Elle a la passion désespérée, profonde et ancrée, de celles qu’on trouve au cœur des âmes les plus effrénées, parées d’éclats de voix et de souffles courts. Il y a quelque chose de presque sauvage dans cette avidité à se faire entendre, dans cet empressement à affermir sa présence et à placer ses mots haut et fort. La voix est reconnaissable entre toutes, forte de ses accents hauts perchés, bien désagréables à l’oreille, et de ses airs d’ongles crissant sur un tableau noir, elle est irrémédiablement porteuse de sombres nouvelles, au point d’en faire blêmir quiconque la perçoit.

L’oiseau de mauvais augure n’est pas de ceux à qui l’on oppose une sourde oreille, et se satisfait hautement de la crainte qu’il inspire, tendre miroir de celle qui auréole sa maîtresse toute-puissante, la Reine de Cœur. La parole de sa souveraine est une indiscutable vérité qu’elle se délecte de porter aux confins du pays comme d’en vanter les bienfaits, elle qui est seule suffisamment sage pour appréhender qu’on n’obtient la paix qu’en passant par le nécessaire de la guerre.

Long soit son règne – longue vie à la Reine – car son oiseau de malheur ne goûte rien de plus qu’une démonstration de force, simple ordre inflexible ou spectaculaire châtiment mérité. Sa dévotion est entière, et nul ne saurait l’en détourner, peu importe les moyens employés : aucune ruse, aucun pot-de-vin ne lui fera d’effet car sa voix, aussi longtemps qu’elle sera, transmettra les volontés de la Reine Rouge, dont la première comme la dernière demeurent logées au sein d’une mémoire inégalable.

À ce sourire cruel et cet esprit fidèle, c’est au travers du prisme royal que le monde lui parvient. La loyauté est de valeur, la déférence bien plus encore, tandis que l’inconstance est détestable – méprisables sont les âmes qui refusent de se ranger dans le sillage de sa dame, ou qui, pire encore, tombent aux bras de son usurpatrice de cadette.

Elle porte en elle la curiosité des esprits mauvais, ceux qui se plaisent à rapporter les impairs qu’ils ont constaté en sachant pertinemment que la grandeur du supplice qui sera infligé repose entre leurs mains viciées. L’empathie n’existe plus depuis longtemps, il n’y a de place que pour une terrible réjouissance au visage des malheurs d’autrui, si divertissants, qu’elle cherche même à provoquer tant pour son propre amusement que pour le plaisir de sa Reine, qui n’affectionne rien tant qu’une belle exécution.