ces choix assassins qui restent plantés des années comme des refrains
Oh comme il a chanté l'oiseau, comme il a égrené ses mots et étendu son langage ! Comme il a lancé au plus haut sa chanson volage, tant qu'il a arpenté cette terre à l'empreinte de ses serres sévères, depuis tant de temps que désormais présent et prémisses s'y confondraient. Les visages changent, se suivent et se ressemblent, mais pas la mélodie, éternellement vive et passionnée, portée aux accents inouïs d'une voix d'horreur dont elle se drape aujourd'hui comme d'une fierté – mais tout orgueil se forge dans l'amertume, et celui-ci a connu bien des déplaisirs.
Le chant, malheureusement, ne touche pas tous les cœurs, n'étouffe pas tous les tourments : il y a encore bon nombre d'âmes faibles qui préfèrent s'abandonner aux sourires factices et à la paix pleine d'artifices du Royaume d'Ivoire. Bien mal leur en prendra, de choisir à se réfugier dans l'enceinte d'une terre de mensonges de paraître, alors même que leur est offerte pure protection, sécurité certaine, à l'aubaine de la force la plus dure – ils verront alors si l'opulence tranquille remporte des guerres.
Cette silhouette que son impeccable mémoire n'a pas effacé en dépit du temps qui a passé, était parfaitement décolorée lorsqu'elle l'a connue, exempte certes de connaissances sur ce monde, mais surtout de position ou d'emblème – un parfait réceptacle pour son chant d'espoir, dont elle l'a abondamment abreuvé.
Sans succès.Faisant contre mauvaise fortune bon gré, elle arbore un de ces sourires mauvais dont elle a le secret, ceux qu'elle réserve à ces détestables parasites, ces méprisables intrus que sont les alices.
Mais qui vois-je !
Et d'écarter les bras, presque théâtrale, feignant une bonhomie qui se trompe personne : le regard est froid, et l'intonation malicieuse, un brin dédaigneuse au bord de ses lèvres noires qui se pincent le temps d'un instant avant de se remettre à faire éclater les sinistres accents de sa voix de terreur.
Il me semble, cher ami, que les félicitations sont de rigueur. Tu portes tes couleurs, désormais.
D'un geste du menton, elle désigne ton attirail, paré de la livrée du Royaume d'Ivoire, qu'elle considère un instant dans un silence hautain, poings sur les hanches, avant de faire claquer sa langue contre son palais de manière réprobatrice.
Quel dommage. Mes mots ont-ils donc eu si peu de résonance en toi ?
La perspective d'entrer sous la protection de la plus puissante et la plus avisée des deux reines avait-elle donc si peu d'attrait ?
Quel dommage.