Les couloirs se succèdent comme les visages qui ne seront jamais retenu et Elias a l'impression d'emprunter encore et encore le même chemin au point de tourner en rond ;
C'est qu'il était grand, ce château
(c'est qu'on s'y perdrai presque si on n'y faisait pas attention)
mais Elias fait attention, ne veut pas se perdre
(ou ne veut pas perdre la face à peine arrivé)

Il ne cherche pas spécialement quelque chose, juste à se familiariser avec ces lieux qui sont dorénavant son foyer.
On lui a chuchoté à l'oreille son rôle au sein de sa nouvelle maison
(on lui a demandé de garder le chien de sa Majesté)
mais son visage lui est inconnu : il veut bien tenir une laisse, mais il est plus dur de le faire lorsqu'on ne sait pas à quoi ressemble celui se tenant au bout
(et peut-être que dans son errance il cherche à connaître le museau de l'animal)

Alors il se promène, Elias, enchaînant les couloirs et les portes, jusqu'à arriver dans un jardin tout aussi grand entretenu à la perfection. Ses yeux se baladent de fleurs en fleurs ─ n'en reconnaît aucune espèce mais cela lui importe bien peu.
Et il sort des chemins soigneusement pavés pour se perdre dans une nature plus sauvage et moins entretenue mais se mariant étonnamment bien avec le reste
et en s'aventurant il découvre cet abris au fond, caché, presque secret

Intrigué, Elias s'approche, l'abri ressemble à une maison ; il s'approche encore, ouvre la porte, légèrement ─ elle n'était pas fermée, personne ne semble à l'intérieur de la pièce
et ses sourcils se froncent à la vue du désordre ─ quel faible mot ─ y régnant ; il se demande, Elias, comment c'était possible de vivre dans un tel environnement, ou si le propriétaire des lieux ─ il y en avait forcément un au vu des meubles ─ connaissait la notion de rangement, comment ça ne pouvait pas le gêner de vivre... dans ça.

C'est d'un œil désemparé qu'Elias se perd dans la contemplation de cette pièce désordonnée sans pour autant franchir le seuil de la porte.

Finalement, à bien y regarder, il y avait effectivement quelqu'un dans la pièce en désordre semblant à la recherche de quelque chose
(c'est qu'avec ce bazar Elias avait à peine remarqué le propriétaire des lieux)

Il te dévisage un instant ─ tes cheveux bleus en désordre, la pâleur de ta peau, tes cernes ; te détaille de haut en bas sans rien dire, puis ses yeux se posent sur un singulier collier encerclant ton cou
(ou devrait-il dire de l'animal, car bien vite il comprit qui se tenait en face de lui
ah, il n'aurait jamais cru te voir aussi vite)
Elias te toise et laisse planer quelques secondes de silence, calme froid que ton agressivité brûlante ne semblait pas faire vaciller

▬ Votre nouveau maître, paraît-il.

Froid, simple et concis, Elias ne prend pas la peine de te donner son prénom ─ tu le saura bien assez tôt dans tous les cas.
Son regard te quitte pour explorer une nouvelle fois ta maisonnée ─ le bazar que tu y as mis le fascine autant qu'il l'agace.

▬ C'est donc vous, le propriétaire de cette... porcherie. Ne prend aucune pincette, laisse planer encore un court silence. Ne vous a-t-on jamais appris à ranger ?

Pas une once d'expression ne traverse son faciès lorsqu'il t'adresse ces mots tranchants et brutaux ─ visage de marbre, regard froid, voix glaciale dénuée de toute émotion, moue figée que rien ne semblait pouvoir dérider ; il était difficile de savoir ce qu'il lui passait par la tête
(c'est qu'Elias ne s'embête pas avec des choses superflues
on aurait presque dit qu'il te posait une question tout à fait banale)

C'est par une agressivité brûlante que tu réponds encore une fois au calme froid d'Elias
(à croire que c'était ton seul moyen de défense face à ta situation
et peut-être que finalement ce n'était pas qu'une hypothèse)

Tel un animal tu grognes et sors les griffes
(Elias comprend alors un peu mieux pourquoi sa Majesté t'appelle "son chien"
car d'animal tu en es vraiment un et tu ne t'en cache pas)
Il hausse les épaules à ta remarque.

▬ Si cette appellation peut vous faire plaisir.

Il le sait, que si tu es ici contre ton gré, mais il n'en a que faire ─ ce n'était pas ses affaires et il n'avait pas une once de compassion pour ton cas
(ah, qu'il est glacial, Elias)
Tes menaces lui arrachent un léger sourire qui disparaît promptement ─ tu l'amuses, Balthazar, et il te fait implicitement comprendre qu'il n'a pas peur de toi, toi qui n'est qu'une bête à dompter à ses yeux
(c'est qu'il n'a pas encore conscience d'à quel point tu peux être dangereux, Balthazar, et qu'il valait mieux éviter de pousser ta colère trop loin)
D'une poigne ferme Elias t'attrape le poignet (te le broierait presque) et te force à baisser tes griffes, plantant aussi ses yeux dans les tiens.

▬ Je suis ravi de voir que vous m'appréciez déjà, ironise-t-il sans un sourire.

Et sans prévenir tente de t'assener un coup dans l'estomac à l'aide de son genou
(espère de te faire plier en deux pour te punir de ton insolence
car pour un animal tu es bien mal éduqué)

▬ Tu devrais rester à ta place, Bandersnatch, si tu souhaites que la cohabitation se déroule sans encombre.

Son vouvoiement habituel tombe et son tutoiement glaçant prend sa place ; malgré le visage impassible qu'il affiche on peut deviner dans son regard une lueur malsaine
(il est vrai qu'il est plaisant de dominer une situation).

C'est qu'il t'avait bien trop sous-estimé, Elias.
C'est qu'il n'avait pas écouté les avertissements, Elias.
C'est qu'il ne t'avais pris que pour un vulgaire animal, Elias.

Et là avaient été ses erreurs.
Ses terribles erreurs.

Ce n'est que trop tard qu'il a vu cette mince entaille sur son poignet qui lui fait anormalement mal à mesure que le sang en perle ─ ça brûle, même
il ne voit pas ton bras se détendre et tes griffes venir marquer sa joue ─ impuissant  ne peut que sentir le douloureux poison se répandre dans ses veines et se déverser dans tout son corps

De surprise mais surtout de douleur il hurle à s'en arracher la gorge ─ par réflexe porte l'une de ses mains à sa joue blessée et se rattrape à l'embrasure de la porte pour ne pas tomber avec l'autre
(c'est que devant toi jamais on ne ploiera le genou
jamais on ne te suppliera
jamais on ne rampera
c'est qu'on préfère encore supporter le mal atroce qui nous tue à petit feu plutôt que de s'avouer vaincu)

▬ Va... te faire... foutre... yeux dans les yeux, rage assumée dans le regard
(rage de te donner une bonne leçon après ça
rage de ne pas t'avoir pris au sérieux
rage de vivre surtout)

Serre les dents pour ne pas hurler encore ─ refuse de te faire plaisir une nouvelle fois ─, mord la lèvre quand le mal est trop puissant à s'en faire saigner, mais ne peut empêcher des gémissements de franchir ses lèvres ; serre l'embrasure à s'en faire blanchir les jointures, prend sur lui cette douleur qui fait tordre son corps et lui fait perdre son souffle
(il te hait si fort
il se hait si fort
si seulement il n'avait pas été aussi stupide dans son arrogance mal placée)

Il faiblit à mesure que le poison l'envahit, il le sent ─ pour autant ce n'est que lorsque toutes les parcelles de son âme auront été arrachées une à une par ton infâme stratagème qu'il s'écroulera devant toi, pas avant
(fierté mal placée il est vrai mais résistera aussi longtemps qu'il le faudra
et plus tard se vengera et tu regretteras d'avoir osé l'humilier ainsi)
alors en attendant il te fait face et jure intérieurement d'un jour te faire payer

Dans tes yeux il voit cette satisfaction qu'il déteste déjà : car il voit, Elias, que tu te délectes de sa souffrance comme on savoure un délicieux met préparé par le meilleur des cuisiniers
(et il déteste ça)

Mais tu as encore faim, Balthazar, terriblement faim ; Elias ne peut empêcher cette main se poser sur son épaule, cette griffe venir douloureusement caresser son épiderme, ce râle de douleur qui s'échappe de sa gorge  ─ ton rire tordu par le vice lui écorche les oreilles autant que ton poison vient saturer ses nerfs.
Il ne peut répondre à ta provocation que déjà tu le tires et le mets à terre ─ dans un semblant de domination tu viens lui écraser le visage et dans son regard la rage se mêle à la haine
(pauvre Bandersnatch, pauvre chien, tu paieras cher cet affront que tu oses me faire aujourd'hui)
Tu déverses un fiel corrosif dans l'air pendant que tu appuies sur son visage meurtri ; mais Elias n'écoute qu'à moitié, ses sens et sa raison presque annihilés par ce mal qu'il peine à supporter
(l'humiliation porte un coup critique à l'ego pendant l'éternelle lancinante agonie du corps et de l'esprit)

Son regard glisse sur ton visage
(cherche des yeux une échappatoire)
sur ton collier qu'il entraperçoit
(soudain dans la confusion une illumination)
Sourire mauvais pétri de douleur qui étire ses lèvres ─ car ta position n'est qu'une illusion qui se brisera bien vite ; Elias est le maître, toi l'animal à dresser
(ne l'oublie jamais)

▬ Oh...?

Et sans prévenir active ton collier car veut qu'à ton tour tu te tordes de douleur comme lui l'a fait ; profite de ton moment de faiblesse pour dégager ton pied ─ liberté d'apparence retrouvé mais la douleur, oh la douleur, si implacable, quelle entrave terrible à nos mouvements
Il se relève, essayant d'ignorer sa propre souffrance ; te pousse et c'est toi cette fois qui te retrouves à terre, lui sur toi, agrippant à ton épaule d'une main
(te la serre si fort qu'il pourrait presque te la broyer s'il avait plus de force, vain moyen d'évacuer un peu cette douleur qui l'assaille sans répit)
l'autre prête à de nouveau faire usage de ces méthodes que tu détestes tant ─ et si elles ne suffisent pas, eh bien ! ainsi soit-il, il avait bien d'autres moyens à disposition s'il le désirait
(mais peut-être pas le temps nécessaire pour les exécuter)

▬ Tu sembles bien vite oublier ta position, très cher, tu veux que je te la rappelle une nouvelle fois ?

La douleur devient de plus en plus insupportable à mesure que les secondes s'égrènent, elle vient méthodiquement et sans délicatesse déchirer chaque parcelle de son être, par petits bouts, jusqu'à ce qu'enfin il n'en reste plus rien si ce n'est des morceaux épars balayés par le vent ─ mais Elias serre les dents, Elias à bout de souffle refuse de faillir si vite, Elias se battra quitte à te faire tomber avec lui

▬ Donne l'antidote. Immédiatement.

Et un ricanement vient se mêler à sa respiration saccadée ; il sait ses gestes tremblants mais pourtant essaie de les contenir le plus possible, il sait son regard fiévreux et sa vie déclinante ─ mais jamais, ô grand jamais, il n'abandonnera si vite.

▬ Et si tu refuses... Soit, je crèverai comme un chien, mais ça ne sera pas sans t'avoir fait ramper à mes pieds comme tu devrais le faire.

Car dans sa déchéance infernale il tâchera de te marquer par la la plus terrible des douleurs pour qu'à jamais tu te souviennes de ce qui arrive lorsqu'on s'en prend au chasseur.

Oui, c'est vrai, il triche Elias, il use des moyens à sa disposition
(du seul existant)
pour te faire ployer le genou comme tu devrais le faire
(c'est que tu étais bien mal dressé, Balthazar, et il comprend pourquoi personne n'avait encore réussi à t'apprendre à rester à ta place
tu as la fierté sauvage des loups et l'arrogance bien mal placée)

Alors tu te lèves, t'approches quand lui veut reculer sans pour autant en esquisser le geste, et savoure tes mots emplis d'une souffrance qui lui paraissait étrangement agréable à l'oreille ─ ne saurait dire, Elias, si c'était sa vengeance qui lui procurait une telle sensation, ou tout simplement le plaisir de te voir à deux doigts de ramper à ses pieds
(se découvre quelques plaisirs interdits, aussi, mais n'est-ce pas les plaisirs les plus doux ?)

Il frémit quand ta langue vient lui lécher les blessures ─ surpris d'abord, te lance un regard noir, scène si irréaliste, et lorsqu'il sent la douleur s'atténuer, il comprend
(mais se demande, tout de même, s'il n'y avait pas un moyen moins dérangeant d'administrer l'antidote)
mais elle reste présente, la douleur ; lancinante, elle joue avec ses nerfs ─ et il comprend que la dose n'est pas suffisante, qu'il n'en a pas fini avec toi

Oui, Balthazar, il a bien compris, maintenant, que sa place ne tenait à peu de chose, finalement ; tu tombes à genoux et ah ! que c'est plaisant, cette vision, où le chien est enfin à sa place ─ malgré la douleur ne peut s'empêcher de s'en délecter, de cette scène
(puisses-tu, à l'avenir, lui en offrir de nouvelles, car il ne s'en lassera jamais
ou es-ce la colère qui parle ?)
Il s'approche de toi, encore rongé par la douleur mais, cette fois, bien plus supportable qu'il y a quelques secondes ─ peut bouger bien plus librement, peu à peu recouvre un semblant de raison ; serre les dents et ignore le poison qui le fait souffrir

▬ Je sais. sourire mauvais, encore Mais s'il le faut, je te l'arracherai de force. Que tu sois conscient ou non

Et tu as intérêt à lui obéir, Balthazar, n'est-ce pas ? Si tu ne veux pas qu'une nouvelle décharge vienne ébranler une nouvelle fois ton
((ego))
corps
Il s'approche encore, arrive à ta hauteur

▬ Tu ne m'en as pas donné assez, d'antidote.

Passes ses doigts sous ton menton et se demande, Elias, si dans ses yeux tu
((contemples ta misérable condition))
vois ce que tu devrais être

▬ Et ose seulement me griffer encore au lieu de faire ce que tu devrais, et je réactive ton collier. C'est clair ?

Il n'en a rien à faire, Elias, que tu t'évanouisses devant lui
(tant que tu finis de complètement de faire ce qu'il te demande
car c'est tout ce que bon chien bien éduqué obéit, n'est-ce pas ?)

Tu es si répugnant, Balthazar
si animal
sèchement il retire ses doigts de ta langue
quelle horreur
mine de dégoût qui s'affiche sur son visage

Mais à peine eût-il le temps d'éloigner les doigts de ta salive qu'il se retrouve sur le lit
obligé de supporter tes caprices
ah, que tu es dégoûtant, Balthazar
le moindre contact lui donne la nausée, frisonne à chaque fois que ta langue entre en contact avec sa peau
c'est immonde
et tu t'approches, encore et encore ─ pour le soigner, dis-tu, mais tu aurais préféré que ce soit pour l'égorger
(car lui aussi le veut)
frémit lorsque ton doigt passe sur son épiderme et encore ça
Il adorerais se dégager mais tu lui rappelles qu'après tout, tu ne faisais que le soigner, se serait dommage qu'il se loupe, non ?
(comme il serait dommage qui t'ouvre la gorge car l'envie lui démange
et il l'aurait fait s'il le pouvait)

▬ C'est dégueulasse, qu'il laisse échapper tout de même
(mais ça, tu le sais déjà, n'est-ce pas ?)

Et une fois la douleur enfin partie et la torture achevée, tu te relèves, le menace encore
oh, ne t'inquiète pas qu'il partira, avec ou sans menace, mais ça ne sera pas sans se venger un peu avant
(c'est de bonne guerre, après tout)
Sans prévenir sa jambe se lève soudain à toute allure
(droit vers ton intimité
peut-être que, à défaut de te castrer, cela t'aidera à calmer tes pulsions ?)
Il ne prend pas le temps de vérifier que son coup porte ses fruits qu'il réactive le collier, pour te voir encore à genoux
(l'idée de te voir te tordre de douleur encore le satisfait grandement)
et enfin se relève, plus qu'agacé, s'essuyant le visage et tous les endroits que tu avais touché avec ta langue ; dans un élan de vengeance vient à son tour brusquement écraser son pied sur ton visage

▬ Sale chien.

Et comme pour accompagner son injure, il t'envoie un dernier coup de pied dans le ventre avant de s'en aller sans rien dire ─ si ce n'est en te foudroyant une dernière fois du regard
(oh, Balthazar, ce n'est que le début du supplice)