sous le soleil couchant
naissent ses peines.
le remord jacasse quand coule les rayons de lumière, il invite la lune à en faire de même. et lily-rose dans l’aube s’assoupit, dévorée par ses chagrins.

« closed », la lumière s’éteint sur les boutons qui veulent éclore, puis elle regagne l’étage, s’enferme dans sa maladresse.

une main son épaule où traine le vestige d’une erreur appréciée, elle étale, comme à chaque soirée, la crème pour que disparaisse la cicatrice qui le lie à lui. mais les traces, rouges, s’agrippent à elle pour le lui rappeler,
elle l’a voulu, et ne regrette que d’être tombée sur plus impétueux qu’elle.

car quand trop badins ses sourires s’entichent de la moindre âme un peu frêle aux mots trop doux, elle y pense, à ce destin tranquille qui pourrait border ses maux. mais ne s’en amourache pas. (une pensée à hélianthe mais le cœur ne se serre pas) il faut plus que de la douceur pour faire battre un cœur, plus que des délicatesses pour se sentir en vie. mais à quel prix ?

sur un oreiller de larmes elle y repose encore ce soir ses cauchemars et au matin levant, traine avec elle les cernes et déplaisir de la veille.

« open », l’écriteau retourné mais pas un chat dans les rues. sur trois jours s’enchainent des évènements à wonderland, avec, pour débuter la recherche frénétique de ce time qu’elle n’espérait pas. qui était-il, finalement ? dans sa mémoire, pas même une poussière. qu’un concept après lequel ils sont trop nombreux à courir après. le regard sur la rue silencieuse,

matin sucré. mais pas un sourire devant l’astre qui se réveille. elle rentra dans sa boutique pour préparer quelques fleurs, arranger ses bouquets. lily-rose plongea ses esprits dans chacune de ses compositions, pour y purger ses ennuis. et quand retenti la clochette de l’entrée, elle se redresse, les yeux curieux
quelle âme venait se perdre aujourd’hui ?


ah.




le diable.


l’estomac noué et cet air placide qui s’enfuit, laisse place à ses frayeurs pour la crisper

ses poings se serrent
brise la tige de la nielle qu’elle avait en main

« monsieur faustian. » réalise que la chasse a commencée même si la douceur avait précédé leurs adieux éphémères.

proie apeurée doit pourtant prendre un air assuré pour espérer survivre un jour de plus dans le traquenard de leur ébats.

« encore envie d’une couronne ? » avale sa fierté parce qu’ici s’étale un commerce. « devrais-je vous faire une carte de fidélité ? » humour incertain laisse échapper un peu de rire sur ses derniers mots mais ne parvient pas à la rassurer sur l’avenir de ses rencontres avec lui. « que puis-je pour vous. »

question rhétorique.

étrange. cet instant ci dura une éternité.

du moment où la porte s’ouvrit pour laisser entrer la raclure de ses hantises,
à cet écriteau retourné pour faire languir ses regrets
en passant par ce silence langoureux qu’il maitrisait assez pour imposer la crainte de ses mots…

qu’il est fort, monsieur faustian
pour faire comprendre comme le monde est un néant qu’il piétine avec aisance.

ses pas vers elle pourtant elle ne quitta pas son comptoir
tant que le bois le séparait d’elle, la confiance ne fuyait pas
mais l’appréhension, elle, doucement fit son chemin.

pas de couronne de sang pour la reine des insolentes,
il allait droit au but, curieusement
que voulait-il ?

loin de l’intimité d’une chambre
sous l’air étouffant du pays blanc qui insuffle en elle plus de calme que de ferveur
à quoi songeait-il faire pour la débrider un peu plus encore, aujourd’hui ?

une main sur le col de sa chemise blanche
la pureté de l’âme, tremble
son épaule se souvient, garde la trace
ses souvenirs sont intacts


rose n’a rien oublié.

« bien, merci de vous en soucier ? » elle arque un sourcil en regardant la main de son client.
joli collier pour son cou, pensa-t-elle.

« excusez-moi, mais… » lui si calme les idées trop claires pour commettre le moindre faux pas
non, c’est facile à voir
sa venue est travaillée, calculée

les fleurs il s’en fout
c’est autre chose qu’il veut
pas elle
rose toute entière il n’en avait que faire
il veut teinter ses pétales de rouge
un bourgeon blanc ça ne lui sied guère.

coup d’œil sur son visage où elle ne voit aucune séquelle,

petit joueur.

« vous n’allez rien m’acheter, si je comprends bien. »

tripote ses mains gantées
l’esprit chapardé
elle cogite, calcule
planifie si possible le carnage qu’il allait lui offrir

belial est un homme trop généreux quand il s’agit d’imposer ses envies.

« alors dîtes moi dès maintenant ce qui vous amène,
et quoi que vous vouliez, c’est non. »

puis sans plus le regarder elle fit glisser la poussière de son travail dans la paume d’une main
jetant le tout dans la poubelle qui logeait sous le meuble qui les sépare.
elle claqua ensuite ses mains pour se défaire de la saleté
ironie quand on sait tout ce qui accapare son esprit.

« après tout, c’est fermé, pas vrai ? alors vous n’avez rien à faire là. »

lève un doigt pour se protéger des répercussions

« et pas de pouvoir ici, belial. »

ici on joue dans les règles de l’art.

mais quelle tirade, quelle éloquence – quel déni !
rosie en l’écoutant ne parvenait à contenir ce sentiment impossible
pourtant abordable

« oh, faustian… » soupira-t-elle d’un air attendri en penchant son visage
quel délicieux martyre ferait-il,
dans ce jeu dangereux.

« mon ami… mon seul ami… celui qui sacrifie tant de son temps pour me donner une vie sans peine… » d’une main habillée de noire elle venue effleurer la joue de ce bon samaritain, et
peut-être pu-t-il apercevoir qu’aujourd’hui
les gants qu’elle portait ne se limitaient qu’à ses poignets
la chemise s’occupant de couvrir le reste des erreurs gravées sur ses bras.

mais quelle prétention. quel égo, quel culot ?
de croire après l’avoir maquillé de tant de sang
de fureur, de désir, et d’ardeur
qu’il puisse esquisser ne serait-ce que l’idée

de compter pour elle.

ah ! sacrée comédie, tout du moins appétissante.
et il avait si aisément effacé l’atmosphère pesante que sa présence impliquait
qu’il était devenu difficile de croire qu’il la répugnait simplement en respirant.

alors sans plus de peur elle reprit, comme amourachée par l’esquisse de cette faiblesse
même si elle savait que sa place ne serait jamais que dans l’ombre de son insensibilité.

« j’ai pleuré, j’étais seule, comme abandonnée, vous avez raison… » et elle se pencha sur la table pour y croiser ses bras, son existence toujours se faisant plus petite que lui
consciemment.
« j’étais seule dans mes remords, sans vous pour sentir la force d’une étreinte contre mes cuisses. » elle laissa une main glisser sur le bois pour caresser la sienne, la délicatesse de son geste contrastant avec ses mots pervers. « abandonnée sans personne pour me réprimander… et ça m’a tellement manqué que je vous ai cherché… » mais sa tête fait non, et ses yeux le quittent un instant pour mimer sa maladresse tandis qu’elle pouffa, l’air fière. « ah ! suis-je bête. pardon, je me corrige ; ça vous a tellement manqué que vous m’avez retrouvé. »

puis elle se redresse enfin après s’être amusée de son insolence,
jamais ne restait-elle trop proche de ses griffes
plus calme, loin de cette dérision si légère qu’elle s’étonnait elle-même.

« vous avez l’air tendre, aujourd’hui. c’est pas que je cherche à vous énerver pour me prendre des claques, mais, voyez-vous, si nous avons la relation que vous prétendez, il faut être honnête. »

savoir qu’à tout moment perleraient sur son corps
réprimandes et corrections
bouillonne son sang, car,
oh lily-rose n’avait rien à perdre
quoi qu’elle dise
s’il avait fermé boutique aujourd’hui
ce n’était certainement pas pour lui dire des tendresses.

« mon seul vrai ami… belial voyons… si c’est sincèrement le cas alors je n’ai aucune raison de craindre la moindre claque ? »

bercée par une atmosphère singulière
lily-rose cachée par cette porte fermée
savait qu’elle mentait à son royaume, à ses mœurs
à toute cette vie de pacotille qu’elle construisait
par ses larmes et ses peines


alors
un homme. un seul homme
qui ne lui appartiendrait jamais,
cela valait-il vraiment le coup
de le laisser tout détruire ?

pour
qu’il la saccage toute entière
qu’il s’approprie l’exclusivité si intime de ses vices
qu’il intervienne sans un seul droit pour la détruire
le sourire aux lèvres ?

sous la pluie de ses mots, l’hécatombe de ses désirs.
elle écoute, se séduit de son audace
sans l’aimer entièrement.

belial faustian, mais quel aplomb.
il en faut pour oser mimer quatre gifles sur sa joue
et pour croire, sincèrement
qu’elle puisse quémander la moindre violence
au milieu de ses propres fleurs.
heureusement,
se tenir sur ses terres,
lui offrait une confiance si néfaste pour eux
qu’elle semblait prête à répondre de tout.

mais s’éloigne la rose
elle n’aimait pas ses mains (gantées)

« rien, monsieur faustian. je ne sacrifierai rien pour une claque.
alors j’imagine que si vous vous me la donnez, j’aurai tout gagné ? »

cadeau pour cette fougueuse retrouvaille
qui de toute façon finira marquée par ses coups.
à moins que ?

se laisse aller lily-rose
un regard sur sa main qui glisse derrière elle, sur le bois,
quand elle rejoint le côté de son ennemi.
et quand elle finit de s’approcher,
oh si petite face à sa stature
mais d’une élégance si fine,
elle le regarde, la tête levée
sans une once de colère, de peur, ni d’amertume.
elle passa outre ce trop plein de moquerie qui ne l'exaspérait guère
ici seuls eux savaient.

« ma boutique est fermée, alors vous n’êtes pas un client.
mais vous avez raison, je suis insolente.
j'espère que vous trouverez la force de me pardonner. »

adossée au bureau
elle se faufilait
doucement, en même temps que ses paroles,
ses mains contre le rebord
jusqu’à instaurer ce face à face.

dos à son comptoir elle se demanda même
combien de minutes cela prendrait
pour qu’il l’asseye dessus
et que leur hauteur se confondent

pas par envie non,
mais par curiosité

combien de temps faut-il à monsieur faustian pour mettre la main sur ce qui trône en face de lui ?

« de vous à moi ce genre de rencontre ne m’enchante pas particulièrement
mais quitte à vous avoir ici, pour moi
déliez votre langue, dîtes m’en plus sur vous ? »

mais pas une caresse, pas même un souffle désireux contre lui.
rose droite dans sa position, patientait.
qu’allait-il bien pouvoir initier ?
la gifle salvatrice ?
il n’était pas du genre à embrasser le premier.
alors, peut-être passerait-il ses doigts contre son cou ?
hm… sans savoir elle y songe,

quand la curiosité surpasse la peur,

comment fonctionne-t-il,
ce monstre sans gêne ?

« je pourrai envisager de vous avoir parmi mes amis, après. »

lily-rose entre les tu et les vous
pour plaire, surement
se croit maline
on joue avec la distance des rapports
vouvoie l’ennemie,
tutoie pour faire croire à l’ami.

leurs deux corps si proches
pourtant dénués du moindre contacte
y’a que les yeux pour se défier,
que les mots pour allumer le feu

et comme lui elle n’initie rien
à voir lequel perdra patience le plus vite

c’est pas la violence qu’elle attend rosie
c’est la victoire. l’ego gonflé,
la saveur d’être désirée.

et dans leur mutisme tactile il se dévoile
mr faustian, halloween-city, casino de pacotille
elle savait où le trouver, maintenant
encore faudrait-elle qu’elle assume de le chercher.
et c’était tout ? pas de madame faustian,
pas de plaisirs ouverts,
pas de passions libres ?

ne se résumait-il qu’à ça, le diable ?
sur ses mots elle hausse les sourcils,
surprise d’être si peu repue par ses dires
pourtant il a l’air bavard, quand on le toise,

les apparences.
ça ne veut tellement plus rien dire.

un coup d’œil derrière lui
le visage se détend à nouveau
lily-rose cherche la réponse à sa dernière question…

une insolence que l’on assujettit pas par la provocation
voilà ce que trainait devant la douceur falsifiée du pays blanc.

mais il faut peser ses déclarations,
le feu grandit, l’étouffer serait un gâchis.


oscille, son envie
trop sincère
trop mutine
trop douce
trop naïve
trop taquine.

alors elle le regarde à nouveau,
scrute ses pupilles, une à une,
elle y voit même son reflet

pauvre femme à la peau si belle,
ternie d’un noir qu’on ne voit que dans l’ombre du jour.

« je ne vois rien, monsieur faustian. »

elle voudrait prétendre ne plus vraiment savoir si ce néant lui appartient
où s’il est de lui
mais

c’est ce qu’il lui montre
et c’est ce qu’elle ressent.

sans plus ajouter un mot
sa présence n’était ni désirée
ni convoitée

des coups si elle en veut elle en trouvera
des reproches, elle sait comment s’en donner
et l’impolitesse ne lui plaisait guère.

alors qu’allait-il arriver de plus ?

d’elle-même déjà placée
à l’aise
dans la gueule du loup
fermerait-il ses crocs sur elle ?
ou prendrait-il le temps de découvrir ses saveurs ?

immobile,
ses yeux entièrement le capturent
elle patiente,
gracile allure esquissée par la barbarie des caresses et des leçons à voix haute
reine impériale de la patience et de son contraire
tente tout ce qu’elle peut pour captiver
un peu de cet homme

celui qui croit avoir la main sur elle
alors que glissent, les ronces
glissent à leur cou.

sans esquisser la moindre frustration, non
pas ce plaisir pour monsieur faustian
même si elle l’ennuie,
lily-rose pense, cogite, se tente à le découvrir

mais le regard le suit
quand vagabonde, l’ombre du mal
au grès des fleurs, se faufilant près des feuilles
puis se dessine devant elle,
un couteau en main,
alors elle a l’air plus sévère, rose
quand on approche ses trésors avec une lame aussi sale
sans forcément réagir elle attend, observe ses gestes

quatre bleuets, tiges fauchées
terminent dans ses mains.

bleuet. délicatesse.
quatre. le nombre de ses claques.

les lèvres qui se relèvent dans un coin
il en faut, de l’arrogance,
pour se servir dans sa propre boutique
et y glisser dans un bouquet si mince,
et insignifiant,
le souvenir d’une soirée dangereuse.

roule entre ses doigts
le mince présent qu’il lui avait laissé
avant de s’engouffrer sans y être invité
à l’arrière-boutique.
son visage tourné vers sa silhouette qui disparait,
elle rejoint l’étagère qui longeait son comptoir
y dépose à côté d’une rose séchée
quatre fleurs bleues.

« non monsieur faustian. » répondit-elle mollement à sa première question.
mais à l’ignorance de son audace,
oui

on attaque pas rosie sans lui céder son attention et ses désirs.

« montez donc, monsieur faustian. » sur le même timbre de voix,
comme lassée par ce néant qui les ronge
tant il se refuse à baisser sa garde.

« vous risquez d’être bien vite déçu,
la porte est fermée et je garde toujours la clé sur moi. »

alors erre, « une femme comme elle »,
l'esprit qui travaille,

ciseaux en main,
de vase en vase,
sélectionnant
tubéreuse, achillée.

le rejoignant à l’arrière-boutique sans lui offrir un regard
elle prit une ficelle blanche à son plan de travail,
lia les deux tiges,

qu’elle déposa par la suite sur la petite table ronde qui tenait
au centre de la pièce.

« la curiosité est un vilain défaut, vous savez.
mais ce n’est pas le pire que vous avez. »

puis elle regagna son bureau
s’asseyant sur la table, jambes croisées
les paumes derrières elle, à plats, pour s’appuyer,
ses yeux sur lui.
dévorent.

« dîtes moi ce que vous cherchez
je pourrais peut-être vous le donner.
tout est une question d’honnêteté, monsieur faustian.
simplement, de l’honnêteté. »

et comme un souvenir qui la frappe, elle pointe la table devant elle.

« oh, je vous ai fait un cadeau, moi aussi.
une fleur pour vos jeux dangereux,
la seconde pour vous soigner d’eux.
mais venez donc plus souvent à marmoréal
l’air du pays semble vous rendre plus doux,
en plus vous avez l’air de vous intéresser aux messages cachés des fleurs,
c’est agréable. »

sans se risquer avec plus d’assurance
elle laissa simplement
un dernier rictus
comme innocent
pour clore sa parole.

loin du chagrin ici trône le soleil
plus en haut dans ses appartements
ses misères
mais on ne pleure pas, dans le commerce de sa capitale
on affiche ce bonheur qu’on travaille durement
c’est qu’à la nuit que tombent les larmes
et la matinée l’en protège.

douce entourloupe alors l’esprit s’apaise,
car le voilà qui descendait à nouveau
s’armant de sa composition si fragile
antithèse pour un homme si brutal.

elle a ce regard désintéressé, quoique
quelque peu amusé
lily-rose et les apparences, pour couvrir son mensonge

trop rassurée elle ne s’occupa même pas de répondre
à ce qui ressemblait être
une menace
petite proie pensait berner son chasseur,

mais quelle idiote.

disparait, encore, ce voleur d’autorité
marchant,
vers ce jardin privé où rose autorisait ses colères

plus proche il se faisait, moins elle respirait.

sûre,
pourtant pas certaine
il finirait par s’arrêter dans sa provocation d’enfant malappris, pas vrai ?

mais grince la porte.


les limites. si précieuses quand elle les instaure
si inutiles quand il s’invite.

la confiance coincée dans la gorge
ses fleurs cadeau trop honnête entre ses viles mains
il avait
osé
braver la limite de la décence
au-delà même de l'irrespect.

que l’on martèle son corps comme un objet
ou que l’on l’insulte jusqu’à la presser pour y trouver ses larmes

mais qu’on daigne braver ses dires
assumer qu’elle mente
et la prendre de haut,
de surcroit,
quelle honte. quelle colère.
qu’elle haine. quelle fureur.

balaye la moindre
poussière
de sympathie qu’elle avait pu ressentir à son égard.

alors la lèvre inférieure subit son agacement, serrée contre ses dents, et
inspire…
mais rien ne peut la calmer.

d’un coup de main rosie fait valser le vase qui décorait son bureau
mélange du matin d’hier, tulipes blanches et rosâtres,
à même le sol, l’eau pour les noyer
le vase en morceaux.

debout emportée par cet excès,
le pas ferme, trop rapide pour paraitre amical
elle gravit les marches
l’agressivité dans le creux de ses yeux
s’emporte,

un rapide coup d’œil sur le massacre de ses terreurs
des murs abimés par l’éclats des pots
à l’état de son sol gâché par les cadavres de ses peines

s’étaient éparpillés, dans toute l’entrée qui donnait à son salon,
ses chaussures en bordel, lâchement jetées
et, entre deux semelles, quelques pétales fanées, surtout broyées.

mais au-delà du désordre sans nom qu’elle n’arrivait plus à voir par-delà sa rage
il y avait
toute cette intimité singulière, que rose se tuait à garder pour elle
le chaos de son entièreté, imagé par cette pagaille

non,
les limites ne sont pas faites pour être franchises

« stop ! assez ! » la voix trop élevée
elle qui d’ordinaire étouffait ses cris
ici le timbre était tremblant, presque cassé par l’émotion qui la tiraille

et dans sa course effrénée sa volonté se faisait de plus en plus claire.
il fallait
le punir
jusqu’à ce que sa figure prenne la couleur de son
sang
jusqu’à ce que ses poings,
à elle
ne puissent plus se serrer pour le frapper jusqu’aux
os.

en arrivant à la porte de ses secrets
dans son parcours, elle tira contre son épaule pour qu’il se tourne vers elle
et y plantant par la suite le reste de ses ongles, elle usa de son élan pour qu’il se heurte à la console où trainaient
un dépotoir de médicaments vides, un carnet, quelques brisures.

et au sol à présent :
le dos de son ennemi, son visage entre ses dégâts.

peut-être s’était-il même fait mal dans sa chute,
et tant mieux ?
mal allongée sur lui il ne lui fallut qu’une seconde pour redresser son dos
s’asseyant au-dessus de ses hanches
les paumes de part et autre de sa tête

et haletant,
ses cheveux en pagaille
la douleur pour contenir sa rage démesurée
elle souffre, mais un poing
se lève
vibre de sa force

quand
à l’opposé
ses yeux se submergeaient de trop de larmes
la fragilité s’imprégnant dans chaque ride que sa nervosité exprimait.


mais elle ne pouvait pas
lily-rose
se laisser aller à cette violence compulsive qui trahissait sa rédemption
il y avait toute cette sauvagerie en elle
que l’obscurité laissait vivre
que la lumière se tuait à taire

et devant elle
ce néant de volonté pure
belial faustian
comme s’il était
sa nuit éternelle

alors perlent
perlent étoiles,
silencieuses,
sous formes de larmes
sur ses joues
elle le regarde.

baisse son poignet,
baisse ses défenses,
baisse son cou,

dénudée des agressions qu’elle avait pourtant
tellement
espéré assener
ses mains glissèrent jusqu’au tissus qui couvrait ses clavicules
elle froisse, froisse...
ses avant-bras eux se posèrent contre son torse,
puis elle laissa reposer son front
contre ses poings qui serrent,
le tiennent, lui contre elle
elle contre lui


et
une petite voix.

« je peux pas… » fissures le rythme est triste, épuisé. « je peux pas faustian. » bien sûr elle le hait, bien sûr elle s’imagine rire sur son corps inanimé
pourtant sanglote lily-rose, contre lui
surement trop fier de pouvoir la briser.

ce trop-plein d’émotions d’habitude se décortiquent aisément face à la lune
mais pas quand il est là. pas quand il les attise si ardemment.

« pitié !
pas ici
pas chez moi
traînez moi à halloween-city si c’est pour vous moquez,
mais pas ici ! »

le cœur tout en miette
presque effondrée sur lui
le contraste d’une douceur jamais envisagée
souvenir de sa violence

non, lily-rose n’est pas la seule à vivre
les sentiments entre délicatesse et brutalité.

son ami, se présente-t-il encore
celui qui brave ses limites pour apposer les siennes
toujours moqueur, l’esprit fier
avouant son crime tout en l’excusant car il veut
l’aider

mais elle n’a pas la force de contester
rosie dans son chagrin de journée
ne savait plus ce qui la tiraillait véritablement
la honte ?
la colère ?

ou qu’il soit celui
le triste, seul, et terrible,
à s’immiscer sans qu’elle implore l’oubli
de pardonner leurs travers ?

enlacée pour la première fois depuis longtemps
les cadavres de ses larmes contre lui
elle inspire,
renifle
il ne faut pas lily-rose
les pleurs sont les caprices des nuits
alors elle confine à nouveau
cette rivière de larmes
pour restreindre sa douleur

et quand elle se redressa pour le découvrir
un peu flou sous ses prunelles attristées
il glissait
des caresses de réconfort pour chasser les sanglots du déplaisir
et elle ne peut pas lui refuser ça
pour une fois qu’il se livrait à elle

alors, quand après la tempête
venu le calme
son esprit ne pouvait
plus craindre grand-chose
le pire finirait
de toute façon
par arriver
(qu’elle se l’imagine ou non).

sa main, alors, venue saisir
le poignet qui osait, tenté par la tendresse
choyer l’une des joues qu’un jour il avait frappé
y tirant, doigt après doigt
un peu du gant qui couvrait sa peau
accompagnant son silence et son geste
de quelques baisers tendres à sa paume.

ses yeux rouges dans les siens
elle repense
« brisés »
mais pas pareils.

puis elle tira sur le tissu jusqu’à le lui ôter
tenant le dos de sa main dans la sienne
elle le guida
doucement

dans un parcours si précis – celui qu’elle faisait chaque soir
dans le décolleté de sa chemise, pour effleurer sa clavicule
jusqu’à grimper, grimper
là
où traînait
la cicatrice de son emprise.

« je vou– ... » coupée elle inspire. « je t’ai laissé m’emmener dans les basfonds de tes vices, je t’ai laissé me peindre de sang, je t’ai laissé voir ce corps martelé de plaisirs et de hontes, et je t’ai même laissé y apposer ta propre signature… parce que j’avais besoin qu’on me bouscule. mais tu m’as jeté du bord d’un ravin, belial… ? » non non non mime doucement sa tête quand sa voix se livre, torturée par ces vérités cachées.

lily-rose voulait être bouleversée par sa venue
mais il la hantait – toujours n’était jamais plus,
et assez n’était jamais trop.

et puis
cet éclat amer dans le regard
qui rendait si dramatique sa colère
comment ne pas le haïr
même si le voir n'était pas une torture

« tu ne m’aides pas
tu t’incrustes comme un parasite pour me détruire à petit feu... »

quand elle voulait simplement succomber à ses envies pour les oublier à l’aube
lui, lui voulait voler son ciel pour qu’on n’y trouve plus jamais un seul rayon

mais que deviendrait-elle
si plus jamais elle ne doute ?
non
non, rose
lily-rose a besoin
de regrets
pour espérer
mieux vivre
et elle a besoin
de vivre mieux
pour apprécier
ses regrets.