CARACTÈRE

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La bête a dit : ne les crains pas, Samuel. Alors, Samuel ne craint ni ces mortels aux ambitions risibles, ni ses immortels à la puissance illusoire. Le poison de la dévotion dans ses veines et sa propre monstruosité comme maîtresse passionnée : c'est que rien ici ne semble assez saint ou assez damné pour l'atteindre.

Il parle, Samuel. Il abreuve innocents et pécheurs de ses paroles à l'apparence sage et bienfaitrice. Manipulateur au nom de sa pensée qui arrache sans remords des cris de douleur à votre gorge et marque votre peau de son sceau, une fois qu'il vous tient par l'âme. C'est des remparts de bienveillance feinte, qu'il a méticuleusement érigés tout autour de son être pour arriver jusqu'à vous.

Qu'il est noir, le cœur du prédicateur. Tant souillé qu'il ne semble plus être qu'une infâme bouillie noire : corrompu par les pensées détraquées dont il s'est lui-même nourri. Semblable à cette figure difforme qu'il idolâtre, on trouve dans les entrailles de Samuel quelque chose d'animal : un besoin psychotique de posséder l'autre, de s'en nourrir jusqu'à lui faire oublier toute indépendance.

Le prédicateur vous veut à genoux. Il vous veut suppliant son ciel et marchant dans ses pas, comme d'autres l'ont fait auparavant. C'est le prix, pour accéder à un paradis chimérique et tant espéré. C'est le prix, pour expier...

Au fond de lui, il sait qu'il vous sauvera. Il sait que vous vous baignerez dans le même sang.
Des taches rouges, sur le tissu noir éclatant. Des gouttes pourpres qui viennent s'éclater sur le sol comme une pluie battante. Enveloppes charnelles qui s'entassent les unes au-dessus des autres aux pieds d'un autel de fortune pour ne plus former qu'une vision macabre.

Il les voit, Samuel, ces âmes agonisantes qui se précipitent dans l'au-delà et l'y précèdent. Perdu jusqu'au dernier souffle dans ses délires divins. La pointe d'un très saint poignard contre un cœur qui bat frénétiquement. C'est le dernier cri d'un détraqué asphyxié par ses hallucinations. Déchire les chairs. Atteint le réceptacle de l'âme née corrompue pour le perforer fatalement. Et meurt, après avoir été le témoin d'un semblant d'apocalypse.

Tous les fidèles sont tombés. Le prophète lui aussi s'est effondré. Samuel avait dit : le Créateur ordonne de le rejoindre. Samuel avait dit : suivons les visions et les appels qui ont toujours guidé nos pas. Et tous avaient aveuglément suivi. Qu'importe, qu'on les appelle des cieux ou du plus profond des enfers.


Jusque dans la mort, il demeure seigneur au-dessus de ses fidèles. Et dans la mort, il demeure jusqu'à voir à nouveau la lumière.

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