Rouge est la chevelure, brûlant est le regard, alléchante sont les courbes, bruyant est le rire, une fois bien trop de verres de rhum ont été consommé. Crochet est une habituée des bars, Crochet on commence à la connaître, on sait qu’il y aura toujours de l’alcool qui va couler à flots, que plusieurs clients finiront par perdre leur bourse, et que si la route d’Anaël croise celle de Crochet, il est très fort à parier que les deux finiront par se bagarrer. C’était devenu un presque rendez-vous ancestral, une éternelle querelle, un jeu presque du jeu du chat et de la souris entre deux Rois sur un échiquier. Pas de haine entre eux, bien qu’il fût aisé de la feindre, pas d’amour non plus, juste un impossible besoin de se mesurer l’un à l’autre encore et encore, inlassablement.

Glisse avec adresse les doigts sur la table, elle lorgne la bière qu’il est en train de boire alors qu’un sourire satisfait s’intensifie sur ses lèvres. Un bras de fer, Crochet n’est pas bête, elle a plus d’une chance de perdre, mais comment résister à une telle provocation, si délectable au gout de la pirate. Elle s’en foutait bien de perdre, ce ne serait pas la première fois, ni la dernière. Mais elle avait toujours une chance, le gars était peut-etre pas si fort que cela, il avait d’un gringalet depuis là où elle le toisait.

Alors elle s’assoit, rit un peu de sa manière de parler, à force elle le connait. D’un geste bref elle siffle entre ses doigts, laissant quelques secondes à un de ses gars pour lui déposer un verre de rhum qu’elle avale d’une traite.

« Allez viens, je t’couler comme une enclume gamin »

Regard provocant, alors qu’elle fait la moue comme pour réfléchir. Moue qui devient vite un de ces sourire carnassier, affamé, que fière elle se rapproche, colle un peu plus son buste contre la table, annonçant avec son regard fier.

« Je veux un bateau. »

Les mots lâchés, comme un corps au milieu de la mer, font rouler des yeux les quelques matelots de Crochet présent dans le bar, pendant que cela en fait rire d’autre. C’est pas un secret que Crochet a perdu son rafiot, mais tant que c’est elle qui en rit c’est encore okay. Parce contre si c’est quelqu’un d’autre qui s’y met, Madame est bien moins encline à rigoler. Mais ça c’est une autre de ces sales histoires made in Crochet.

Elle pose son coude sur la table ouvre sa main droite. Hausse provocante les sourcils furtivement, un sourire satisfait sur les lèvres.

« Avoue. Le prix d’une tournée de tous les bars avec toi, ça revient au prix d’un putain d’un rafiot. »

Et c’était pas peu de le dire. Surtout qu’à tous les coups, James boirait aussi. Parce qu’il fallait mal la connaitre pour penser que cela s’arrêterait à une seule pauvre tournée par bar. Très mal la connaitre.

« Alors toujours partant Moufton, où ça y est t’as la trouille ? »

Elle ne perds pas un miette de la mine qu’arbore son adversaire lorsqu’elle annonce son prix, se délecte des yeux écarquillés et de ce « o » formé par les lèvres fines d’Anaël, une mine qui ne fait qu’agrandir le sourire vainqueur de Crochet qui se délectable de chaque mouvement, chaque ridule du visage face à elle. Elle le voit qui zieute son équipage, un équipage bien peu enclin d’espoirs quand à la victoire de leur patronne sur un bras de fer. Sur une descente d’alcool, l’espoir aurait été permis, mais là, à moins d’une triche, ils ne donnaient pas cher de la peau de leur Capitaine. Du coup l’idée du bateau, ils le voyaient comme une bonne vieille blague de Crochet. Alors que dans son dos sans qu’elle ne le sache, ils se cotisaient tous pour récupérer leur maison flottante.

Ceci étant ils jouaient le jeu, encourageant leur Capitaine, tapant dans les tables, trinquant, ambiançant le bar, tout en volant deux trois bourses au passage. On est pirates où on ne l’est pas. Pendant ce temps, Anaël a tendu son bras, il a accepté, alors rencontre bien loin d’être fortuite entre les deux mains qui s’enserrent, les regards qui viennent à se défier avec cet éclat particulier, cette rage et cette excitation dévorante, le jeu. L’envie de gagner.

Un rire s’échappe succint d’entre les lèvres jours à l’entente de sa façon de parler. Anaël parlait de cette manière bien à lui, qui ne parlait pas vraiment à Jamie mais qui avait toujours le don de la faire sourire, voir même de la faire rire. Il n’avait pas ce sérieux que les gens ont tant de fois, cette politesse si urticaire aux oreilles de James, Anaël c’était un peu ovni dans cet endroit au combien particulier que fut Wonderland. Il était unique au contraire de bien d’âmes de ces contrées, et c’était quelque chose que James, elle valorisait.

« J’ai hâte de voir la gueule du bateau nommé Jean-Guy. »

Sourire amusé, alors que la concentration vient vite la rattraper, alors qu’il lance d’une voix forte est assurée le décompte. Les matelos crient, encouragent, alors que les deux forces se rencontrent. James le lâche pas des yeux, pas question de lâcher ça, comme un second combat à l’intérieur d’un plus grand et plus féroce encore. Le bras de la pirate tremble, mais elle ne perds pas son air provocant, ni même son petit sourire supérieur. Perdre oui mais avec panache.

Elle se bat jusqu’à la fin, mais à bout de force son bras finit par s’écrouler sur la table, un soupir faussement exagéré de rage passant ses lèvres.

« Putaaaain. »

Les matelots rient, charient Crochet, tapent avec vigueur dans le dos d’Anaël, pendant que James fait un peu la moue, sale gamine. Elle lève un peu agacé son verre vide de rhum.

« Tournée Général pour Crochet »

Folie dans le bar, hurlement satisfait. Elle rechigne se renforgne, et baragouine entre ses dents.

« Tu me revaudra ça gamin. Prochaine fois je te coule avec une enclume. Ou je t’empaille comme déco sur le rafiot. »

Mais si tu la connais, tu sais, dans son regard qu’à cet instant elle n’est pas sérieuse, ces des paroles en l’air, juste pour le style, juste parce que ça fait parti du jeu. Et si tu prends garde elle a déjà un petit rictus amusé sur les lèvres. Elle est beaucoup de choses James mais pas une meurtrière, enfin plus, parce qu’elle l’a été, mais ce souvenirs là n’est plus que limbes dans la mémoire embrumée et dévastée qu’il lui reste. Elle a été une Alice avant, elle a été Anaël avant. Mais elle s’est laissée dévorée.

« Dans un marathon d’alcool je t’aurai aligné. »

Apparait le verre de rhum dans sa main, une pinte de bière dans la tienne, Crochet venant se faire entrechoquer les deux, avec un sourire.

« Bien joué quand même. Gamin. »

Impossible de s’empêcher de pouffer quand le regard de James croise la pose comique d’Anaël, des fois il en arrivait à lui faire oublier qu’il était pas de son équipage, parce qu’il s’y fondait bien trop parfaitement. Combien de fois elle avait essayé de le recruter ? Bien trop ? Beaucoup trop ? Pratiquement à chaque fois ? Plus ou moins une centaine de fois, mais Anaël était autant tête de pioche de James alors c’était un conflit sans fin entre eux. Et puis Anaël était une Alice, et il y croyait encore, il le voulait encore, sortir. Alors que toi Jamie, t’avait vite laissé Wonderland dévoré les éclats de ta mémoire. Sans regret.

Sourire malingre mais sincère sur tes lèvres. Le jour où il serait prêt, sur ton bateau une place l’attendrait, chauffé et confortable. En attendant vous pouviez bien vous chercher des poux sans raison. Rajoutez un soupçon de joie et de folie dans les journées déjà bien remplie de Wonderland, faire du reste de leur vie un joyeux mais agréable bordel.

Un autre rire alors qu’il mentionne de ne pas oublier la veste, clin d’œil parfaitement envoyé vers le vainqueur de la soirée.

« Comme si je pouvais t’empailler sans. Je ne m’oserai jamais à un tel affront. Peut-être que je te la volerai de temps en temps ceci étant. »

Elle tire un peu langue, sale gamine, sale gosse, enfant, joueuse et amusée, la meilleure et plus belle version d’elle-même à son humble avis. Alors qu’elle lâche un hoquet de surprise en sentant les mains sur sa taille, qu’on la soulève pour la ramener debout face à ses gars. Pensée qui traverse son esprit en premier, lui mettre un coup de coude dans le nez, parce que Crochet n’aime pas être touchée. Légers regards vers ses matelots qui s’attendent à voir la situation dégénérée, mais Crochet pour cette fois laisse couler. Ne laissant place qu’à la bonne humeur au sein du groupe.

Les verres s’entrechoquent dans une mélodie biscornue, alors qu’il grimpe sur la table pour entonner une chanson. Disparait rapidement le liquide dans la bouche de James, glisse le long de sa gorge, vide le verre d’une traite, alors que la chanson commence. Pose le verre sur la table, et tape dans ses mains pour donner du rythme, vite suivie par l’équipage.

Joyeux bordel, Joyeuse famille.

« Buvons un coup,
Buvons en deux,
À la santé des amoureux !
À la santé du Roi de France,
Et merde pour le roi d’Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre ! »

Crochet chante, Crochet danse, Crochet rit, tourne ses longs cheveux rouges et roux, femme, moins pirate. Comme cela n’arrive pas si souvent. Forme une ronde autour d’elle, dans laquelle on attire Anaël, alors que tout le monde continu de chanter, invité à affronter dans un de ces idiots combats de danse. Parce que Crochet et son équipage ne semble jamais s’arrêter, on sait faire la fête où on la fait pas, que beaucoup disent.

Elle est touchée Crochet, tu peux le voir dans l’éclat bien trop lumineux et presque humide de son regard, elle est touchée de tes mots, de ta joie, de ton espoir, toi et l’équipage vous êtes tout ce qu’elle ne se souvient pas ne pas avoir eu dans sa vie d’avant, mais qu’elle peut ressentir, un soutien, une famille, un sentiment indélibile de pureté et de bienveillance à son égard, toutes ces belles choses qu’elle ne pense pas mériter. Parce qu’elle n’est pas pure Crochet, parce qu’elle n’est pas quelqu’un de bien à sa manière, parce qu’elle donne si peu, alors qu’eux ils lui donnent tout, pansent les insécurités cachées au creux de l’âme, le manque d’amour propre, et le cœur qui semble scellé au creux de cette enveloppe faite de boutades graveleuse, de rires tonitruant, d’un humour léger, de pics amusé et d’un sourire qui ne semble jamais s’éteindre vraiment. Et si finalement ce n’était qu’une enveloppe qu’elle te montrait, qu’elle montrait au monde, pour cacher le vrai désastre au creux de son âme. Impossible à savoir, presque impossible à déceler, parce que même Crochet d’elle-même, elle ne sait pas ce qu’il en est.

Se croisent vos regards brillants, alors que les mots qui comptent vraiment sont prononcés : Liberté. Viens de sa main ébourrifer les cheveux noirs, tes cheveux d’un geste maternelle, ou fraternelle, une attention qu’elle réserve à ses matelots, à ceux dont la vie lui importe vraiment. A ceux qui comptent. Et tu fais parti de ceux là même si elle ne l’avouera pas.

Les laissent danser les matelots et les vauriens du bar, alors qu’elle se recule un peu avec toi.

« La liberté c’est vraiment la plus belle des choses. »

Sourire doux sur les lèvres de la rousse incandescente alors qu’elle ferme un bref instant les yeux avant de te regarder à nouveau.

« Elle ressemble à quoi ta liberté à toi ? »

Parce que si ta liberté Crochet elle a l’allure d’un bateau voguant pour l’éternité, là où même ses propres émotions ne peuvent la rattraper,

« Dis je me demandais… »

Elle tente pour une fois de bien choisir ses mots Crochet, de pas balancer sa question sans douceur ni vergogne comme elle a pourtant l’habitude de faire, parce que t’aura peut-être pas l’envie de répondre, ou peut-être qu’elle est juste mal placée pour demander, mais elle peut s'empecher d’y penser parce que ça la travaille quand même Crochet, ça pousse sa curiosité, mais aussi parce que finalement elle en a quelque chose à faire de ce qui pourrait t’arriver, peut-être pas autant qu’une amie une vraie, mais presque. Et qu’elle se dit que si un jour t’abandonne t’aura une place réservée sur le bateau de la Liberté.

« Pourquoi tu veux tant rentrer ? »

Qu’est ce qui finalement t’attends à la maison, par là bas cet autre monde, chez toi.

Elle te regarde Crochet, elle tente de comprendre ce qui te rappelle avec tant de ferveur dans cet autre monde plutôt que de rester ici. Elle écoute, elle sourit quand tu viens lui décrire ta drôle de machine, et elle a ce regard doux Crochet, le regard d’une mère sur toi, comme elle peut l’avoir parfois pour ses matelots. Et puis tu lui parle de liberté, de ta vision de la liberté, que finalement la liberté c’est d’avoir un endroit où retourner, un endroit où se reposer, un endroit pour s’échouer finalement. Et à force de t’entendre elle comprend Crochet. Parce que chez elle c’est ici, et que même si elle partait elle donnerait tout pour rentrer.

C’était probablement pour cela qu’elle ne s’était pas battue à l’époque, parce qu’elle n’avait tout simplement aucun endroit qui vaille la peine de retourner. Il y a surement des années elle t’aurait envié Crochet, elle aurait envié cette chance que t’avais eu mais qu’on lui avait pas donné. Mais il est loin, si loin ce passé dont James en a oublié tous les traits. Par le temps. Par la volonté aussi. Être Crochet ça avait été sa chance, sa seconde chance, elle l’avait prise sans jamais la regretter. Et rien ne l’a ramènerai à la vie d’avant.

Elle comprends pas tout ce que tu racontes, mais elle a saisi le fond et c’est tout ce qui importe. T’étais un gars d’honneur, un gars bien, quelque chose qu’elle savait déjà mais qui t’avais importé d’un monde à l’autre, t’étais un des rares qu’elle pouvait dire qui était resté le même.

« Je suis contente que tu sois pas resté au château, j’aurai manqué mon challenger favori. »

Elle le sait c’est terrible mais Crochet elle est aussi heureuse que Wonderland t’ai englouti. C’est égoïste, c’est peut-être même déguelasse, mais elle est sincèrement heureuse Crochet que vos routes se soient croisées. Sans parler qu’elle remerciait chaque jour le coup de la destinée de l’avoir envoyé ici, peu importait la force invisible qui l’avait aspiré ici, même s c’était le Diable elle l’en remerciait.

Elle te tire un tabouret, t’invite à t’asseoir, parce qu’elle aimerait discuter en fait James, elle veut t’écouter, elle sait pas pourquoi mais ses oreilles ne sont ouvertes que pour toi.

« Dis Marmot, tu me parlerais un peu plus de ta vie ? »

Un peu direct Crochet.

« Ou de ton père ? »

Un peu trop curieuse surtout.