Tu étais arrivé le lundi matin devant Lior, lui avais fait les gros yeux, avais sorti l'argent de la poche. Lui et l'argent après tout, c'est plus facile de dialogue ainsi avec lui.
Tu avais réfléchi tous le week-end à ce que tu comptais faire avec Alec, le souvenir de son corps ancré dans ta chair, résonnant en multiples facettes dans ton esprit malade. La marque de ses doigts sur ta gorge, et toujours ce petit pansement blanc au niveau du cou pour en dissimuler les secrets les plus pervers.

Tu l'avais prévenu, et tu comptais le faire.
Acheter chaque jour de son existence. Pour qu'il n'appartienne qu'à toi - commençons déjà pour une semaine.
Et tu ne voulais pas qu'il soit prévenu. Tu avais chargé ton cher ami Lior de seulement mentionner un client régulier et exigeant, qui aurait eu recours à ses services jusqu'à vendredi.

Tu n'avais jamais pénétré les chambres de joie du moulin (hormis pour le boulot donc pour sortir un client désagréable ou protéger les filles). Première et dernière fois que tu comptais jouer les faux clients, mais le jeu en était que plus amusant.


Vêtu d'une chemise blanche, tu as troqué tes bretelles habituelles pour un blazer et une cravate. Tu n'as pas non plus coiffé tes cheveux ce matin là, ce qui a donné lieu à des bouclettes naturelles dû à l'humidité et à la Chaleur du royaume de Coeur.

Dans la chambre sont installées une cage et des chaines, non loin du lit pourpre. Tu n'as jamais  apprécié cette décoration Aslan, épris du blanc et du pur - les tapisseries en coeur te donnent la nausée.
Assis au bout du lit, tu attends, dos à la porte. Quand celle-si s'ouvre enfin, c'est comme il est réellement qu'Alec va se présenter à toi. Et tu ne peux t'empêcher de jubiler intérieurement, d'être aux premières loges de sa déchéance, quand bien même il ne se rend pas compte qu'il est toujours en train de chuter.

Il récite son texte, comme un bon élève. Tu inspires profondément... tu dois bien faire semblant de ne pas être dégoûté même si c'est dur. Alors c'est dans cet univers hostile qu'Alec évolue ? C'est comme un animal qu'il obéit ou... est-ce plutôt comme un homme libre qu'il choisit de lui même de se mettre en scène pour satisfaire les désirs d'autrui ?
Tu ne comprends pas ce métier, tu ne comprends pas ce monde.
Tu les protèges mais tu ne les respectes pas - au final c'est toi l'esclave Aslan, celui qui juge et qui condamne pour ne pas à assumer tes propres travers.

Tu roucoules, glousses de satisfaction avec discrétion lorsqu'il bute sur sa phrase. T'a t-il reconnu ? Il est adorable. Tu te laisses tomber en arrière sur le lit, les bras écartés dans un soupire d'aise bruyant. Ta cravate part s'échouer sur le côté.

— « Aaaah.... ! Bonjour Alec, ravi de vous rencontrer. »

Sourire doucereux quand il reconnait certainement tes traits. Tu déformes ta bouche en un rictus disgracieux, clairement provocant.

— « Je me prénomme Aslan. Je suis certain que nous nous entendrons bien pour la semaine qui arrive. »

Tu roules sur le côté, comme un enfant, pour te retrouver sur le ventre, les deux coudes bien enfoncés dans le matelas, soutenant ton visage angélique.
Le col bien relevé pour cacher les vestiges de vos précédents affrontements.

— « Ne me demandez pas d'explications je... »

Tu fais semblant d'être gêné, et imites à la perfection l'air ingénue que prend Daisy quand elle veut séduire les clients les plus tempétueux.

— « Je vous ai vu à l'accueil et j'ai craqué sur vous... J'ai des attentes particulières et des envies que peu pourraient encaisser. Alors... quand je vous ai aperçu, j'ai de suite pressenti que vous étiez l'homme parfait. »

Tu lui fais signe de s'approcher, agitant ton doigt dans le vide.
Espérant lui faire peur - faire monter la tension et la pression. Le voir se décomposer, ah quelle douce vengeance !

— « Approchez Alec, et montrez-moi ce que vous savez faire. Je ne voudrais pas regretter ce choix. »

Tu l'observes bien, les yeux écarquillés d'une folie innocente. Tu vois qu'il recule, qu'il se contient pour rester professionnel alors qu'il déglutit - qu'il perd ses moyens.
Tu ne peux que sourire d'autant plus en glissant ton regard vers sa main qui attrape la poignée. Non non Alec, tu dois accomplir ton devoir.
Tu roucoules davantage quand il répond à tes compliment alors que ça lui brule surement la langue. Quel plaisir, de le voir ainsi. C'est là qu'il est le plus beau.

— « Tant mieux, vous m'en voyez ravi. »

Il s'approche de toi, pose ses genoux sur le lit et tu baisses le regard pour qu'il s'ancre dans le sien. Tu esquisses un demi-sourire, aussi léger que sous-entendu.
Il se vend, il est si bon acteur ! C'est toi qui est comblé Aslan, par cette performance incroyable, par ce sang-froid que tu rêves d'effriter, de déstabiliser.

— « Rien, vous dites ? »

Il glisse sa main sur ta joue et tu frisonnes. Fronces les sourcils alors qu'il cherche sûrement à reprendre l'ascendant. Ah non !
Petite tape sèche sur sa main. Il n'est pas question qu'il s'en sorte aussi facilement avec des caresses ou des soupirs. Tu ne te laisseras pas aussi facilement corrompre, tu tiens d'abord à t'amuser ; à lui faire payer pour tout ce qu'il t'a fait.

Impérieux, tu le toises pour le remettre à sa place.

— « Faire à votre guise ? Je ne vous paye pas pour prendre des initiatives. Si je voulais ça, j'entretiendrai une relation amoureuse. »

Ou je me marierai, avec la plus belle des princesses.

— « Je disais donc... »

Sourire.

— « Alec, viens-là... »

Tu te penches, rampes un peu sur le lit pour pouvoir chuchoter dans l'intimité. Ce qui est très ironique, vu que personne ne peut vous entendre dans cette pièce.
Les yeux écarquillés.
Fou Aslan, fou de lui.

— « Est-ce que tu sais faire le chien ? »

Bordel il s'excuse... c'est jouissif à voir. Tu te délectes de la vue qu'il t'offre, de la générosité dont il fait preuve. Tu perçois sa méfiance, et aussi une sorte de résilience. Alec n'a pas le choix, et il le sait. Il pourrait refuser, mais ça serait accepter de perdre. Et dans cette roue du destin Alec n'a pas choisi la roue de la fortune. S'il se croit électron libre, tu prends plaisir à lui rappeler que dans cette guerre il n'est qu'un pion, et dans ce moulin ce n'est qu'une pute.

— « Bien. Je préfère ça. »

A ta question, tu le sens paniquer légèrement. Déchanter rapidement. Il te fusille du regard et tu restes serein, enlèves tes chaussures en appuyant sur le talon. Elles tombent au sol sur la moquette dans un bruit sourd et tu relèves les jambes en les croisant, toujours sur le ventre.
Tu soupires d'aise, fermes les yeux et hoches la tête nonchalamment et en rythme quand il t'explique posément qu'il ne l'a jamais fait.

— « Je vois je vois. »

Tu rouvres un oeil pour le scruter, passant ta langue sur ta lèvre, un peu excité à l'idée de le voir autant paniquer - presque supplier oui tu le sais.
Tu le scrutes en roucoulant puis roules encore sur le lit pour t'allonger, fixes le plafond.
T'impatientes alors que ta cuisse droite se met à trembler.

— « Alec. »

Autoritaire.

— « Va dans la cage. »

Tu tournes seulement la tête pour le regard, un air victorieux imprimé dans le sillon de tes traits crispés. Poings qui se serrent sur les draps alors que tu t'y accroches, te cambres en soufflant.

— « Allez. »

Il obéit encore, sans résistance. Et tu sais qu'il lutte pour pas tout envoyer en l'air. Il doit penser au poids des conséquences qui pèseraient sur lui s'il venait à commettre un impair avec un client.  Pourtant de ses yeux non plus t'as du mal à te détacher, alors qu'il descend du lit. Cette tension naturelle entre vous, tu en joues un peu aujourd'hui.
Mais tu y es toujours soumis.

Il rentre dans la cage, te prévient et tu te redresses. A l'affut, tu regardes autour de toi et poses tes jolis pieds sur la moquette, marches sur la pointe jusqu'à l'entrée des grilles, puis t'accroupi une fois en face de lui, pour te mettre à sa hauteur.
Dans cette prison éphémère, surtout utilisée pour des jeux pervers, tu vois Alec différemment.
Prisonnier, il est si beau.
Muselé, il serait si beau.
Alec est magnifique et ça t'enrage. Même après ces cicatrices, même brisé, il a ce regard défiant qui te fait défaillir.

Tu avances ta main pour venir caresser sa joue avec douceur. Amoureusement tu succombes. Non ! Tu lui assènes une gifle qui résonne en acouphène dans la chambre insonorisée.
Tu fronces les sourcils avant de soupirer.
Bordel, il te fait trop d'effet. Mais il n'est pas assez parfait. Alors tu viens saisir un collier - relié par une chaine aux barreaux de la cage, lui attaches autour du cou.

Enfonces la clé dans la poche de ton pantalon.
Sourire.

— « Là. Comme ça tu resteras bien obéissant. »

Tu t'approches de lui à genoux, mains sur le sol tu te penches en avant et viens embrasser ses lèvres avec passion. Forces le passage de ta langue pour venir chatouiller son palais, l'intérieur de ses joues. Salive qui coule légèrement sur le menton alors que tu t'éloignes de quelques centimètres, lui assènes une gifle. Plus forte que la précédente.

— « Hmm... Alec, vraiment. Je ne regrette pas mon choix. »

Tu te laisses tomber en arrière, fesses sur la moquette et tu plies les jambes jusqu'à ton torse. Tu inspires, expires.
Yeux dans les yeux, tu te nourris de sa frustration, de sa colère et peut-être de sa peur.

Après un silence amer, tu décides de retirer une chaussette.
Présentes un pied vers son visage.

— « Tu sais ce qu'il te reste à faire. »

Qu'il ne pense pas à tort que tu ne ressentes rien ! Toi aussi, tu souffres, Aslan. Que c'est horrible, cette sensation de manque... Ses lèvres étaient si douces, un peu salées. Tu veux y goûter de nouveau mais tu te retiens, intériorises tes frustrations. Pour qu'Alec comprenne, il te faut être impitoyable. Odieux - insondable.

Tu sens sa rage qui gronde dans son coeur atrophié, tu sens l'accalmie dont il fait preuve. Il se domine pour ne pas exploser. Alec est magnifique, quand il tire, nerveux, sur les chaines qui le retiennent prisonnier. Vous m'en voyez ravi qu'il dit d'un ton poli, d'un voix jolie.
Tu sais que tu le détaches et t'es mort Aslan. Tu joues à un jeu dangereux mais c'est ça qui te plait - tu le briseras avant la fin de la semaine.

— « Ravi ! C'est moi qui suis ravi ! »

Tu cambres un peu le dos, lèves la jambe pour faire parvenir ton pied à ses lèvres. Tu lui fais au moins l'infime honneur d'être propre. Prémédité, petits bain de pieds. T'as les orteils qui sentent la fleur d'oranger.

— « Alec. »

Tu réponds presque automatiquement. Tu te mords la lèvre, un peu excité de le voir comme ça. Le rose aux joues alors qu'il plante ses dents dans ta paume et tu fronces les sourcils.

— « Ne m'oblige pas à te corriger. Ne me fais pas mal. »

Une partie de toi veut qu'il le fasse - qu'il t'offre la légitimité de le punir. C'est toujours comme ça quand vous êtes tous les deux.
Mais cette fois-ci c'est différent. T'es lâche Aslan, un putain de lâche et cette situation te convient parfaitement.

— « Utilise ta langue. »

Parce que t'aimes avoir l'ascendant. Tu lui enfonces le pied dans la gueule, appuies sur sa bouche pour le forcer à l'ouvrir.
Soupires bruyant. Inspires, expires. Il n'y a rien de malsain, c'est la nature non ?
Un maitre et son chien.
Non. Deux garçons.
L'un est amoureux et l'autre...
Non.
Ils se détestent.

— « Si tu mords, je vais me facher. »

Ils se détestent avec amour.

Sa langue qui sort enfin, trace des sillons de salive sur la paume de ton pied, jusqu'à tes orteils. Tu frissonnes Aslan, totalement électrifié par les sensations qu'il te provoque. Le voir comme ça, ça te fait quelque chose. T'es mauvais joueur, mauvais perdant mais surtout mauvais gagnant. Sur ton visage se dessine les traits du diable, et tu souris d'un air victorieux et sadique. Jubile silencieux de l'avoir dompté. Penses déjà à tout ce que tu lui feras subir cette semaine. Le jeu ne vient que de commencer.

— « C'est bien. »

Mais moins bien quand il s'agrippe à tes chevilles pour te tirer en avant. Tu étouffes un grognement de colère et tes ongles s'enfoncent dans la moquette pour ne pas totalement perdre l'équilibre. De rage, tu t'exclames.

— « Qu'est-ce que tu fais ?! »

Le visage vire au rouge, tu pousses un cri de douleur quand les dents s'enfoncent dans ta jambe. Tu te débats comme tu peux, lui file des coups de pied dans le visage pour lui faire lâcher prise et tu rampes comme un animal blessé vers le lit.
Mets de la distance entre lui et toi - il ne pourra pas trop sortir de la cage à cause du collier. Tu souffles par le nez et baisses la tête vers la morsure, à sang.

— « Fils de pute. »

Ça sort tout seul, t'as plus envie de faire semblant.
Mauvais perdant.

Tu t'essuies le front et le toises, aux aboies et méfiant. Ta voix déraille et tu te forces à étirer un sourire pour garder la face.

— « Haha... En fait... Tu n'attends que ça que je te punisse hein ? J'ai raison ? »

Tu te relèves, boites un peu. Ce que tu peux en rajouter Aslan. T'es vraiment une chochotte.
Tu t'approches d'un côté du lit, ouvres le tiroir pour en sortir une longue tige noire. Avant que vous vous demandiez, ce n'est pas à introduire.
Ça s'utilise seulement pour frapper.
Donner des coups aux mauvais garçons. Aux animaux mal dressés.

— « Très bien, tu ne me laisses pas le choix. »

Et cette fois, tu restes debout à mesure que tu t'approches. Pas trop prêt, tu restes à une certaine distance de sécurité.

Il te défie du regard et ça te fait grincer des dents. Tu te mords la lèvre, agacé de sa combativité. Il est loin d'être détruit, ou abattu. Tu en es certain maintenant, tu le vois à ses yeux qui te hurlent dessus, qui brulent dans les flammes ardentes de la rage incandescente.

Il te provoque, tire sur les chaines de toutes ses forces et tu as un petit mouvement de recul. Tu refuses de céder si facilement. C'est juste un chien enragé, et les animaux ça se dresse, ça se corrige, se domine. Un animal c'est fragile et pas trop complexe. Tu sais de quoi tu parles.

— « J'ai pas peur de toi. »

Un peu, quand même.
C'est une peur irrationnelle, celle des conséquences, celle de la vengeance. C'est pour ça que tu dois le briser.
Rictus mauvais qui s'étire alors que tu desserres ta cravate d'une main à peine tremblante.

— « T'es à moi pour la semaine tu te souviens ? Je t'ai payé et j'en aurai pour mon argent. Tu peux toujours te convaincre que tu as le contrôle de la situation mais... »

Ta langue, marionnetiste habile de ta lâcheté.

— « Je peux en parler à Mère-Grand. Ou a Lior. »

Mensonge éhonté. Tu en as plus qu'assez qu'on se mette sur votre chemin - tu n'as besoin de personne pour te défendre. Tu seras l'unique berger du troupeau.
Même si le loup s'y est déjà infiltré et qu'il est à deux doigts de te dévorer.

Tu t'approches d'un autre pas, te penches en avant pour lui asséner d'un coup au niveau du torse, un autre sur le bras.
Tu as l'air complètement désaxé Aslan.
Si fou que tu ne te rends pas compte à quel point tu es prêt (et à quel point ça te plait).