Tu le sais, n'est-ce pas ? Tu sais que sa dévotion t'est pleinement acquise depuis le jour où tu as offert à l'oisillon noir la place qu'il recherchait sans le comprendre, ainsi qu'un moyen de polir cette différence qui suscitait la peur, bien qu'avec maladresse, alors.

Oui, toi qui es inébranlable, tu sais sans aucun doute que ce jour où tu as tendu la main qu'elle était venue chercher sans trop rien en attendre, les incertitudes se sont apaisées, et les choses telles qu'elles le sont aujourd'hui sont apparues comme une vérité : sa loyauté la plus entière, elle l'a humblement déposée à tes pieds. Depuis, ta volonté est absolue, et tes désirs sont des ordres – désordre, pour son plus grand plaisir – que rien ne saurait l'empêcher de satisfaire.

Voilà des siècles que l'oiseau de malheur porte sa fidélité comme un étendard de cauchemar : tu la convoques, et elle accourt. Dans les corridors du palais, ses talons claquent sur le marbre alors qu'elle atteint la salle du trône. À l'instar des grandes portes, serviteurs et esclaves s'écartent sur son passage, lui arrachant un sourire satisfait.

C'est au bout du tapis écarlate que tu trônes, impassible, la force incarnée. Le respect imprimé dans ses moindres gestes, elle pose un genou à terre, la tête inclinée en signe de déférence, et fait résonner cette voix d'horreur que toi seule a su goûter.



Dispose tes ordres, car seuls tes souhaits comptent ; quels qu'ils soient, elle en fera sa tâche, et y mettra toute l'ardeur de son cœur.

Ta voix résonne dans la salle du trône et elle en frémit de plaisir, relevant la tête afin que ses pupilles incandescentes croisent les tiennes, car on ne dénie pas le regard de la Reine – puissant, omniscient, il semble une fois encore avoir vu plus loin que quiconque n'en serait capable. La tâche semble aussi importante que secrète, au vu de l'absence de courtisans : la seule présence des gardes lui fait comprendre qu'on s'apprête à lui livrer une révélation mûrement réfléchie, qui ne sera ni répétée, ni ébruitée.

Sans rompre votre contact visuel, elle hoche du chef, portant la main contre son cœur, et autorise la fierté à relever ses commissures.



Elle se pliera à tes désirs, gardera le silence si tu le lui ordonnes, ou criera tes ordres aux confins de ce monde s'il le faut. Les questions, toutefois, commencent à poindre dans son esprit : aucune de tes décisions n'est prise à la légère, et l'importance de celle-ci la rend avide d'en connaître la nature. S'agirait-il d'avancer ses pions dans l'éternel conflit qui oppose le royaume à celui de l'usurpatrice ?

Courbant de nouveau la tête, elle t'assure de son indéfectible soutien, le timbre débordant de dévouement.



Parlez, et j'entendrai.
Ordonnez, et j'obéirai.

Dans le silence dont elle se nourrit, le souffle retenu au creux de la gorge, l'ordre royal tombe comme un voile sur ses épaules. Il ne s'agit pas là d'une réelle surprise, ses longues discussions aux petites heures de la nuit en compagnie de Dimitri l'y avaient préparée : restait essentiellement à savoir "si", et "quand".

C'est maintenant. Il est temps d'avancer ses pions et de se tailler la place victorieuse au sein du noble jeu, et elle verse une confiance suffisamment aveugle en ta capacité de décision pour savoir que si tu décrètes que le moment est venu, alors il l'est. Ne dit-on pas que plus une alliance semble improbable, plus elle se révèle efficace ?

Contre sa poitrine la main se fait poing, comme pour promettre le concours de sa force, et la perspective d'un règne écarlate absolu lui tire le plus satisfait des rictus. Sa voix résonne d'un accent presque chantant dans ses vibrations d'ongle sur un tableau noir.



Au fond, ce jour lui a toujours paru voué à se produire. La secte et ses agissements ont toujours piqué son attention, bien que celle-ci se soit trouvée teintée de déception devant un travail distrait, à ses yeux, sans réel but ou ligne directrice – alors qu'ils seraient capables de tant ! Toutes ces ressources, cette imagination, ce réseau, au creux de la poigne royale !

promet-elle.

Une alliance qui sera tissée envers et contre tout, peu importe le prix à payer : car les désirs de la Reine sont des ordres, qu'il n'y a d'autre choix que d'exécuter ou de mourir en essayant.

Investir les quartiers des Dark Shadows n'est pas pour lui déplaire, et elle caresse déjà du bout des doigts le singulier tableau que cela formera – tout comme les réticences que l'impérieux gourou pourrait émettre.



La question s'élève, prudente mais avisée, désireuse de savoir jusqu'où il lui sera permis d'aller afin de s'assurer le succès.

L'oiseau de malheur boit les paroles de sa souveraine, se délecte de l'avenir qu'elles dépeignent. Apparaissent déjà au creux de son esprit en ébullition mille tableaux hauts en couleurs, de l'avenir du pays aux mains de la suprématie de cœur, aux multiples tourments réservés à l'usurpatrice et à son triste réfugié, indigne de porter un titre royal. Ployant de nouveau la tête en signe de déférence absolue, elle acquiesce promptement :



Puis, redressant le visage vers le trône, elle ne peut empêcher un sourire de glisser sur ses lèvres sombres à l'idée du désordre que sa venue causera parmi les sectateurs. À chacune de ses visites elle goûte le plaisir de les importuner, mais celle-ci n'en sera que plus délicieuse encore.



Et, bien entendu, d'exercer de toutes ses ressources afin de s'assurer du concours de ces agents du chaos. Nul doute qu'Alastor saura considérer l'offre.

Lorgnant en direction des gardes qui encadrent le trône, elle tisse déjà en pensée les moindres aspects de sa tâche, et entend bien mettre toutes les chances de son côté.



Parce qu'une escorte pourrait échauder les adeptes, qui seraient capables d'y voir une menace, une manière de faire pression, elle choisit de s'en passer et de s'acquitter de la mission comme d'une de ses visites ordinaires : impromptue et solitaire, quitte à ce que cela représente un risque. Tout pour sa maîtresse.