite poubelle en osier de sous son bureau.

— Tu es prié de nettoyer tes cochonneries. Tu es dans le bureau de ton supérieur, pas dans ton salon. Si la hiérarchie te pose problème alors ne vient pas t'affilier à une organisation.

Arrêtez de vous comporter comme des enfants indisciplinés. Ce n'est pas le moment. Prenez la situation au sérieux, comportez-vous comme de vrais Dark Shadows. Nous sommes une secte, pas une cour de récréation. Votre asservissement vous l'avez signé en arrivant. Il était peut-être temps de durcir les règles, peut-être avons nous été trop à l'écoute au point de faire de vous une bande de fainéants prétentieux. Peut-être faudrait-il prendre exemple sur le règne de la Reine Rouge.

— Ne te fais plus idiot que tu ne l'es. Je t'ai posé une question et tu vas y répondre, Belial. À moins que tu ne veuilles que je n'en réfère à notre supérieur ? Tu sais, le gourou de la secte à laquelle tu fais partie ?

Et tu dois savoir, chers ami, qu'Alastor aura nettement moins de scrupule que lui à te pendre par les pieds pour te faire parler.

Il note les noms balancés. Calypso, Undine, lui... Des gens à surveiller de prêt. Et le sourire méprisant qui se peint sur ses lèvres, Belial. Oh, ça faisait longtemps. Il ne sort pas à tour de bras ce genre d'arme de son arsenal, Judas. Se considère comme patient, trop patient même. Mais surestime aussi sa capacité à encaisser et à faire avec toutes ces petites choses qui le font vous détester. Tu ne le respectes pas, en vérité aucun d'entre vous ne le respecte. Bande de bouffons, persuadés d'être des gros bras libres et forts alors qu'il n'y aurait rien de plus simple que de vous faire crever la bouche ouverte. Épines dans le noble pied d'Alastor, boulets d'une cause dont aucun de vous, même ces chers membres de la brigade fantôme, n'est digne. Ils se comptent sur les doigts d'une main, les vrais Belial. Et tu n'en fais pas partie, ni toi, ni les jolis noms calligraphiés sur sa liste noire. Si on voulait bien faire cela ferait longtemps qu'on se serait débarrassé de vous. Mieux vaut en élément faible mais discipliné qu'un homme fort, mais remplit de fierté. Tu veux être dominant alors que vous êtes tous, tous bande de chiens, des dominés. Il est le bras droit. Il est l'ami de votre gourou. Il est le pouvoir, tout ce que vous ne serez jamais Belial. Parce que toi et bien d'autres ne sont qu’accessoires.

Alors il ne se laisse pas démonter, Judas. Tu veux faire peur, tu veux dominer. Mais tu n'es rien Belial. Ici, c'est chez lui. Ici, tu n'es qu'un pion sur un vaste, très vaste échiquier... Et c'est lui qui joue, quand toi, tu ne fais qu’exécuter.

— Où penses-tu être, Belial ? Dans un club de vacances ? Une coopérative peut-être ?

Aucun de vous n'a vraiment compris ce que cela signifie d'être membre des Dark Shadows. Aucun d'entre vous n'a compris que vous avez sacrifié votre libre-arbitre et votre liberté quand vous avez signé. S'étend un peu plus sur son fauteuil, Judas. Détendu, souriant. Le signe qu'il commence à perdre patience, qu'il commence à ranger ses scrupules au placard. C'est quand il a l'air joyeux, Judas, qu'il est le plus dangereux. C'est quand il aborde ce sourire, Judas, qu'on comprend pourquoi il est d'Alastor le bras droit.

— Tu es dans une secte, cher ami. Tant que tu respectes nos règles et nos codes tu seras protégé et chéri, tu seras un précieux membre de notre famille. Mais un pas de travers, une erreur et c'est ta tête qui saute, Belial. Tu fais partie d'une hiérarchie et contrairement à ce que ton ego te dicte, tu es loin d'être en haut du classement. Tu es remplaçable, dispensable, notre petite affaire peut très bien tourner sans toi. Tu es un pion, Belial. Et moi, je suis à la fois la tour, le cavalier, la reine et le fou du roi.

Un sourire plus méprisant encore quand on ajoute.

— Nous ne jouons pas dans la même cour. Que tu montres les crocs ne change rien au fait que celui qui domine ici, c'est moi.

Ce bureau, cette organisation, tous les changements réalisés depuis son arrivée. Les Dark-Shadows d'aujourd'hui sont son œuvre, Belial. Il est celui qui a contribué quand toi, tu ne fais que jouir de son propre travail. Vous êtes tels des enfants qu'on accepte de nourrir et de loger quand nous nous démenons pour payer le loyer. Mais les enfants grandissent, Belial, les enfants partent. Oui. Ici, c'est chez lui. Ça gronde, Belial. C'est chez lui. Et il ne laissera ni Theo, ni les doutes, ni tout le reste l'expulser de son château. On érigera des monuments à la gloire d'Alastor avec vos cadavres, Belial. Oui. Oui. Il est fort. Il décide. Il n'est pas, il n'est plus, cette victime passive d'autrefois. Il n'est plus cette image qui le dégoûte. Il n'est plus cette faiblesse naïve. Wonderland lui avait donné une seconde chance. Aussi flou que ce soi, Judas savait. Il savait, qu'il était bien différent de ce qu'il était avant.

— Alors je vais te le dire une fois, une seule. Manque de respect de nouveau à ton maître ou à moi-même et je peux te jurer que je ferais graver les mots "brave petite merde" sur ta peau.

Les éclairs assassins dans les yeux rieurs. Il est rarement comme ça, tu sais. Pas un mot plus haut que l'autre. Le visage toujours impassible. Mais la façon dont tu cherches à l'écraser lui rappel, Elias, lui rappel la raison pour laquelle on a été tué. Il ne veut pas. Il ne veut plus. On doit être prédateur maintenant. On doit être aussi impitoyable qu'Alastor. Alors il devient cette eau calme qui se trouble dangereusement. Parce qu'avec vous, c'est tuer ou être tué. Et il te jure, Belial, que Judas cette fois-ci ne sera pas celui qu'on enterrera.

Oui, Belial. Regarde comment Alastor l'a façonné. Voit dans ses yeux l'ombre dangereuse du maître que tu dois adorer. Il deviendra œuvre d'art plus tard, le plus beau et terrible monstre d'Alastor, son plus fidèle et exclusif animal de compagnie.

— Tu peux prendre congé.

Trigger warning : Abus, violence, non-consentement

L'homme d'engagement et de détermination que tu es. Oh, il aurait de nombreuses choses à lui dire à cet homme d'engagement. Seulement engagé pour toi-même, seulement engagé à ta propre réussite. Un peu comme nous tous, tu nous diras. Mais voilà, toi, tu l'assumes, tu méprises et ça le don certain de nous frustrer, Belial. Et alors que tu te lèves pour enfin partir, il se dit qu'il est bien heureux d'en avoir fini. Il attendra que tu passes la porte pour s'autoriser un unième soupire. Les yeux qui descendent malgré lui sur le chaos que tu as laissé sur ton passage. L'envie de te faire racler avec ta propre langue les cendres de ton cigare. La conscience de n'avoir pas la force de le faire. Mais ça viendra, Belial. La vengeance se cultive comme on cultive les champs. Et il est doué, Judas, particulièrement doué pour cultiver.

Mais alors il entend le son distinctif de la porte qu'on verrouille. Et toi, toi, tu es encore là. Reste calme, mais déjà sa main se porte au couteau collé sous le bureau. Il en a des dizaines, des armes comme celle-ci, cachées dans toute Halloween City. Car on n'est jamais trop prudent quand nos collègues sont des gens comme toi, Belial. Arrache la lame de sa cachette, la tien ferme dans la main. On ne te laissera pas nous blesser sans nous battre. Ose le marquer, ne serait-ce qu'un peu et ce sera Alastor qui te punira. En vérité, Belial, c'est presque s'il n'attendait que ça. Viens. Cède. Pourris le comme toi, barbare, sait si bien le faire. Rends-toi coupable qu'on puisse te condamner, Belial et enfin, enfin, de toi nous débarrasser ! Mais presque aussi rapidement que naît sur ses lèvres le rictus avide de violence, la surprise apparaît.

— Blanche ?

Et ce fut sa seule erreur, Judas.
Et ce fut ton coup de génie, Belial.

Invoqué le nom de celle qu'on a aimée pendant un an, qu'on a quitté parce qu'on l'aimait tellement. Supprimer l'amour pour la laisser libre et, pense-t-on, heureuse de nouveau. Fatalement, Blanche est un nom qui suscite désir, affection et passion. Et c'est là qu'il tombe dans tes griffes, Belial. Il n'attendait pas de ta part des armes aussi vicieuse, des armes qu'il aurait pu utiliser lui-même. Une attaque si fine qu'il ne l'a vu pas venir. Ton pouvoir pernicieux qui vient sans qu'il le comprenne déjà exacerber le rythme de son cœur, le feu dans son ventre.

— Qu'est-ce que tu veux... ?

Incompréhension. Le changement d'atmosphère le dérange. Soudain il te trouve beaucoup plus menaçant. Trop compréhensif, trop... Doux. Non. C'est étrange, ça n'a pas de sens. Et quand tu avances, il brandit son couteau. Qu'est-ce que tu fais Belial ? Qu'est-ce que tu fous ?

— Qu'est-ce... Je ne comprends pas.

Tes mots n'ont aucun sens, ton changement d'attitude non plus. Pourtant, il se surprend à s'en inquiéter, à en être curieux. Il se surprend à rester immobile, captiver dans tes yeux. La conscience vague de tomber dans un piège, les sentiments soudain trop exacerber pour pleinement le comprendre. Car tu sembles soudain plus humain, plus attirant. Effroi total quand dans ses pensées glisse l'idée qu'il comprend pourquoi Blanche revient vers toi constamment.

Et quand ta main touche la sienne, c'est l’électricité, Belial. Peur panique, attraction répugnante. C'est excitant. Ta caresse comme une brûlure et son esprit lui cri "bouge" quand son corps redemande encore. Le vague éclair de compréhension, la haine dans ses yeux quand tu t'approches de ses lèvres. Tu le manipules. Tu as utilisé ça contre lui ? Tu veux l'humilier. Bâtard. Chien. Mais c'est déjà fini. L'emprunte de ton don trop forte en lui. C'est foutu. Ça te hais comme on n'a jamais haï personne. Mais ça te désire encore plus.

— Sale fils de pute.

Respiration tremblante quand tout son corps vibre face à ton souffle. Semble lutter une poignée de secondes. Mais tes lèvres trop proches. L'envie de goûter. Non, l'envie de dévorer. Il a faim. Il veut. Dans un dégoût horrible pour lui-même. Dans une haine parfaite de toi. Dans le désir répugnant de se faire tien, il capture tes lèvres, Belial. Baiser aussi brûlant que le feu que tu as allumé de ton plein gré l'est. Lâche le couteau pour empoigner ton col, te tirer à lui dans des gestes avides d'en avoir plus, toujours plus. L'envie de vomir, mêlée a celle de complètement s'abandonner. Il meurt de l'intérieur, la colère pourtant bien vivante cohabitant avec les deux sentiments que tu as rendu fous.

— Je te hais...

Murmure au creux des lèvres alors qu'il a envie de venir te sentir comme il a senti tant de fois Blanche ici.

— Je te hais putain...

Les larmes amères au bord des yeux alors que le feu brûle trop fort et qu'avide, on vient s'imprégner du goût de ta bouche alors que les insultes fusent dès qu'on tente de reprendre notre souffle. Les insultes fusent, et déjà nos mains s'affairent à te toucher de partout.

Trigger warning : Abus, violence, non-consentement

Sensation étrange, terrible, malsaine, répugnante. La conscience horrible de ce qu'il se passe, de ce qu'il fait. Mais le corps qui ne répond plus, parasité par ce don que tu exerces sur lui. Le vol ignoble et impardonnable de son consentement, de ses propres émotions, de sa propre capacité à ressentir. Judas devenu pantin, l'envie de vomir seulement retenue par toutes ces sensations que tu prends la peine d’exacerber à un point tel qu'elles prennent le pas sur le reste. Et à chaque baiser, il te hait. Et à chaque seconde, il se dégoûte un peu plus encore. Rejette la faute sur toi, mais sur lui plus encore. Si faible qu'il n'a pas vu le coup venir et encore une fois, Judas devient victime. Jamais assez fort et puissant pour vous faire trembler et vous dominer, jamais assez charismatique pour tenir la laisse à votre cou comme Alastor le fait. Et malgré lui, les pensées se dirigent vers l'être qu'on adore. Et il se demande, alors que les larmes rageuses coulent, ce que tu as qu'il n'a pas. Pourquoi tu es si fort, Alastor, quand lui est si faible ?  Pourquoi arrives-tu à dominer d'un simple regard quand toutes ces tentatives d'autorité se solde par l'absence de considération, l'irrespect et les punitions ? Pourquoi se retrouve-t-il encore dans cette position ?

Les années ont passé, mais rien n'a changé. Alors que ses lèvres brûlent, il revoit à travers tes sévices, Belial, la traque d'Elias, les manipulations de cet ancien Dark Shadows, la trahison de Dundee, l'abandon de Blanche. Toujours laissé pour compte. Toujours abusé par votre égoïsme et votre ego. Et quand tu l'embrasses et que le feu grandit, il rêve ta mort, Belial. Trouve une forme d’excitation dans l'idée de déchiqueter, de venir plonger ses mains dans ta chaire et se salir de ton sang. Les envies sadiques et chaotiques qu'il n'a que très rarement, cette violence terrible et folle qui le prend, lui qui a horreur de tout ce qui peut souiller sa tenue si travaillée. Une tenue à laquelle il ne reste plus rien maintenant que ses vêtements sont froissés par ton avidité, que son visage est souillé de larmes. Veut mourir quand tu murmures, Belial, que tout ira bien, que tu seras le plus doux des amants alors que ce que tu lui fais subir est d'une violence inouïe.

— Tu mens...

Soupir fiévreux, à gerber. Ta voix devenue une arme qui prend le contrôle. Trop tenter quand tu dis qu'il faut s'abandonner, l'envie de goûter, de ressentir, de laisser aller ce désir et d'y noyer pleinement. La jouissance est un luxe trop rare et tu ne fais que convaincre son corps qu'il en meurt d'envie. Mais il sait, Judas, qu'il regrettera, il sait Judas, toute la haine qu'il te porte, toute la monstruosité de ton acte. C'est un viol. C'est ce que tu fais aussi à Blanche ? Immonde bâtard qui pour le simple besoin de soigner son ego souille les autres. Détruits des vies en pleine connaissance de cause parce que tu aimes l'idée de la chute plus que tu ne t'aimes toi, n'est-ce pas ? Veut t'étrangler. Ses mains qui tremblantes résistent, viennent sans force se placer autour de ta nuque. Souhaite l'entendre craquer, ne peut que pleurer davantage quand la chaleur factice de ta voix l'empêche d'aller plus loin, fait apparaître la preuve ultime ta victoire.

Son esprit dit non.

—  Si...

Le peu de conscience qui lui reste veut le faire mourir. Horrible, comme tu viens manipuler jusqu'au plus intime des désirs. Prends conscience que trop tard que tu es plus manipulateur qu'il ne le sera jamais, que ton code moral n'existe pas, que les règles ne sont rien pour toi. Tu es fou. Tu es dangereux. Tu es répugnant. Tu es monstrueux. Et quand le corps se colle pour se noyer dans l'ivresse de ta langue la voix faible résonne. On te tuera. Car plus le plaisir que tu imposes est fort, plus le dégoût et la haine d'après sera grande. On te rendra l'humiliation au centuple, Belial. Tu punis en imposant le manque de contrôle à un homme qui en est obsédé. Se sent si faible, honteux, effrayé quand plus rien ne répond, quand tu commandes ses membres quand tu l'entends, quand tu fis de lui cette chose soumise qu'il déteste tant. Le renvoi à des milliers de traumatismes qui tous s’entrechoquent et que toi seul permet de ne pas encore faire imploser.

Comme il se dégoûte, les mains avides qui explorent ta peau, le frisson quand tu explores la sienne, le corps qui réclame, soûl et totalement hors de contrôle tes mains et tes explorations, les découvertes les plus audacieuses et intimes que tu puisses faire, Belial, car le moindre de ses muscles répond à ton appel. Et dans le crâne entrechoquent les pensées assassines et terribles de désir. Tu joues sur la dualité de ces deux émotions jumelles pour rendre le tout aussi fou que toi. Et tu demandes qu'on t'aime, tu supplies presque. Impose la confusion dans son esprit, comme-ci il pouvait avoir de ta part une réelle envie de s’appartenir, d'être doux et tendre.  

—  Tu mens...

La seule vérité à laquelle on se raccroche pour ne pas pleinement sombrer. Finit par vouloir graver chaque seconde où il meurt d'envie de se faire prendre pour mieux s'en punir. Garde conscience pour ne jamais sous-estimer ce que tu lui fais subir. Pour ne jamais arrondir les angles, pour que ça reste aussi terrible et traumatisant même dans vingt ans. Pour que le moment venu, on aille aucun scrupule, aucune hésitation à venir te détruire. Et tant pis si on doit sacrifier Blanche. Ça n'a jamais été aussi personnel que maintenant et ta tête Belial, est un besoin beaucoup trop fort pour qu'on se prenne à faire des concessions.

Brûlant quand il te touche, marque ton cou, y met même du sien pour s'empoisonner si fort, à tel point qu'il n'aura pour toi plus aucun sentiment humain. Choisis de volontairement se tuer pour devenir ce monstre qu'il n'a jamais su être. C'est peut-être ça qu'a subi Alastor. C'est peut-être là d'où il tient sa force... S'est tant gorgé de haine qu'il en est devenu puissant. Oui. Oui, c'est ça. On a été trop gentil, trop laxiste, trop à l'écoute. On s'est fait humain et faible alors qu'on aurait dû se faire monstre. Et quand il vient sans vergogne défaire ta ceinture, quand il vient marquer son territoire de ses mains, quand il vient étouffer ton souffle de sa bouche, quand il vient t'aimer comme tu le demandes, Belial, il grave l'outrage. Il se marque, s’empreint de ton odeur de tout ce qui fait toi pour se sentir sale, si sale qu'il n'en sera plus jamais propre. Viendra trouver la force de te tuer dans un bain de sang en sacrifiant son humanité. Oui. Belial. Prends-le. Touche-le. Baise-le comme tu baises Blanche. Fait de lui ce monstre sans remord. Fait de lui un véritable enfant de Wonderland.

Et ainsi, l'enfant mourut.

Et tu te justifies, Belial, parce qu'il imagine bien que tu ne t'épargneras aucun culot, aucune pudeur ce soir. Tu justifies l'immonde par elle, pour elle. Tu souilles son nom, se sers de son existence, de tes manques, pour pallier tes propres faiblesses. Mais il ne réagit même pas quand tu dresses son portait, Judas. Au fond de lui, tout se meurt, le feu s'éteint, se concentre. Il veille à ce que les flammes se tarissent pour mieux brûler ensuite. Il veut que le départ de feu soit violent, il veut graver en son corps, en son âme, le besoin de te tuer, d'un jour se venger. De pourrir et d'humilier jusqu'à la moindre fibre de ton être. Encore et encore, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien. Parce que c'est tout ce que tu mérites, Belial. C'est tout ce que les hommes comme toi méritent. Tu te juges plus digne de Blanche, mais sur quel critère ? Tellement attaché à elle que tu refuses de la libérer même si elle t'en fait la demande. Sangsue encore plus maniaque du contrôle que lui. Tu te penses légitime, d'autres le penseront sûrement aussi. Tous fous que vous êtes à soutenir ce qui n'est pas défendable. Si il en avait la force, il en rirait, Judas. Tu veux une muselière au cou de Blanche, le vrai limier, c'est toi, pas lui. Mais ça n'a plus d'importance, maintenant, Belial. Non ça n'a plus d'importance. Ton hypocrisie, votre hypocrisie ne représente plus rien. Seul reste le mépris profond pour tout ce que vous représenter et le souhait, le serrement, qu'on viendra de nous-mêmes nettoyer notre sainte institution des mauvaises herbes qui la gangrène. Oui. On va faire le ménage, Belial, on ira nettoyer à l'acide vos corps putrides.

Et dans tes bras, il a le regard morne, Judas. Les yeux éteints. Pourtant, il entend chacun de tes mots, chacune de tes excuses. Et tu oses demander s'il comprend, Judas. S'il comprend ta folie (votre folie). Au final, tu es juste un taré obsessionnel accro à son ex. Tu n'as rien d'exceptionnel. Tu es juste pathétique, Belial. Misérable, Belial. Un chien accroché à son os sur lequel il n'y a plus d'amour à croquer. Car l'amour, c'est lui qui là. Lui, jamais toi. Et même dans le pire, il sait qu'il a gagné. Mince sourire triomphant à l'ombre de ta peau. Il a tellement gagné qu'il a fait ce que toi, tu n'as jamais pu faire, ce que tu ne feras jamais. Il l'a libéré. Et toi, Belial ? Non. Évidemment non. Car perdant, tu es. Perdant, tu resteras.

— Non

Mot soufflé avec presque une pointe de rire dans la voix. Humilié, ne tiens plus que par la force de sa propre fierté. Fierté qui ne durera que le temps que tu passes la porte. Ensuite, il s'effondrera. Ensuite, il chialera, vomira, déplorable, misérable. Mais pour leur, il a sa victoire. Tu es pathétique, Belial. En vérité, tu fais pitié.

— Non... Ce que je comprends, c'est que tu es encore plus paumé que moi... Tu joues au grand garçon, mais tu pleures ta copine depuis cent ans... À quoi ça ressemble, Bélial ? T'es si faible... T'as même pas su la lâcher quand moi, je l'ai fait.

Murmure d'agonie presque rire alors qu'il se redresse, pousse ce corps qui le dégoûte en tremblant. Fébrile, Judas, l'image d'un combattant qui rend son dernier souffle, sa dernière provocation avant de passer l'arme à gauche.

— Blanche n'a plus d'importance... Je vais te tuer... Je vais te détruire... Faire disparaître ton nom, ton existence, ton héritage, tout... Et je ne le ferais pas pour elle. Je ne le ferais même pas pour Alastor... Je vais le faire pour moi.

Alors regarde-nous bien. Parce que ce jour-là, tu verras ce que c'est d'assouvir son plus grand désir.