T'es de retour au moulin rouge.
Qui est au courant ? Personne, hormis Lior, ton fidèle compagnon d'infortune. Tes missions se sont terminées à Neverland et tes tatouages ont cicatrisés. Eponine a fait un merveilleux travail, quoi que tu aies pu penser sur cet art jusqu'à aujourd'hui. Il est temps pour le berger de retourner garder le troupeau, il est temps de faire face de nouveau avec ce qui était devenu ingérable. Alec Gray, rien que son nom te fait monter dans la fièvre, et son visage qui n'apparait plus qu'en rêve.

Quand tu passes le pas de la porte, t'as Daisy qui se jette dans ses bras. Sa peau nue qui se frotte contre ton buste, tes doigts qui s'échouent dans sa chevelure pailletée. Si elle continue de crier, tout le monde sera au courant.
Et c'est ce que tu attends, quand tu croises le regard de Maléfique qui passe par là. Coup d'oeil, demi-sourire, à peine méprisant mais on se comprend.

Et le voilà qui pointe le bout de son nez.
Celui qui te hante, celui que t'as dans la peau et que pourtant tu voudrais rayer de la surface de monde. Ancré, désabusé. Tu t'accroches à son regard quelques secondes, sans sourire, suffit d'annoncer ton retour en silence puis tu détournes les yeux.
Tu te préoccupes pas de lui, vous avez rien à vous dire n'est-ce pas ?

Le moulin ne va pas tarder à ouvrir et le petit salon de carmin est encombré de cartons. Tu te proposes pour aider à les descendre aux sous-sols - pour économiser les jolies mains des jolies filles qui en ont besoin pour travailler. Bon prince, charmant et dévoué.
Tu passes devant Alec, et on lui intime d'aider à son tour.
Grimace à peine voilée, et tu descends les escaliers.

Tu l'entends te rejoindre et tu ricanes, doucereux. Déposes le carton en silence et alors qu'il se trouve derrière toi, tu sens sa présence dans ton dos. Sa silhouette imposante.
La porte claque.

— « Que...? »

Tu te retournes, le toises, te pinces la lèvre et remontes les quelques marches vers l'issue. Bloquée. Merde.
Silence, tu serres les poings.

— « Fallait demander si tu voulais être enfermé avec moi. Je sais que je t'ai manqué mais tu n'as pas besoin de ce genre de mises en scène. »

Alors ce n'est pas son fait. Tu as un ricanement dédaigneux, maniéré. Il fallait que le destin s'acharne, qu'importe qu'il ne l'ait pas fait exprès - ça sera sa faute quand même.
Il t'intime de te taire, toujours aussi chaleureux toujours aussi poli. Tu le toises pour le remettre à sa place, silencieux et furieux. Sévère et impitoyable.

Tu es remonté Aslan, t'as trop attendu avant de revenir parce que t'avais eu besoin de te préparer. Pourquoi couine t-il comme un animal en manque de son maitre et tu bombes le torse, réduis la distance qui vous sépare.
Déposes un doigt impérieux sur ses lèvres immondes.

— « Pas un mot de plus. Oublions ces affronts encore impunis. Ne me rappelle pas ,Alec, que tu as été un très méchant garçon. »

Tu sais que Lior l'a remis à sa place.
Tu sais qu'il a du encaisser un coup de pression et tu jubiles. Tu l'avais prévenu, que ce moulin serait sa prison, et il a tenté de s'en échapper quand tu t'es accordé la liberté de le distancer.
Il t'a poursuivi pour te hanter, et quand tu fermes les yeux Aslan, c'est Alec que tu vois à tes pieds.

Tu saisis son menton que tu abaisses légèrement pour le faire lever les yeux.
Vers toi.
Toi et seulement toi.

— « Moi aussi j'ai une question. »

Tu souffles à ses lèvres. T'as jamais autant transpiré la confiance, condescendant jusqu'au bout des doigts que tu presses sur sa mâchoire carrée.

— « Pourquoi est-ce que tu te permets de m'adresser la parole encore debout ? »

Tu jubiles.

Tu exultes. Tu ne l'as jamais vu aussi précautionneux, aussi sage alors qu'il pue la rage d'ici. Alec a réussi à se calmer et ça te frustre Aslan. Il a fallu que ça soit Lior qui le siffle pour qu'il secoue la queue bien gentiment. Jamais tu n'as réussi à être aussi persuasif. T'as la haine, Lior est ton ami mais tu le tolères uniquement parce ce qui est à toi reste à toi.
Tu ne lui as jamais demandé d'en faire un toutou soumis, seulement plus ouvert aux compromis. Souris Aslan, Alec n'a pas perdu de son mordant.

— « Quel dommage alors, qu'elle existe. Cette pression. Oui, quel dommage j'aurai adoré que tu me mordes le visage. »

Ou du moins qu'il essaie.
Pour avoir tout le loisir et le privilège de le défoncer juste après.

— « Tu disais pas ça quand tu me bavais littéralement dans la bouche la dernière fois. Je te trouve bien impudent, comme d'habitude. »

Hilare Aslan, alors que tu le lâches et ricanes avec condescendance. L'arrogance suinte de tous les pores.

— « J'ai pas eu besoin de pleurer. J'y peux rien si malgré tes efforts t'es même pas leur pute préféré ! Ils t'ont laissé cavaler mais maintenant c'est terminé. Ne t'inquiète pas, je suis là maintenant. Le berger va pouvoir surveiller les brebis égarées. »

Tu te permets de l'infantiliser encore plus, alors que tes doigts viennent tapoter le haut de son crâne.

— « Gentil chien. »

Tu as le sourire tendre Aslan.
Comme un maître sincèrement content.

Tu sens qu'il se retient, et tu jubiles. Tu te doutes que Lior a été assez persuasif pour lui faire ravaler son fiel et sa hargne. C'est presque comme se trouver face à un inconnu - Alec calme, Alec sage ; ce n'est vraiment pas lui.
A ses provocations vaines, tu frissonnes sans pour autant arrêter de sourire. Le souvenir de cette nuit là t'arrache un haut-le-coeur que tu réussis à engloutir dans une déglutition.
Tout ce sang... les cris de l'enfant.
Les heures passées à récurer, le corps qui se décompose dans la baignoire.

On en oublie presque que wondeland n'est qu'un leurre. Ça ne peut pas être le pays des merveilles quand l'enfer grouille sur ses terres.

— « Je n'oublie jamais aucun passage. »

Il craque et dans un mouvement que tu connais bien, il bloque ton bras pour te retourner. Dos à lui. Fesses contre bassin. Souffle dans ton cou et tu pestes. Un faux mouvement et le bras peut casser. A noter que c'est la petite tape sur la tête qui l'a fait vriller.

— « Lâche-moi immédiatement. Tu ne voudrais pas aggraver ton cas si ? »

Ton corps tremble, tu n'es pas à l'aise.
A sa langue sur ta peau, tu relèves la tête, le souffle court. Merde.

— « A quoi tu joues sale cabot ? Arrête. »

Continue.

— « Arrête. »

Continue.

— « Je vais devoir te corriger et tu vas encore chialer. »

Lior, Lior, Lior. Il n'a que ce mot là la bouche et ça te fait gronder. Jamais il n'oserait s'approprier (toucher) un de tes jouets. C'est dans votre contrat de regard - on se couvre on se protège on se tolère comme astre qui gravite librement dans notre univers mais on ne s'entrechoque pas.

Râle de colère et gémissement de plaisir (pas trop assumé) quand il remonte mordiller ton oreille. Tu tentes te débattre et de te dégager le bras prisonnier mais rien à faire.

— « Je suis pas un de tes clients. Respecte-moi. »

Foutu langage du corps qui te trahit. Tu te demandes à quel moment t'as commencé à lâcher prise avec lui. Au premier baiser ? Au second ?
Tu sens ses lèvres aspirer la peau de ton cou et ça te rend barge. Il est complètement con ou quoi ? Ça va se voir !
Tu te mords la joue pour ne pas geindre, encore.

— « Sale petit... »

Tu lui écrases le pied violemment, uses de ton coude libre pour l'enfoncer dans son pectoral - te libères par la même occasion et te masses le bras tout engourdi. Plaques ta main sur le suçon, le devines car ta peau est encore sensible. Et sa salive t'a encore sali.

— « Franchement. »

Tu le toises, encore un peu essoufflé.

— « Tu me pousses à bout. »

Coup de pied dans le tibia pour lui faire perdre l'équilibre, tu le chopes par le col et vous chutez dans les cartons.
Tu te redresses légèrement, tes cheveux blonds lui tombant sur le visage. Mais pas suffisamment pour que l'attraction disparaisse - et tu viens plaquer tes lèvres contre les siennes, forçant un baiser aussi passionné qu'amer.

Ça te dégoute.
Ça te dégoute et pourtant t'y prend du plaisir.
C'est les jolies filles qui te font de l'effet ; et pourtant Alec te rend dingue. Il bouscule tes principes, piétine tes idéaux, ravage tes idées fixes. Ta langue se fraie un passage entre ses lèvres pour venir danser avec sa comparse. Tu te sens monter dans la fièvre.
Son bras sur ta taille c'est trop comment ose t-il ?
Son bassin qui se frotte comment ose t-il ?
Comment ose t-il respirer, serait plus juste.

Il te retourne et vos corps roulent sur le sol, tu pousses les cartons avec tes bras pour faire de place, inspires un grand coup pour retrouver de l'air. Mais voilà qu'il t'embrasse de nouveau. T'as même pas le temps de respirer - t'ouvres les yeux et gémis, plaques tes mains sur son torse pour le repousser. Sourcils froncés, tu t'essuies la bouche d'un revers de manche sans pour autant faire quoi que ce soit pour l'écarter de sa position.

— « T'en as pas assez de te faire prendre toute la journée ? T'es encore en chaleur après tout ça ? »

Regard lubrique qui vacille de haut en bas, s'arrête à son entre-jambe.
Remontes finalement les yeux pour le défier avec mépris.

— « De ce que j'ai compris t'en as encore pour des semaines pour rembourser la dette que t'as creusé pour aller me pister. Hahaha, bien fait. »

Tu lui assènes d'une gifle avant de le choper par le menton, approches tes lèvres de sa joue que tu bisoutes affectueusement. Regard froid et indifférent. Tu revêtis le masque Aslan, et lèches sa pommette jusqu'à son oeil.
Tu te braques face à tes propres désirs, enfouis.

— « C'est tout ce que tu mérites, pour avoir été vilain. Mais moi je joue pas avec les objets sales et usés. »

Cruauté infinie.

Il a réponse à tout, comme d'habitude. Tu le toises avec fierté, alors que tu l'observes hébété. Confus par la situation et c'est pas le seul. Toi aussi t'es complètement paumé Aslan, à côté de la plaque alors qu'Alec siffle son sarcasme sempiternel.
Serait-ce la fausse affection qui l'aurait troublé ?
L'imaginer avec les clients ne te ravit pas - et si ça ne t'a jamais dérangé auparavant, la jalousie s'installe au même titre que le titre de propriété que tu lui as imposé.

Lior le sait. Lior l'a entendu de ta bouche hier matin. Alec est un problème que tu veux régler personnellement. Mais c'est la troisième fois que vos bouches s'attirent l'une à l'autre, c'est la troisième fois que vos maux dépassent vos mots - la troisième fois que vous dépassez la limite imposée par vos haines réciproques.

— « Oui. J'aime regarder. »

Premier aspect de sincérité quand tu baisses les yeux, les détournes sur le bas côtés. Tes cils clairs papillonnent et tu redresses finalement le menton pour l'affronter.

— « J'aime tout un tas de choses. »

Ton visage se fend d'un sourire dément, alors que tes pupilles se dilatent. Tu viens murmurer à son oreille.

— « Particulièrement dresser les chiens dans ton genre. Leur rappeler que leur place dans ce monde n'est faite que pour obéir et ne pas trop salir. »

Quand la colère se mélange au désir, ça ne fait jamais bon ménage.
Et quand la folie croise le fer, c'est un carnage.

— « Mais j'ai échoué. Tu es un cas désespéré. »

Lèves moites.

— « Peut-être devrais-je cesser de m'amuser avec toi et te tuer définitivement. Car même faire semblant de t'embrasser ne me provoque plus rien. »

Vile mensonge, instrumentalisé par l'ego blessé.
Putain Aslan, tu as commencé le jeu il y a un mois et tu as égaré les règles.

Tu veux qu'il te regarde, tu veux qu'il cède. Tu veux l'embrasser, aussi, dévorer ses lèvres que tu refuses de partager. Tu veux être le seul à pouvoir les souiller, et tant pis si c'est un secret.

Tu étires un petit sourire satisfait quand il parle de te mordre. Qu'il réessaie seulement... Les traces ont disparu, cicatrisées ou recouvertes pour les dessins d'Eponine. Merveilleux travail que tu n'arbores pourtant pas vraiment avec fierté. Tu lui en veux, à lui, de t'avoir forcé à trahir tes convictions pour rattraper ce qu'il avait laissé derrière lui. Souvenir indélébile.

— « Alors tu penses vraiment que tu as encore le contrôle ? »

Il te fait toi même douter, Aslan. Pourtant c'est toujours avec assurance que tu l'as combattu, que tu as écrasé ses espoirs du pied. Mâchoire tordue.

— « Je ne mens pas. »

La voix vacille et tu fermes les yeux, frémit à sa menace. Tu t'agaces, tu ne veux pas jouer au jeu des devinettes mais la curiosité ça fait parti de toi, de ton fonctionnement. La seule partie que ton cerveau n'opprime pas.
Tu recules brusquement ton visage quand il te touche, tournes la tête en fronçant les sourcils. Cette position et cette proximité t'inconforts depuis trop de minutes.

— « Je m'en fiche. Bouge. »

Tu l'écartes et te décales sur le côté pour te relever. La faible lumière vacille et tu lèves la tête.
Toujours bloqué dans ce sous-sol de merde; est-ce un coup de Maléfique pour se jouer de vous ? A t-il voulu te rendre service ?

La lumière s'éteint brusquement, surement de l'extérieur par un employé pensant que la pièce est vide. Tu paniques Aslan, et tu serres les poings.

— « Personne ne compte s'apercevoir que nous ne sommes pas remonté ?! »

Tu as l'habitude de te tapir dans l'ombre, mais tu ne vois pas dans le noir. Un brin claustrophobe au passage et c'est le mauvais mélange. Tu te retournes vers là où tu devines qu'Alec se trouve - là ou il se situait il y a quelques secondes.

— « Fais quelque chose pour nous sortir de là. »

Un ordre.