faut pas bouger
si ça se trouve
elle va peut-être comprendre
quitter les dametmessieurs
et lui donner ce qu’il demande
c’est pas gros ce qu’il demande
morgan a droit, pourquoi pas lui
on en a marre de faire la statue
sourire salut oui mon papa c’est monsieur time
je suis sage et je sais compter les heures
une deux trois et maintenant
il est onze heures
et je sais être précis,
je connais bien les chiffres
il est onze heures quarante-sept
dametmessieurs ; maman corrige
on n’arrive pas à se rentrer
dans le crâne bourré de chiffres
qu’il faut dire MAdames ET MESSieurs
mais on a fait son plus beau sourire
on a presque donné un bisou au plancher
tout blanc tellement on a salué
les belles personnes
alors maman s’il-te-plaît viens me trouver
j’ai besoin d’un câlin.

les pieds mouillés
le corps avec
parce que loin de morgan
on a pas su faire attention
en arrivant où la fontaine
on a pris un bouillon.

on a froid susan, dit
c’est quand on rentre maman
mais maman à la cour, même pas vu
on a fui parce qu’on s’ennuit
de toujours répéter les mêmes trucs nuls
c’est pour ça le poing au-dessus de l’eau
déterminé susan
qu’on a désormais le pouvoir
de changer les choses
parce qu’on a reçu d’une gentille dame
pour son doux sourire
une petite pièce et maintenant hop
susan la fontaine elle va

dame la fontaine
s’il-vous-plaît, est-ce que
je peux voir mon papa ?

faut pas bouger, juste attendre
attend attend attend susan
et espère gros.

l’eau de la fontaine est peut-être magique
grands yeux qui la fixent
on a froid on se demande dans l’eau comme ça madame
ça ne vous fait rien
elle a des cheveux on a jamais vu plus brillant
c’est tellement joli il faut venir des vœux
pour être si jolie

mouillé d’eau – sur le corps et dans les yeux
mais on ne dira pas qu’on pleure
maman trouve ça laid, est-ce qu’on a vu time
pleurer, franchement ; reprends-toi.

on espère avec le bouillon sous l’eau de la place
vous ne verrez rien madame. on se dit
si on ne cligne pas des yeux
c’est sûr vous saurez jamais
et on prend le sourire comme une preuve
on ne sourit pas quand on voit
les enfants pleurer.

mon papa c’est lui qui décide de la mort parce qu’il peut arrêter le temps.

mélange tout.
on veut toucher les cheveux qui brillent
alors on se rapproche du rebord

c’est lui qui vous a fait apparaître ici ?
si vous êtes une messagère vous êtes très belle ‘dame.

grand sourire

je veux bien que vous m’amenez à la cachette de papa. c’est mon vœu s’il-vous-plaît. vous ressemblez à un truc en verre au château. c’est un tableau maman dit que ça représente l’épée vor

fronce les sourcils, grosse concentration.

vorp.
vopaline.
vous êtes sa jumelle

qu'on se demande.
ils auraient pu l’appeler
l’épée-qui-casse-tout
c’est plus facile quand même.
franchement.

OUI !!

maman dirait que ce n’est pas poli
à peine les gens finissent de parler
on crie. on éduque mieux ses enfants on n’est pas du royaume de cœur
alors baisse les étoiles dans les yeux vilain garnement
et reste calme.

c’est ce qu’on fait susan. pardon madame.

oui. et euh

interdit, l’air très perdu

comment on l’appelle

est-ce qu’il faut dire
ouh ouh j’ai cassé ma montre quelle heure-t-il à wonderland
ou bien
pouvez-vous me donner l’heure du thé
maman n’a jamais dit on pouvait appeler le temps, vous êtes quand même vachement mieux que maman, qu’on se dit

vous vous êtes faite pouf toute seule, woah…

le petit baiser sur le front et on y touche avec un petit froncement des sourcils susan. c’est pas de la méchanceté, l’air tout à fait surpris. d’habitude c’est pour le récompenser d’avoir été si joliment gentil aux belles dames de la cour.

mais vous n’êtes pas une belle dame de la cour

oh. la vraie de vraie.

maman serait fâchée de savoir que, alors
on se recroqueville un peu
pas de la déception oh non ! loin de là madame vorpaline ! mais

vous aussi vous êtes pris dans un moule

on demande.
juste comme ça.

vous savez maman évite toujours de parler de lui. mais elle dit
time
time
time
time
tout l'temps.

un peu boudeur un peu vexé.
la vérité, maintenant que tu le dis on ne sait plus trop
pourquoi a-t-on tant besoin de le voir
juste parce que c’est le papa, non.
c’est plus que ça, plus. dans le cœur
qui déborde parfois parce qu’il est bourré
de trucs étranges maman dit de les contrôler
(émotions) dans le cœur la grosse sensation
i m m e n s e
c’est une vérité de l’univers qu’on ne connaît pas encore
on a peut-être besoin de lui pour s’assurer
de l’heure juste. dis, papa, c’était loin d’être une erreur
hein.
dis papa, on a le droit de grandir
hein.
dis papa, est-ce que tu sais toi, donner des câlins
des gros des vrais.

secoue la tête susan. tellement fixés grands les yeux sur toi.
si on cligne, tu vas disparaître on se dit
comme t’es apparue.

non. mais si vous parlez vous êtes toujours un objet

on demande ; on a appris il y a les choses
il y a les vivants.
bouge. bouge pas. et à te voir c’est très compliqué de comprendre
en démontre ses sourcils très froncés très concentrés
c’est un casse-tête de grandes personnes
c’est très contradictoire.

la moue boudeuse s’étire s’agrandit alors.

si on gagnait vraiment du temps, bah mon papa il serait là. là.

se redresse susan, près du bord, les petits bras qui plongent dans l’eau.

on dit vopaline, elle tue les dragons. vous faites que ça

pas convaincu du tout, susan. intrigué,
maintenant que t’existes tu fais quoi quand il faut attendre
que le lézard rugisse.
et il est gros le lézard ?
et est-ce que tu sautes dans les airs te transformes et TCHAC mort mort la grosse bête ?
et est-ce que c'est arrivé il a marché sur ses ailes et t'as juste eu besoin de lui couper la tête ?
comme la reine rouge. rigole en dedans susan.

on a toujours aimé l’eau, quand on met la tête en dessous
le monde paraît en sourdine c’est rigolo. avec une bulle
tout autour de la tête. grosse envie de faire plouf dans la fontaine
est-ce que tu vois le monde comme des remous dis ?

oui. quand même.

pas méchant du tout, avec de l’eau dans les mains.
c’est juste la vérité vorpaline, elle sort même triste
parce que tu sais, on voulait tellement
se dire un jour quelqu’un viendrait vraiment pour nous
on est petit, un pas grand-chose du tout ; on voulait savoir
si papa avant de devenir aussi fort
on lui avait dit cache tes larmes, fais le plus beau sourire
cache tes larmes, ne nous fais pas honte.

et t’as le soleil soudain en gros éclat sur ton bras
des yeux bien secs et une bouche soudain qui fait

oh

de l’eau dans les mains limpide comme la lame pure
le cou tout tordu on en perd le souffle tellement c’est beau
avec des noms tellement grands avec des noms qui sonnent
tellement tellement loin alors pour ne pas se retrouver
tout en arrière de cette grande épopée, répéter tout bas

sa majesté la reine blanche
ça sonne toujours plus vrai
quand on articule les trucs dans sa bouche.

c’est à sa cour qu’on doit être fier de notre sang
c’est à sa cour que tu brilles.

suit la lame du regard, toucher mais pas toucher
ce serait très impoli et puis tu parles alors on se demande toujours
si tu es vraiment un objet. et puis tu parles
il a des yeux encore
en questionnement

c’est quoi être pur

très soucieux de vouloir t’aider
mais

pourquoi quelqu’un, c’est la reine blanche, c’est logique

non ?
la petite moue d’évidence. bah oui vorpaline tu es drôle,
y’a pas plus pur ça dit reine
b l a n c h e. être pur c'est être blanc.
non ? faudra demander à maman.

et soudain même si tu dis tu redeviens objet
on a une terrible inquiétude

est-ce que le jabb il vous a déjà détruite est-ce qu’il y a toujours quelqu’un pour vous aider est-ce que c’est normal vous avez tous des noms super compliqués

l’épée-qui-tranche-tout
le cracheur-de-feu-riquiqui
parce qu’il faut avouer si tu te fais trancher comme ça jabb-on-sait-pas-quoi t’es un lézard plutôt simple.

et pourquoi vous avez dit l'épée vopaline c'est vous l'épée vopaline maman dit quand on se présente on doit le formuler comme ça bonjour, je suis

blanc, susan. la formule toute faite
et ton nom de légende
d'une certaine manière toi déjà façonnée
lui déjà écrit.

on en perd ses questions ; ça sonne comme une vérité bizarre
l'impression de comprendre
on sait pas quoi par contre, susan.

ça ne fait pas un bruit. quand la bouche si petite bouche
s’ouvre grand grand et les yeux ça étincelle tant
on n’en a pas assez de son petit trois pommes
pour contenir tout l’émerveillement de l’univers.

les mains dans l’eau ; vorpaline tu fais une belle fontaine !
vrai de vrai tu exauces les vœux.
parce qu’on n’est pas stupide on a bien appris
les leçons de maman et oui time il est très élégant
tout blanc tout blanc on en a les cheveux et
les yeux qu’elle dit maman

mais il faut rester les pieds sur le plancher des vaches
(une vache –
je ne sais pas mon trésor c’est une nouvelle expression
c’est à la mode)
et pour s’assurer on a bien raison d’être
émerveillé
susan mord sa lèvre inférieure
tout rouge dans le blanc du visage
et il faut paraître sage, maman dit c’est impoli de se jeter à la gorge des gens
(mais c’est pour les tuer – mais non ma belle petite montre c’est une expression, veux-tu – oui maman)

alors fronce ses sourcils,
très
très
d u b i t a t i f
c’est un mot appris à la cour,
c’est un grand mot.

bah oui il est compté. sinon à quoi ça sert le temps

lève le menton, et TAC ! monsieur temps dans les dents !

vous êtes vraiment mon papa
vous allez revenir quand
parce que maman dit vous partez tout le temps
mais c’est gentil d’être venu
quand est-ce que vous voudrez revenir dites
est-ce que vous faites des câlins
et est-ce que votre montre sait l’heure juste
est-ce que vous trouvez vous aussi maman elle est ennuyante et égoïste
est-ce que c’est pour ça vous l’avez laissée en plant
est-ce que vous pouvez rendre vopaline incassable

est-ce que
est-ce que
est-ce que
beaucoup de questions pour vous monsieur temps.
mais au fond de nous il ne faut pas s’attarder
à la petite pensée que

tous les gens sont égoïstes ; personne ici ne sait donner d’amour,
susan.

se tait, appris à obéir ; bien sage.
alors quand tu navigues au creux de la fontaine,
madame vorpaline on salue de la main
avec les lèvres bien fermées, pincées fort
tellement fort. pour ne pas clamer
au revoir.

y’a que sa mère, ses mots d’hiver qui le blessent
on peut comprendre monsieur le temps
que vous soyez un peu coincé du derrière
pardon pardon on ne pensait pas
que vous appeler comme ça
vous seriez tout déréglé.

mais ne s’excuse pas, de ses trois pommes et quelques poussières.
garder tête haute ; être fort
c’est ce que vous êtes monsieur le temps.
garde lèvres bien cousues

agite la tête de haut en bas,
de grosses étoiles fourrées dans les yeux.
des montres pour chaque minute – est-ce que
vous en avez aussi pour chaque nuit
parce que vous avez dit jour, mais

mais rien. tais-toi que vous avez dit.
par contre, peut pas s’empêcher
de se dire ; vos poches et votre maison
monsieur le temps ce doit être encombré de partout
vous êtes bordélique comme temporalité

la main sur la tête, bouge pas.
mais on retient, parce que c’est quand même mieux
que les doigts froids de maman. au moins
vous, vous réagissez monsieur le temps

briser le silence parce qu’on le congédie
c’est comme à la cour durant les audiences,
alors s’incline susan. mais peut pas s’empêcher,
avant de partir – non pas dire merci – de lancer

de toute façon l’éternité c’est moche.

dernier petit salut. petit sourire poli.
merci papa d’être venu.

de l’avoir considéré. même avec dédain.
on sait bien on est une grosse erreur

entre vous et maman. sinon elle nous surveillerait
quand on disparaît comme ça n'importe où
(tiendrait à nous)

les erreurs, à la longue
c’est chiant quand on ne les lui dit pas.
vous avez le mérite d'être clair de partout sur vous monsieur le temps
l’éternité, oui ; on va oublier. pas fait pour nous du tout.
du vent du vent
disparaissons.