P A N D E M O N I U M

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approche, que je t'apprenne
de quel bois se chauffent les hommes à l'âme gelée.
connais-tu cette histoire ? elle commence, il me semble
à la toute première aube de notre humanité.

approche.
approche.
approche.

tout près, caspian préfère,
et pour mieux t'attirer, parle tout doucement
si bien qu'il te faudra te pencher pour l'entendre.

caspian a, tu comprends, tant de choses à te dire !
tant de petits secrets qui se logent sous tes tempes
se lovent à tes idées comme des jolis serpents.

caspian adore les autres
(mais toi d'abord, bien sûr
toujours toi le premier).

caspian plaisante souvent mais ne s'amuse jamais,
use à bon escient des muscles du sourire.
(il sait comme trois d'entre eux rendent l'acte authentique,
et s'applique, sciemment, à jouer des mécaniques
qui dans le coeur d'autrui font germer des désirs
des amours belladones qui restent inconsommées,
des obsessions très chastes).

caspian s'ennuie  
caspian s'ennuie de toi
caspian s'ennuie de tout !
voudrait te démonter comme on fait les pantins,
voir si tu bouges encore une fois mis en pièces.
(ses dissections, bien sûr, ne sont qu'émotionnelles).

caspian est bon flûtiste,
mais surtout mauvais homme.
(et pour cause : c'est un monstre).

approche, encore un peu,
presse l'oreille à son torse,
que l'on voie si ça pulse.


je dessinerai pour toi les merveilleux mirages de la vie de caspian
les mémoires en trompe-l'oeil et les regrets postiches
des souvenirs-berceuses, des comas idylliques
j'inventerai sans doute car rien chez lui n'est vrai.


chers parents, désolants,
vous l'avez bien cherché !
(quelle idée, après tout, de contrarier caspian ?
vous savez qu'il est fou.
même pas un sorcier : c'est le diable, simplement
ses humeurs malfaisantes lui ont tordu le coeur
regardez, au soleil... ses yeux sont presque rouges.)

chers enfants, innocents,
on se croit immortel à tout juste sept ans.
assez pour se laisser emmener sur les ponts,
simuler les envols.
(venez avec moi, venez... on s'amusera.
shh, doucement, doucement... c'est un peu un secret.
laissez-moi vous apprendre à jouer comme les grands.)

cher caspian, tu m'entends ?
c'est à toi que je parle.
je sais comme tu as ri
pendant qu'ils se noyaient.
(n'as-tu pas un peu honte ?
n'as-tu pas un peu peur ?
je crois que tu m'effraies.)

te rappelles-tu des mains qui se tendaient vers toi ?
des silhouettes minuscules portées par le courant ?
j'aimerais affirmer qu'elles hurlaient homicide !
(mais c'était au secours que leurs voix suppliaient.
caspian, caspian, aide-moi
caspian, caspian, pourquoi ?)

ce n'était pas leur faute,
tu en es bien conscient.
(face aux foules endeuillées,
tu aurais pu mentir, prétendre un accident,
c'est comme si tu cherchais qu'ils te le fassent payer !
aux crimes démesurés, alors : le prix du sang.)