Elle a la rage, Minerva. Cela la prend aux tripes, et ne la lâche jamais, cet inlassable sentiment qui la presse et tire ses traits. Elle sait contre qui mais ne sait plus pourquoi. C'est elle. C'est elle-même la source de cette colère. C'est d'elle-même qu'elle aimerait tordre le cou et broyer les os. Et parfois elle le fait, mais plus souvent, elle la redirige sur tout et contre tout. Contre les trop-heureux, les trop bruyants, les trop calmes, les trop tout. Alors elle frappe, elle insulte, elle siffle entre ses dents, sourcils froncés, en rejetant le monde entier.

  Sous ses airs d'ours mal léché, elle a encore une certaine noblesse, Minerva, une droiture, une dignité intriquée dans ses yeux sombres et nostalgiques, dans sa lame loyale et ses attitudes chevaleresques, dans sa mine sérieuse, dans ses airs de chasseur d'ogres qui n'a plus de démons à occire. Elle a le tempérament impétueux et le poing impulsif, mais le cœur juste, brides oubliées de rêves d'héroïsme passés. Elle n'initie jamais le combat, Minerva, elle ne ploie pas devant la haine et l'amertume qui lui viennent si naturellement, elle n'agit jamais que pour répondre à l'orage, à la provocation, physique et verbale, de sa personne et ses idéaux.

  Elle a presque peur des autres, incapable de rester indifférente à la bonté et la douceur, sentant toujours le poids de la redevance pour chaque acte de merci à son égard. Il faut tout balancer, rembourser chaque dette, compenser chaque sourire, égaler les politesses, rendre chaque baiser. Alors elle s'éloigne, elle met la distance, incapable de s'aimer elle-même mais ô, si adulatrice des âmes pures de ce monde.

  Et quand elle aime, Minerva elle aime à en mourir, à en déplacer les montagnes, à en couper le monde en deux. Elle aime en silence, elle aime de ses yeux portés si loin de vous alors que ses bras voudraient vous éteindre et sa tête se poser sur votre épaule, elle aime et aimerait que tous ceux qu'elle aime ne soient que sourire et joie, et qu'elle puisse dire en être la source. Elle aime en jalousie muette, en adulation impalpable, en désir coi.

Et on lui touche l'épaule avec candeur.
"Touché, c'est toi le chat".

Minerva, l'ogre à occire, c'est toi.

En quelle année et où a t-il grandi ?

Née en 1906, Minerva est adoptée par un couple anglais et grandit à Liverpool avant de partir étudier à Londres après la Grande Guerre.

Un souvenir marquant de sa vie d’avant ?

L'odeur des gâteaux que sa mère préparait dans la cuisine, cette photo en noir et blanc où, les cheveux tirés en arrière et le visage empli de fierté, tu portes l'uniforme du Women's Auxiliary Service, le service de police féminin.

Comment est-il mort ?

Défenestrée sur les pavés de Londres, les éclats de verre transperçant ta peau quand le cercle inlassable de la vengeance finit de faire son office après ta faute.

Comment a-t-il réagi à son arrivée ?

Elle était morte. Elle en était à peu près sûre, même si elle ne savait pas exactement pourquoi cela été arrivé. Elle l'a mollement accepté au départ. Une partie d'elle semblait lui dire qu'elle le méritait. Et puis elle a exigé qu'on lui rende le ciel et le paradis qu'on lui avait fait prier toute sa vie, car elle le mérité, elle qui n'avait fait que le bien, elle qui était si juste, si droite et si vertueuse toute sa vie, et a fait de la rage de l'injustice sa plaidoirie.

Quelle est sa plus grande peur ?

La peur d'avoir tort. De prendre la mauvaise décision, celle qui serait, par essence, mauvaise. Elle préfère laisser ce luxe aux autres.

Son objectif à Wonderland ?

Chasser les ogres. Les ogres ce sont ceux empreints de vice. Le vice, c'est tout ce qui ne lui semble pas juste. Ce qui n'est pas juste, elle l'a oublié, alors c'est tout ce qu'on lui dira ne l'est pas.

Secret inavouable

A commis un meurtre dans l'exercice de ses fonctions.

  Il n'était pas un criminel. Tout au plus un ouvrier bourré. Il pleurait. C'était un accident. Mais c'est en toute conscience que tu l'as exécuté par rage et vengeance. Que tu as prouvé que tu n'étais pas aussi vertueuse que ce que tu pensais.




  Ils n'étaient pas si vieux, mais leur fille adoptive était tout en autant un trésor à leur yeux. Leur déesse, promis à un bel avenir, malgré que le monde bientôt allait se briser. Le fruit est beau, le fruit est pur.



  Papa était devenu handicapé après la Grande Guerre, mais le fruit est mûr, et, tout aussi brillant et brave que son père, s'en va pour Londres pour devenir une de ces nouvelles femmes en uniforme qui s'occupe des délits mineurs et de la décence publique.



  Une brillante fille, une brillante policière, autoritaire, jeune, jolie, cette étrangère locale appréciée de tous qui s'intègre si bien à l'équipe. Et un jour dans une petite patrouille, des ivrognes un peu virulents qu'on entend depuis la rue qui harcèlent des jeunes filles au dernier étage d'un immeuble. Vous n'avez pas d'armes à votre ceinture mais la loi dans le cœur, et c'est avec aplomb que vous allez les interpeler. Ils se moquent, vous sortez vos menottes, ils paniquent, un couteau, de l'agitation et des cris, et dans un mouvement trop confus pour être compris le faisan pleure le singe hurle et le chien pisse le sang, et toi tu restes debout. Il bafouille, tu lui frappes les genoux, il titube tu lui frappe la mâchoire, il s'étourdit tu prends sa lame et la lève.




  C'était un accident, il est désolée, il pleure et ses larme se mélangent au sang dans sa bouche. Il n'a pas voulu.



Mais toi tu veux. Tu veux qu'il paie. Tu n'es pas ce genre de personne, tu n'es pas ce genre de policière, tu n'es pas une de ces cowboys sans valeurs.



Tu lui transperces la lame dans l'œil jusqu'à l'arrière du crâne dans une force que tu ne soupçonnais pas avoir. Le fruit est pourri, déjà part terre, et son comparse te fera basculer à travers la fenêtre dans ce moment d'inattention qu'un moment de regret te fit avoir.

Pas de fin heureuse pour ce conte là.

Tu t'es battue seule et trop longtemps, pour survire, pour une issue, pour finir ramassée comme un chien enragé sur la route en recherche de direction, par des tyrans au cœur d'or, pour qui tu brandis maintenant ta lame, en colère contre tout, à la recherche d'un ogre à occire, d'un démon à mâter, dans un monde où tout le monde et personne n'en est un.